Pour le chef de la CAQ, François Legault, la semaine dernière fut pénible. Une véritable hebdomas horribilis, comme on dit en latin. Un passage à vide qui, pour la suite des choses, lui a néanmoins servi un sérieux avertissement.
Pour un parti politique en avance depuis des mois dans les sondages, le début de campagne de la CAQ fut étonnamment chaotique. La démission de Stéphane Le Bouyonnec, surtout, était gênante. Proche ami de M. Legault, il était aussi président de la CAQ et candidat dans La Prairie.
Sa démission est venue rappeler son passage à la tête d’une compagnie canadienne de prêts offerts à des taux d’intérêt outranciers de 90 % et plus. Le député Éric Caire, pourtant son « shérif », a également dû s’expliquer pour un manque d’éthique.
M. Legault s’est aussi pris les pieds dans la présentation erratique de son « escouade économique » à expansion infinie. Etc. Pas étonnant que le chef caquiste ait senti le besoin de prendre une « pause » ce samedi. Question sûrement de se ressaisir à temps pour le reste de la campagne.
Bénédiction
À preuve, en présentant hier la candidature surprise de Christian Dubé dans La Prairie, M. Legault rayonnait de joie comme une femme enceinte. L’arrivée de M. Dubé, ex-député vedette de la CAQ et premier vice-président de la Caisse de dépôt et placement, lui offre son possible futur ministre des Finances.
Malgré son mauvais début de campagne, M. Legault a néanmoins eu la chance de perdre Gertrude Bourdon comme sa ministre « rêvée » de la Santé. Considérant son atterrissage raté au PLQ comme successeure promise à l’impopulaire Gaétan Barrette, la défection in extremis de Mme Bourdon s’est avérée, pour la CAQ, être une vraie bénédiction.
Cela dit, François Legault a raison de répéter qu’il ne tient rien pour acquis. En situation bipartite, entamer une campagne au 1er rang augure souvent bien pour le meneur. Mais attention. En contexte multipartite – comme c’est le cas au Québec et au fédéral depuis quelques années –, la dynamique d’une campagne est nettement plus volatile.
Vraie campagne
La raison est simple. Si elle perdure, une mauvaise campagne peut faire fondre les appuis du meneur au profit du gouvernement sortant ou d’un tiers parti. Demandez-le à l’ex-chef du NPD, Thomas Mulcair, qui, en 2015, commençait sa campagne en lion avant de se faire damner le pion par Justin Trudeau.
Pour le moment, M. Legault est chanceux sur un autre plan. En rodage jusqu’ici, la vraie campagne débute ces jours-ci. Traduction : à condition qu’elle soit l’exception et non la règle, son hebdomas horribilis pourrait être oubliée bientôt par les électeurs.
On sait aussi que le nombre d’indécis est élevé et que les débats des chefs sont parfois déterminants dans la dernière ligne droite vers l’isoloir. Bref, pour le chef de la CAQ, encore fortement en avance chez les francophones, cette élection-ci, c’est en fait à lui de la gagner ou de la perdre.