Guillon, Porte et Morel à la trappe: applaudissements à l'Elysée

Géopolitique — médiamensonges des élites


Renaud Revel - Le PDG de Radio-France, Jean-Luc Hees et le directeur de France Inter, Philippe Val, auront beau avancer tous les arguments de la terre et jouer de toutes les contorsions, les limogeages consécutifs de Stéphane Guillon, Didier Porte et François Morel seront forcément interprétés comme une capitulation en rase campagne. Jamais responsables de l‘audiovisuel public, depuis l’installation de Nicolas Sarkozy à l’Elysée, n’auront cédé avec autant de zèle aux oukases d’un pouvoir, et plus largement d’une classe politique, excédés par les billets au vitriol d’un trio de saltimbanques que l’on exécute aujourd’hui, sans ménagement.
On peut tout reprocher aux trois intéressés - le caractère délibérément provocateur et souvent pyromane de leurs interventions, l’outrance, la vulgarité de certains propos et les franchissements de ligne jaune - mais quels que soient les débordements, ce tir groupé de licenciements est une faute inexcusable. La liberté d’expression, même quand elle devient l’argument moteur des pires provocateurs, est un bien trop précieux pour qu'on la bafoue…
En aurait-il été exactement de même, si le PDG de la Maison Ronde ne devait pas son mandat au chef de l’Etat et le directeur de France Inter son fauteuil à la première dame de France, Carla Bruni? Je ne le pense pas. Bien évidemment, on ne peut faire qu’une lecture politique de cet épisode désastreux qui jette forcément un voile de suspicion sur le mode de gouvernance d’une entreprise où règne depuis ce matin un certain malaise. Ne parlons pas de maladresse, de décision inévitable ou de précipitation: toute interprétation autre que politique relèverait de la farce.
Certes, les dirigeants de Radio-France auront beau jeu de rappeler que les bornes ayant été franchies et les trois zigotos avertis à de multiples reprises, il fallait que la sanction tombe et que les saltimbanques payent. On rétorquera que les millions d’aficionados d’Inter n’ont jamais semblé choqués, au point d’exiger ces trois têtes que s’empresse d’offrir à leur actionnaire une équipe dirigeante décidée à faire place nette.
Tout cela nous renvoie à des pratiques et à une époque que l’on pensait ensevelies à jamais. Et tout cela augure assez mal de ce qui s’annonce à France Télévisions, où Nicolas Sarkozy s’apprête à installer une nouvelle équipe. Le limogeage de Stéphane Guillon et de ses deux comparses est en tous les cas la première démonstration, in vivo, que la loi Sarkozy réformant le mode de nomination des PDG de chaînes de service public comportait bien en son sein les gènes malsains d’une reprise en main. Et Radio France en est le laboratoire.
Ironie du sort, mais pas fait du hasard, Canal+ a profité aujourd'hui de l'officialisation de l'éviction de Guillon de France Inter pour annoncer qu'elle reconduisait le contrat de ce dernier, pour la huitième année de suite, au sein d'une chaîne dont le PDG, Bertrand Méheut, n'est pas nommé par le chef de l'Etat...


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