Si vous passez dans le petit village de Saint-Nazaire au Lac-Saint-Jean, préparez-vous à sortir votre espagnol. Depuis le mois de novembre, une trentaine de villageois suivent des cours de langue seconde pour devenir la deuxième famille des travailleurs mexicains qui viennent d’être embauchés à l’usine du village.
Même si les Mexicains suivent des cours de français obligatoires, la Municipalité a investi 1000 $ pour subventionner deux cours d’espagnol aux Nazairois.
La demande est forte, on a été obligés d'en refuser. On donne deux groupes de 15 par soir, on a 30 personnes d'inscrites
, s’étonne le maire Jules Bouchard.
Les nouveaux travailleurs font un effort pour apprendre le français, alors nous on fait l'effort d'apprendre l'espagnol.
Rareté et opportunité
Cet intérêt soudain pour la langue espagnole est né avec l’arrivée de cinq premiers soudeurs mexicains, qui ont été embauchés en octobre à l’entreprise Proco pour pallier la pénurie de main-d’oeuvre.
Nous sommes mieux payés, les heures de travail sont moins longues et le milieu de vie est beaucoup plus sécuritaire qu'au Mexique
, explique Angel de Jesus Paredes Rodrigez.
L’équipe du directeur général, Jean-Denis Toupin, s’est rendue au Mexique pour choisir un total de 16 travailleurs parmi 400 postulants.
Ils ont le même statut que tous les autres employés chez Proco, ils ont un contrat de trois ans, ce ne sont pas des travailleurs saisonniers. On a sélectionné des gens en leur disant : "Nous, ce qu'on cherche, c'est des gens qui vont venir s'installer pour toujours chez nous".
Je pense que la communauté se rend compte que l'immigration au Québec on n'aura pas le choix, on devra la vivre et, nous, on s'est dit on va accueillir le monde comme il faut.
Au village, les citoyens et les élus, comme Jean-François Néron, ont décidé de sauter sur l’occasion en apprenant l’espagnol et en créant un comité d’accueil pour les nouveaux arrivants en attendant le reste de leurs familles.
On les a invités à tour de rôle, on leur a magasiné des manteaux d'hiver, on leur a acheté une voiture. On les a intégrés dans nos groupes d'amis à Saint-Nazaire
, raconte-t-il.
Je suis enseignante alors on va sûrement peut-être accueillir ces petits enfants-là à l'école. [Apprendre l’espagnol va] me donner l'occasion de travailler avec eux et de me faire comprendre
, confie Julie Desgagné qui est membre du comité.
Jean-Denis Toupin se réjouit de voir que la mobilisation perdure depuis l’arrivée des premiers employés mexicains.
Ce n'est pas une mode passagère, donc il faut que la population continue d'être ouverte parce que ça va se produire, il va y avoir des gens qui vont venir nous aider à produire et à rester une région compétitive, efficace et productive
, admet le directeur général de Proco.
Le maire Jules Bouchard voit même plus grand.
Souvent, on voit nos jeunes qui partent à l'extérieur et on a une opportunité d'aller chercher des personnes et les intégrer à notre municipalité, on a des quartiers en développement. Si on peut en garder et agrandir notre municipalité, c'est notre but premier.
Réunification des familles
À l'usine, cette ouverture aux autres enracine les Mexicains au Lac-Saint-Jean, qui n’attendent que leur famille pour s’installer.
J’ai une fille et ma femme est enceinte
, raconte Angel de Jesus Paredes Rodriguez dans un français rudimentaire.
Moi, mon bébé naîtra en mai
, ajoute Jesus Molina Pavon.
Après trois mois, la distance leur pèse et ils rêvent du moment où ils pourront partager l'hospitalité des villageois d'ici avec leurs proches.