Depuis le déclenchement de la campagne électorale, le 28 août, une constante s’est dégagée à bord de l’autobus de la Coalition avenir Québec (CAQ) : pas une seule journée ne s’est écoulée sans un arrêt dans une circonscription où les conservateurs d’Éric Duhaime espèrent faire une percée le 3 octobre.
En ce cinquième jour de campagne, trois arrêts sont prévus dans la Capitale-Nationale : Portneuf, Vanier-les-Rivières et Charlesbourg. Simple coïncidence? Pas du tout. Même les stratèges caquistes le concèdent.
Un coup d'œil au site de projections QC125 permet de voir que le Parti conservateur du Québec (PCQ) pourrait récolter jusqu’à 31 % du vote dans ces trois circonscriptions de la grande région de Québec. Ici, Éric Duhaime est donc le principal adversaire de François Legault, et ce dernier le sait.
Au deuxième jour de la campagne, la CAQ a organisé un souper militant dans Beauce-Nord, où QC125 projette que le parti pourrait récolter 42 % des voix. Ce n’est toutefois qu’un point d’avance sur les troupes du PCQ.
Juste avant ce souper, François Legault avait fait un arrêt dans Bellechasse, où le PCQ pointe aussi au deuxième rang, à 31 %, quoique loin derrière la CAQ, qui caracole à 46 %, toujours selon le site QC125.
Puis le lendemain, c’est dans le comté voisin, Beauce-Sud, que l’autobus a fait son premier arrêt. C’est d’ailleurs à cette occasion que François Legault a fait référence à Éric Duhaime comme un chef de parti irresponsable
en raison de ses positions sur les mesures sanitaires.
Là encore, la lutte s’annonce épique : QC125 met carrément la CAQ et le PCQ à égalité dans Beauce-Sud, avec 41 % des voix.
En coulisses, la CAQ ne nie pas que la montée d’Éric Duhaime dans certaines circonscriptions a été prise en compte dans la confection de l’itinéraire de campagne.
C’est surtout vrai pour la Beauce, où le parti tenait à aller rapidement rencontrer les citoyens. L’entourage de François Legault est conscient qu’il s’est passé quelque chose
dans cette région durant la pandémie, confie-t-on.
D’autres signes
L’analyse peut être poussée plus loin. Mercredi, la CAQ a fait deux arrêts en Montérégie, une région administrative qui ne compte pas moins de 22 circonscriptions.
À quels endroits a-t-on coupé le moteur? Dans Châteauguay, mais surtout dans Iberville, où le PCQ présente sa candidate vedette Anne Casabonne.
Même le tout premier discours de campagne de François Legault, le 28 août, s’est fait en terre possiblement fertile pour Éric Duhaime : Montmorency.
Ce n’est probablement pas que le joli panorama offert par la chute du même nom qui a amené les troupes de François Legault à y faire leur toute première démonstration de force.
La Capitale-Nationale et Chaudière-Appalaches sont des régions où des partis plus à droite comme le Parti conservateur du Canada et la défunte Action démocratique du Québec ont historiquement connu un indéniable succès.
Bien sûr, depuis le début de la campagne, la CAQ s’est aussi arrêtée dans Jonquière, Sherbrooke et Vimont, des circonscriptions respectivement détenues par le PQ, QS et le PLQ à la fin de la dernière législature.
La CAQ ne veut pas que protéger ses acquis. Elle veut aussi faire des gains. À la fin de la dernière période de travaux parlementaires, François Legault a bien dit qu'il espérait décrocher une majorité forte
le jour du scrutin.
Lucides
Thierry Giasson, professeur de science politique à l’Université Laval, affirme néanmoins que les efforts déployés dans les circonscriptions où les idées du PCQ sont bien reçues est un signe que la CAQ a bien cerné la situation.
Ça nous indique qu'ils sont lucides par rapport à des mouvements qu'ils ont pu identifier dans leurs recherches préalables au déclenchement de l'élection, qu'ils savent que certains de leurs électeurs de 2018 pourraient être tentés par un appui au Parti conservateur cette fois-ci
, explique M. Giasson.
« Ils veulent assurer leurs acquis dans ces circonscriptions qui sont, pour l'essentiel, dans la région de Québec [...] Ça veut dire que ça fait partie des priorités. »
On veut probablement rapidement aller à la rencontre de ces électeurs et des équipes locales qui vont avoir à faire la campagne de terrain pour les mobiliser, les encourager, leur dire à quel point leur travail est important
, ajoute-t-il.
Des choix fondamentaux
M. Giasson explique que la confection de l’itinéraire d’un autobus de campagne est au cœur de la stratégie de campagne
des partis politiques. Peu, voire pas de choses sont donc laissées au hasard.
C'est quelque chose qui est central, qui est déterminé plusieurs semaines à l'avance et qui est arrimé à des objectifs stratégiques, de gain ou de maintien de circonscriptions qu'on juge potentiellement en danger
, dit-il.
C'est donc fondamental, cette tournée, et le choix des endroits où on va s'arrêter avec précision
, poursuit le professeur, qui est aussi responsable du Groupe de recherche en communication politique à l’Université Laval.