Depuis la création de la Coalition avenir Québec, en 2011, son chef, François Legault, est accusé d’ambivalence quant à sa position sur « la question nationale ».
Il est vilipendé par les uns pour ne pas être un « vrai fédéraliste » et par les autres pour avoir renié la cause souverainiste.
Double discours, vraiment ?
Pas plus tard que le 28 juillet dernier, dans une entrevue avec le West Island Blog, M. Legault a réaffirmé qu’il était temps de changer de sujet de conversation.
« Il n’y a pas de séparation dans ce mandat ou dans un autre. Pas de séparation du tout en ce qui nous concerne. Notre première priorité est l’économie », a-t-il dit (traduction).
Mais ce n’était pas assez pour certains et trop pour d’autres. Qui a donc intérêt à entretenir cette ambiguïté autour de François Legault ? Peut-on être Québécois et Canadien sans être accusé de haute trahison ?
À ceux qui prétendent qu’il parle des deux côtés de la bouche, selon qu’il s’adresse aux francophones ou aux anglophones, il est utile de rappeler sa déclaration d’il y a quatre ans : « Il n’y aura jamais de référendum pour la Coalition même après 10 ans, même après 20 ans, alors c’est clair. » – CTV, Montréal, 10 avril 2014 (traduction).
L’un des aspects positifs de la CAQ, c’est précisément d’avoir mené une réflexion, depuis 2015, sur un « nouveau projet nationaliste » qui permettrait aux Québécois « d’affirmer leur identité, de développer leur économie [...] tout en établissant les bases d’une réconciliation durable avec le reste du Canada ».
Mais à en croire le premier ministre Couillard, François Legault ne serait pas « un vrai fédéraliste », parce qu’il n’aurait pas réussi à prouver sa « fierté d’être Canadien » (23 mai 2018).
Il l’accuse d’aimer le Canada uniquement pour des raisons « matérielles » et non par « attachement profond ».
Et que dire alors du premier ministre Robert Bourassa qui ne s’était jamais tatoué une feuille d’érable sur le cœur, mais qui savait se tenir debout face à Ottawa, tout en étant contre la séparation du Québec ?
Évoluer sans se renier
Le Québec a beaucoup changé depuis les années 1960, comme le démontre Jean-Herman Guay, dans son étude L’impasse souverainiste : les hauts et les bas du nationalisme québécois (2017).
L’indépendance du Québec demeure une option légitime portée par un tiers des électeurs, mais les Québécois, y compris de nombreux souverainistes, sont rendus ailleurs.
François Legault a su décoder ce désir de changement. Il a osé briser le clivage fédéraliste-souverainiste et proposer une troisième voie.
Comme la majorité des Québécois, il a constaté que cette impasse avait assez duré. On ne peut pas lui reprocher d’être au même diapason que la majorité des Québécois.
Le Québec n’a jamais été aussi peu représenté, par des voix fortes, dans les hautes instances à Ottawa, y compris dans le bureau du premier ministre Justin Trudeau. Notre poids démographique, politique et économique ne cesse de décliner au sein de la fédération.
Sans renoncer à ce que nous sommes, si un gouvernement moins centralisateur et plus ouvert aux demandes du Québec arrive au pouvoir au fédéral, François Legault pourrait être l’homme de la réconciliation Québec-Ottawa.
Donc il n’y a pas d’incompatibilité pour un premier ministre à être Québécois et Canadien, dans la mesure où il comprend que sa première loyauté est envers le Québec.