Le 22 mai 2003, Jean-Pierre Raffarin, alors premier ministre de France, atterrit à Québec. Son homologue québécois, Jean Charest, contrarié, lui fait part de la tentative d’intervention de l’ambassade de France à Ottawa, à la demande du gouvernement canadien, dans la préparation du programme de sa visite. Raffarin réagit sur le champ. Il envoie un télégramme diplomatique au ministère français des Affaires étrangères, rappelant les principes du dispositif particulier des relations franco-québécoises. Dans ce télégramme dont j’ai obtenu copie, il précise notamment : « Je souhaite que nous gardions des relations telles qu’elles ont été structurées par des années et des années d’histoire. […] Le consul général de France à Québec et le délégué général du Québec à Paris sont les animateurs du partenariat. […] On ne change pas une vieille tradition de coopération. Soyons clairs : il ne faut pas hiérarchiser la relation franco-québécoise. »
Les temps ont bien changé. Le consul général de France à Québec Nicolas Chibaeff déclarait dans le France-Québec Mag, alors qu’il s’apprêtait à quitter son poste en août dernier : « La reconnaissance par tous de la relation directe et privilégiée entre la France et le Québec enrichit grandement la relation globale entre la France et le Canada. » Misère ! Cette relation a vu le jour au début des années 1960 pour affranchir le Québec de la tutelle canadienne et voilà qu’elle y revient par la porte d’en arrière. Elle se voulait autonome, la voici réintégrée dans le grand tout canadien. Le consul général de France rentre-t-il dans le rang ? Est-ce un adieu à l’exception québécoise ? Quel écart, en tout cas, entre la réaction de Raffarin et la déclaration de Nicolas Chibaeff à 13 ans d’intervalle ! Que s’est-il donc passé ?
Certes, même si 5089 kilomètres séparent toujours Québec de Paris, les deux capitales paraissent aujourd’hui plus distantes que jamais. Premièrement, la complicité personnelle qui donne une valeur ajoutée indéniable aux relations internationales n’existe vraisemblablement plus entre les membres du gouvernement actuel et leurs vis-à-vis français, de droite comme de gauche.
Par ailleurs, le discours de Philippe Couillard sur un des grands enjeux de l’heure, celui du vivre-ensemble, est aux antipodes de celui de son homologue français.
Manuel Valls a ainsi écrit dans une tribune publiée le 5 septembre dernier : « La conviction sur laquelle s’est bâtie la nation française, c’est que pour avoir des citoyens libres et égaux, la religion devait relever de la sphère privée. La France, à la différence d’autres pays, ne se pense pas comme une juxtaposition de communautés qui auraient chacune leur parcours autonome. Pour dire les choses autrement : nous ne concevons pas l’identité comme quelque chose d’ethnique. »
Philippe Couillard fera-t-il la leçon à son homologue français ? Il le devrait puisqu’il prétend que la politique de multiculturalisme à la canadienne constitue une panacée. « Le modèle d’intégration canadien est cité en exemple partout dans le monde », racontait-il récemment, même si c’est faux. En Grande-Bretagne, sous Tony Blair et David Cameron, comme en Allemagne, sous Angela Merkel, a été constaté l’échec de cette politique de non-intégration, selon laquelle on dit aux nouveaux arrivants qu’ils peuvent vivre selon l’intégralité de leur culture d’origine en faisant bien peu de cas, s’ils le souhaitent, en ce qui concerne le Québec, de la primauté du français.
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VISITE DU PREMIER MINISTRE MANUEL VALLS
France-Québec: de l’eau dans le gaz
5089 kilomètres séparent toujours Québec de Paris, mais les deux capitales paraissent aujourd’hui plus distantes que jamais
On ne change pas une vieille tradition de coopération
Louise Beaudoin52 articles
Ancienne ministre de la Culture et des Relations internationales, Parti québécois
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