Il n’y rien de surprenant d’apprendre, la même semaine, que la TSX se paie la Bourse de Montréal et que la Conference Board du Canada classe Montréal 14e ville au Canada pour sa performance selon sept catégories : économie, innovation, environnement, éducation, santé, société et habitation.
Il s’agit, encore une fois, de la satellisation de Montréal, et de tout le Québec; leur enchâssement dans l’orbite de Toronto au sein de la grande galaxie canadienne. Une tendance lourde dont les jovialistes, par frilosité ou autocensure, refusent de prendre la mesure, d’identifier les causes et de proposer les solutions qui s’imposent.
Le coup de départ de la satellisation : Mirabel
La satellisation a commencé il y a bien des lunes. Un grand coup dans la satellisation de Montréal fut donné lors de la saga de l’aéroport de Mirabel, non pas l’expropriation exagérée de terres agricoles, mais la décision prise par Ottawa sous Pierre Trudeau de mettre l’aéroport à Mirabel au nord-ouest de la métropole, plutôt qu’au sud-est de Montréal comme l’avaient voulu le gouvernement du Québec et la Ville de Montréal.
Suite à cette décision, l’aéroport de Montréal est devenu un aéroport régional desservant celui de Toronto.
Andrew Sancton, professeur de science politique à l’Université Western et spécialiste de la politique municipale, a écrit en 1983 : « Quand Ottawa a choisi Mirabel, c’était probablement la décision la plus importante sur le développement physique de Montréal depuis 1945, tous paliers de gouvernement confondus. La décision a été prise contre la volonté exprimée du Gouvernement du Québec, qui voulait mettre l’aéroport au sud-est de Montréal. »
En bref, Ottawa a choisi l’emplacement de Mirabel pour favoriser le développement de l’axe Montréal-Ottawa ainsi que le corridor est-ouest « national » de Windsor – Toronto – Montréal – Québec.
Ottawa faisait ainsi fi de la perspective de développement préconisée à l’unisson par le gouvernement du Québec et la ville de Montréal. Cette perspective envisageait, selon feu Jacques Léveillée, un « développement économique et urbain à l’intérieur du triangle formé par les villes de Sherbrooke, Trois-Rivières et Québec et autour des villes de Valleyfield, Saint-Jean, Granby, Beloeil, Saint-Hyacinthe, Sorel, Farnham, Drummondville, Victoriaville, Thetford-Mines ».
Le pli étant pris sous Trudeau – ces velléités nationales du Québec et de sa métropole Montréal, même sous des fédéralistes, ne mériteront que du mépris – la satellisation s’est accélérée dans les années 1970 et 1980.
Tous les domaines de l’économie et de la culture sont touchés
L’aspect le plus visible aura été le départ des sièges sociaux de Montréal vers Toronto, mais c’est dans tous les domaines de l’économie et de la culture que cette satellisation se fera sentir.
Même les meilleurs artistes québécois ne font-ils pas leur pèlerinage annuel à Toronto pour être intronisés dans le panthéon de la musique canadienne?
Dans le cas de la Bourse de Montréal, véritable institution dont les racines remontent à 1832, c’est la défaite référendaire de 1995 qui en aura sonné le glas et annoncé la satellisation.
Abattre le phénix
En 1999, Montréal perd la majeure partie de sa Bourse au nom d'une « réorganisation » qui lui laisse toutefois l'exclusivité des produits dérivés pendant dix ans. Or, comme un phénix, la Bourse de Montréal renaît grâce aux innovations qu’elle met en œuvre dans le domaine.
La réaction de Toronto ne se fait pas attendre : TSX tente coûte que coûte de mettre la main sur ce domaine « exclusif » de Montréal tout en menaçant de se lancer dans les produits dérivés si les dirigeants de Montréal ne mordent pas à l'hameçon.
Toronto jouit également – devrait-on s’en étonner ? – de l’appui indéfectible du ministre des finances du Canada, Jim Flaherty, celui qui a gagné ses galons d’abord comme ministre des finances de l’Ontario.
Mais pour porter l’estocade, TSX a embauché Jacques Ménard de BMO, mais surtout l’ancien premier ministre du Québec, Lucien Bouchard. La consolation pour Montréal serait, comme d’habitude, la portion congrue : quelques membres du conseil, une place d’affaires et quelques promesses.
Ça ressemble drôlement à ces équipes de hockey canadiennes : un « coach » adjoint francophone et quelques vedettes du Québec pour nous amadouer. Et la satellisation est donc consommée.
Jane Jacobs l’avait prédit
[Dès 1980, à la veille du référendum, la plus grande urbaniste du XXe siècle, Jane Jacobs, refusant la frilosité et l’autocensure, a pris la mesure de cette satellisation, en a identifié la cause et a proposé une solution.->mot948]
La mesure : l’inéluctable déclin de Montréal, qui deviendrait une ville régionale au service de Toronto, métropole canadienne, avec toutes les conséquences néfastes pour l’ensemble du Québec.
La cause : la logique nationale du Canada. « Les banquiers, politiciens et fonctionnaires canadiens… ne pourront pas répondre aux demandes économiques très différentes de Montréal. Les croyances et les pratiques partagées au Canada ne changeront pas seulement parce qu’une ville, Montréal, et une province, le Québec, ont un besoin criant de changement ». (Jane Jacobs, The Question of Separatism, 1980, bientôt disponible en français.)
La solution : la souveraineté du Québec pour donner à Montréal, sa métropole, la liberté dont toute grande ville moderne a un besoin absolu.
(Photo: Bourse de Montréal)
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Feue la Bourse de Montréal
La satellisation a commencé il y a bien des lunes
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