Il ne fallait pas être grand clerc pour comprendre que la toute récente décision d'Ottawa d'imposer un visa aux ressortissants mexicains et tchèques, en pleine saison touristique estivale, sans aucune préparation, allait porter un préjudice aux relations du Canada avec ces deux pays, et tout spécialement aux relations du Québec avec le Mexique. C'est à ce cas particulier que je vais m'attarder.
Car cette décision brutale entache fortement l'image du Canada au Mexique, comme l'a confirmé un ancien diplomate mexicain, Andrès Rosenthal, cité dans Le Devoir de mercredi dernier. En plus de l'impact négatif évident sur notre industrie touristique, c'est aussi l'image du Québec qui est ainsi grandement affectée.
Cela est d'autant plus choquant que le Québec entretient une présence active au Mexique depuis près de 30 ans, le gouvernement du Parti québécois ayant installé une Délégation générale à Mexico dès 1980. Les relations politiques, économiques et culturelles avec le Mexique en font un des partenaires internationaux majeurs du Québec. On doit donc légitimement craindre que la position du Québec au Mexique ne se dégrade alors que nous avons, en ces temps d'incertitudes économiques, besoin d'une coopération renforcée avec ce pays.
Le gouvernement Harper a pris cette décision unilatéralement, sans consultation aucune du gouvernement du Québec, alors que l'immigration est une compétence partagée. Compte tenu des conséquences néfastes de cette décision, pourquoi le gouvernement du Québec demeure-t-il silencieux dans ce dossier depuis maintenant plus d'une semaine? Est-il sous l'influence du gouvernement fédéral qui lui demande de se taire?
Pour justifier cette mesure restreignant les mouvements de personnes avec un pays membre de l'ALENA, le Canada invoque l'importante croissance du volume de réfugiés. Est-ce qu'il y a vraiment péril en la demeure? Cela n'est pas évident du tout. Les dernières données disponibles indiquent, globalement, un mouvement contraire pour le Québec. En effet, le Québec n'a accueilli en 2008, toutes régions du monde confondues, que 4520 réfugiés, soit 23,8 % de moins qu'en 2007. On est donc loin de constater un mouvement de réfugiés déferlant chez nous!
Il y a, par ailleurs, c'est vrai, un accroissement du mouvement de demandeurs d'asile en provenance du Mexique. Mais ne serait-ce pas là une conséquence de l'échec des efforts du Québec à promouvoir l'immigration dans ce pays? Si les ressortissants mexicains se sentent obligés de venir au Canada et au Québec via le programme d'accueil des réfugiés, n'est-ce pas l'illustration, en partie, de l'échec du Québec à sélectionner correctement les travailleurs mexicains qui désirent venir au Québec?
Depuis une semaine, il est inquiétant de noter l'absence du ministre des Relations internationales, Pierre Arcand, alors qu'il devrait faire entendre raison à Ottawa et réparer, si possible, les dommages pour la réputation du Québec au Mexique. Des mesures immédiates doivent être prises en ce sens par la Délégation générale à Mexico.
L'inaction du ministre des Relations internationales dans une affaire aussi importante pour les relations du Québec avec notre principal partenaire en Amérique latine traduit, à mon avis, le peu de sensibilité du gouvernement de Jean Charest à promouvoir et défendre efficacement et concrètement les intérêts du Québec dans le monde. Le gouvernement libéral laisse donc, encore une fois, les «grands dossiers» se régler par Ottawa, même si c'est au détriment des intérêts du Québec.
Le Parti québécois estime qu'il est aujourd'hui urgent que le gouvernement du Québec exige que les autorités fédérales révisent cette décision et que des mesures soient prises pour éviter de restreindre indûment l'accueil, au Québec, de ressortissants mexicains.
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Louise Beaudoin, Députée de Rosemont et porte-parole de l'opposition officielle en matière de relations internationales et de francophonie
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Louise Beaudoin52 articles
Ancienne ministre de la Culture et des Relations internationales, Parti québécois
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