Après des pseudo-révélations de CNN sur leur financement, des pages spécialisées dans les vidéos virales ont été bloquées par le réseau social. Celui-ci leur reproche un manque de transparence. Pourtant, ni la BBC, ni Al-Jazeera, n'ont été inquiétés.
Facebook a décidé le 15 février de bloquer, en raison de leur lien avec le groupe RT, les pages de Soapbox, Back Then, In The Now et Waste-Ed sur le réseau social. Spécialisées dans les vidéos virales, celles-ci totalisaient jusque-là des dizaines de millions de vues, et plusieurs millions d'abonnés pour l'une d'elles. Ce 18 février, ces pages étaient toujours inaccessibles, Facebook ayant exigé que ces pages mentionnent leur lien avec leurs «affiliations russes». Dans le viseur, la structure Maffick Media (dont Ruptly, agence vidéo de RT, est actionnaire), basée en Allemagne, et qui gère les trois pages bannies.
Les comptes ont été suspendus peu après que CNN a diffusé à l'antenne un sujet censé présenter des révélations au sujet des financements de Maffick Media, qui sont pourtant accessibles à tout un chacun. «Le Kremlin finance des vidéos virales destinées aux millenials [personnes nées autour de l'an 2000]», accusait CNN.
«Les personnes se connectant à des pages ne devraient pas être trompées sur qui est derrière [...] Nous allons continuer à nous améliorer afin que les gens aient plus d'informations sur les pages qu'ils suivent», a fait savoir Facebook, dans un communiqué cité par CNN.
Auteur: RT France
Face au blocage de ces pages, sans démarche préalable de Facebook auprès du groupe intéressé, Maffick Media a réagi à ces énièmes accusations d'ingérence russe dans la vie politique américaine en rappelant que sa structure était éditorialement indépendante. «Nous n'avons violé aucune des règles d'utilisation de Facebook. Aucun contenu ne relaie de désinformation ou de fake news», explique le groupe dans un communiqué.
La rédactrice en chef monde de RT, Margarita Simonian a pour sa part déploré une forme de censure. «Nous avions un projet secondaire en anglais, In the Now. Le projet avait du succès : 2,5 milliards de vues et 4 millions d'abonnés rien que sur Facebook», a-t-elle rappelé sur Twitter ce même jour. «Facebook nous a immédiatement bloqué ! Sans fournir aucune accusation», a-t-elle ajouté, précisant que les pages n'avaient «enfreint aucune règle».
Révélations ou financement transparent ?
Et pour cause, comme l'écrit Maffick Media dans son communiqué, Facebook n'a jamais exigé de médias étrangers tels que la BBC (financée par le Royaume-Uni) ou AJ+ (basée au Qatar), qu'ils spécifient leur source de financement. «[Comme ces dernières], nous n'avons pas posté de détails de financement sur nos pages Facebook [...] Pourtant, ce vendredi 15 février, Facebook s'est emparé de nos pages [...] Pourquoi uniquement nous ? Une raison et une raison simple : le gouvernement qui nous aide à financer notre société est la Russie», déplore la société.
Un financement qui est par ailleurs purement transparent comme le prouve... le reportage de CNN. C'est en effet sur une base de données commerciale disponible en ligne que la chaîne américaine s'est procuré les documents censés «révéler» que le groupe était la propriété de Ruptly à hauteur de 51%. Les 49% restant appartiennent à Anissa Naouai, journaliste américaine d'origine tunisienne et directrice générale de Maffick Media. Avant de lancer son projet indépendant, Anissa Naouai avait fondé l'émission In The Now, qui était diffusée par RT International, et dont la page Facebook a elle aussi été suspendue. La journaliste, qui travaillait auparavant pour RT en tant que reporter et présentatrice, a précisé que Maffick Media n'employait des salariés qu'à Berlin et faisait appel à des Américains en tant que pigistes.
Auteur: RT France
«Discrimination sans précédent»
Cette dernière a d'ailleurs réagi dans un message publié sur le réseau social : «[CNN] affirme maintenant que Facebook nous imposera d'afficher un avertissement sur notre financement. C'est une discrimination sans précédent puisque Facebook n'impose cela à AUCUNE autre page.»
Mais pour CNN, rien n'y fait : «Une grande partie de [son] contenu semblait parfaitement aligné sur la propagande provenant du Kremlin.» En d'autres termes, la ligne éditoriale des vidéos ne reflétait pas la vision des médias mainstream américains.
Rania Khalek, présentatrice de Soapbox (l'une des émissions que gérait Maffick Media) : «Si je m'oppose à une guerre américaine, cela signifie-t-il automatiquement que je vais être accusée d'être alignée sur le Kremlin ? Avec cette hystérie [autour] de la Russie que nous vivons en ce moment, je pense que c'est une tactique maccarthyste très, très dangereuse de commencer à dire que les points de vue de gauche, les points de vue anti-guerre, sont uniquement les sujets de discussion du gouvernement du Kremlin.»
Une situation «inacceptable», réagit Moscou
La diplomatie russe s'est elle aussi indignée du traitement «inacceptable» réservée selon elle aux comptes Facebook liés à RT. «Il est évident que cette tendance à la censure en ligne ne cesse de s’accélérer malgré les appels répétés de l’Occident à la liberté dans le domaine numérique et de l’information», a ainsi déclaré dans un communiqué le Département de l’information et de la presse du ministère russe des Affaires étrangères.
«Nous considérons comme inacceptable la situation où l’administration de Facebook bloque les comptes de manière autoritaire et non transparente», a ajouté la même source en appelant le représentant de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et «les structures internationales spécialisées» à réagir.
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