Une journaliste postule dans 97 commerces de Montréal en prétendant être unilingue anglophone. Elle obtient 15 emplois.
Conclusion du Journal de Montréal en première page: «Difficile d’être servi en français à Montréal».
Conclusion de Pauline Marois, chef péquiste: «C’est clair qu’on est presque revenu à la situation qui prévalait avant l’adoption de la loi 101.»
Rien que ça!
Elle continue: «On est gentil, on est tolérant, on ne veut pas attaquer une personne en particulier, mais là, ce qui arrive, c’est qu’on ne se respecte plus. On est trop accommodant à un point ou ça n’a plus de sens.»
Et voilà comment on manufacture une fausse crise linguistique. Le collègue Marco Fortier, du Journal de Montréal, a mis le doigt dessus: cette fois-ci, Pauline Marois ne se laissera pas doubler par Mario Dumont. Ce sera son truc à elle! Allez, tiens, pourquoi pas une p’tite commission Bouchard-Taylor? Ils auront du temps libre au printemps, pourquoi pas enquêter sur la dérive linguistique à Montréal, hum?
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Revenons au commencement de l’histoire. Cette charmante journaliste à l’œil pétillant a été embauchée malgré son unilinguisme dans un secteur où il y a pénurie de main-d’œuvre, au plus fort de l’achalandage annuel.
De là à conclure qu’on peine à se faire servir dans la langue de Papineau, il y a un saut logique qui m’échappe.
En vérité, si je sais compter, 82 des 97 demandes d’emploi ont échoué. On ne sait pas pourquoi, mais on pourrait tout aussi bien (davantage en fait) en conclure qu’on ne sera pas employable dans la grande majorité des commerces de détail montréalais si on ne parle pas français…
D’une manière ou d’une autre, la logique ne permet certainement pas de conclure de l’embauche d’une anglophone dans 15 commerces (dont une dans l’arrière-boutique) qu’il est difficile d’être servi en français.
Comme dirait Descartes, «ça l’additionne pas».
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Allons plus loin: ce reportage paraît confirmer ce que disait une enquête de l’Office de la langue française publiée il y a tout juste un an.
Des représentants de l’Office ont visité 2500 commerces de Montréal à l’automne 2006. Dans 80 % des cas, ils ont été accueillis en français. Dans les commerces qui les accueillaient en anglais, un sur deux les servait en français une fois que c’était exigé. Le français des consommateurs est donc très majoritairement respecté.
Évidemment, pour quelques anglophobes, ces données sont tout à fait inacceptables et montrent qu’il faut «renforcer la loi 101».
Ah! Renforcer la loi 101! Cette formule incantatoire vous vaudra des applaudissements à la prochaine réunion du PQ de Montréal-Centre, à n’en pas douter. Mais à moins de créer un État policier linguistique, on ne changera rien à la réalité du commerce de détail dans une grande ville où l’anglais a des racines historiques profondes et où presque tous les immigrants québécois s’installent.
Il est totalement mensonger et irresponsable de prétendre qu’on n’est pas capable de se faire servir en français à Montréal. Je ne sais pas où Pauline Marois se tient pour dire que la situation est comparable à 1976, mais les chiffres, les études, la simple observation et la fréquentation minimale de Montréal indiquent exactement le contraire. Le français a progressé de manière spectaculaire, tant comme langue d’enseignement que comme langue de commerce. Tout n’est pas parfait. Mais la perfection, au fait, ne serait pas non plus la disparition de l’anglais. Qui fera enfin l’éloge de l’impureté montréalaise?
Mais oui, il y a des commerçants qui ne parlent pas français. Mais non, ce n’est pas une bonne idée, et si on n’est pas content, on n’a qu’à le dire et aller dépenser son argent ailleurs.
L’an dernier, un sondage effectué auprès des commerçants pour le Conseil québécois du commerce de détail montrait que la principale difficulté rencontrée par les propriétaires de commerces est de trouver des employés. Il y a moins de candidats disponibles et ceux-ci ont plus de choix dans le contexte économique actuel.
Il n’y a rien de terriblement surprenant à ce qu’un certain nombre de commerçants soit moins regardant sur la compétence linguistique juste avant le temps des Fêtes. On peut le déplorer, mais il y a là une réalité économique autant que linguistique. Et on ne peut certainement pas en déduire que le français fout le camp à Montréal. Quand on pense que le centre-ville s’affichait en anglais et que l’anglais régnait en maître, il y a 30 ans, la déclaration est farfelue.
Celle-là, Mme Marois, comme dirait votre prof d’anglais: «I don’t get it.»
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