Bien sûr, il y a la « guerre contre le terrorisme islamiste ». Évidemment, il y a le nécessaire recueillement après le drame. Avec ses bons côtés, un petit moment d’union nationale ne saurait nuire à la santé, même si l’on aimerait davantage d’analyses objectives que de cette émotivité généralisée, souvent cousine de l’hystérie.
En attendant, il y a d’autres guerres, plus silencieuses, plus sournoises et peut-être même plus mortelles à long terme. La guerre économique que nous mènent les USA depuis des décennies. Ainsi, dernier épisode de cette dernière : le passage d’Alstom sous domination américaine. C’est le journaliste Jean-Michel Quatrepoint qui a levé le lièvre dans Le Figaro : « Le protocole d’accord approuvé par Emmanuel Macron en novembre et voté par l’assemblée générale d’Alstom, le 19 décembre, est proprement hallucinant, tant il fait la part belle à General Electric et ne correspond pas à ce qui avait été négocié et présenté au printemps dernier. »
Pour resituer les faits, sachons que « le marché mondial de la production d’électricité, des turbines, est dominé par quatre entreprises : Siemens, Mitsubishi, General Electric et Alstom. Le groupe français détient 20 % du parc mondial des turbines à vapeur. Il est numéro un pour les centrales à charbon et hydrauliques. Alstom Grid, spécialisé dans le transport de l’électricité, est également un des leaders mondiaux. Mais c’est dans le nucléaire qu’Alstom était devenu un acteur incontournable. Avec 178 turbines installées, il couvre 30 % du parc nucléaire mondial. Ses nouvelles turbines, Arabelle, sont considérées comme les plus fiables du monde et assurent 60 ans de cycle de vie aux centrales nucléaires. Arabelle équipe les futurs EPR. Mais Alstom a également des contrats avec Rosatom (Росатом)en Russie et avec la Chine pour la livraison de quatre turbines de 1000 MW. Alstom, faut-il le rappeler, assure la maintenance de l’îlot nucléaire des 58 centrales françaises. »
Résultat : ce sont les Américains de General Electric, très liés à la Maison-Blanche, qui, à terme, décideront ce qu’Alstom devra vendre et, surtout, à qui cette entreprise devra le vendre. Cela signifie encore que nos sous-marins et notre unique porte-avions, tous propulsés par l’énergie nucléaire, seront bientôt dépendants du bon vouloir de Washington.
Plus grave encore, rappelle Jean-Michel Quatrepoint : « Il est un autre secteur qu’apparemment on a oublié. Il s’agit d’une petite filiale d’Alstom, Alstom Satellite Tracking Systems, spécialisée dans les systèmes de repérage par satellite. Ces systèmes, installés dans plus de 70 pays, équipent, bien évidemment, nos armées, et des entreprises du secteur de la défense et de l’espace. C’est un domaine éminemment stratégique, car il concerne tous les échanges de données par satellite. General Electric récupère cette pépite. Quand on sait les liens qui existent entre la NSA, les grands groupes américains pour écouter, lire, accéder aux données des ennemis, mais aussi des concurrents, fussent-ils alliés, on voit l’erreur stratégique à long terme que le gouvernement vient de commettre. Le ministère de la Défense a-t-il donné son avis ? »
En d’autres temps, on aurait évoqué un crime d’État, une haute trahison. Mais ces temps ne sont plus, à en croire ce journaliste : « Le drame de l’appareil d’État, c’est qu’il est dirigé par Bercy où la fibre industrielle a pratiquement disparu. Soit nous avons des politiques qui ne connaissent l’activité économique qu’à travers le prisme des collectivités locales, soit nous avons de jeunes technocrates formés, imprégnés par la mentalité de banquier d’affaires. Un bref passage par Rothschild ou Lazard n’est pas forcément un gage de compétences en industrie… »
On ne saurait mieux dire.
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