Sylvie Goulard, reine d’un jour ? Au ministère de la Défense, assurément. Elle aura tenu quatre semaines avant d’entonner « Le Chant du départ », emmenant au passage et en retraite Marielle de Sarnez et François Bayrou, soit la dream team du MoDem, façon Chagrin d’amour et leur tube éphémère, « Chacun fait c’qui lui plaît ».
En l’occurrence, Sylvie Goulard aura au moins fait ce qui lui plaisait, à savoir s’extirper du guêpier des affaires du MoDem commençant à dangereusement s’accumuler sur sa petite tête, si pleine et si bien faite. Cette dame n’est effectivement pas la première venue – la preuve par son pedigree.
Ainsi est-elle de ces cerveaux pensants ayant fait de l’Europe ce qu’elle est devenue ; ce n’est pas par hasard qu’on devient conseillère particulière de l’Italien Romano Prodi tout en pilotant le projet de Constitution européenne de Valéry Giscard d’Estaing. D’autres de ses propos n’ont rien non plus d’anodin : « Les Européens voudraient être aussi forts que si l’Europe était unie, conserver autant de souveraineté nationale que si elle ne l’était pas. Cette contradiction est devenue intenable. » Voilà qui est à la fois bien dit et parfaitement cohérent. Et explique encore que, le 15 septembre 2010, elle puisse fonder, avec entre autres Daniel Cohn-Bendit, le groupe Spinelli, dont l’objectif est de « promouvoir le fédéralisme européen ».
Mais dans ce dispositif de poupées russes, les Américains ne sont jamais bien loin. Ainsi, tel que révélé par Sylvie Goulard en personne dans la dernière livraison du Journal du dimanche, d’octobre 2013 à janvier 2016, le fulgurant ministre de la Défense aura tout de même palpé plus de 270.000 euros du Council for the Future of Europe. De quoi s’agit-il ?
Tout simplement d’un de ces innombrables groupes de réflexion – et souvent de pression – qui nous viennent des USA.
Certains ne sont que des cache-sexes de la CIA, l’Heritage Foundation ou les universités Open Society du milliardaire George Soros ; mais aucun d’entre eux ne saurait fonctionner sans l’aval de ces mêmes services. Cela s’appelle le soft power, au contraire du hard power, reposant plus sur la politique de la canonnière. Là, ce soft power, Sylvie Goulard est en plein dedans et ne s’en cache même pas, ayant révélé noir sur blanc le montant de ses émoluments dans sa « déclaration des intérêts financiers des députés » au Parlement européen, et ce, en janvier 2016.
Jadis, il suffisait de s’acquitter de trente deniers pour le prix de la trahison. Augmentation du coût de la vie oblige, il en vaut désormais plus de dix mille euros bruts mensuels. On notera encore que son riche sponsor, Nicolas Berggruen, fondateur du comité Théodule en question, ainsi que du très influent Berggruen Institute on Governance – en gros, comment le Nouveau Monde est censé apprendre à l’Ancien à mieux gérer ses affaires –, fait partie des premières fortunes mondiales, à en croire Forbes, magazine américain connu pour être des mieux informés en la matière.
Il y a bien longtemps que le soft power en question est devenu secret de Polichinelle. Il est en revanche plus intrigant que les médias français n’y accordent que si peu d’attention. Mais à cela aussi, nous sommes malheureusement habitués.
Il n’y a guère de chances pour que Sylvie Goulard se retrouve à la rue : au contraire des caniveaux, les puissants réseaux ne sont pas faits que pour les chiens. Le profil de son successeur à ce poste régalien demeure malgré tout plus rassurant : Florence Parly n’est qu’une énarque sans goût ni odeur ni couleur. De cabinets ministériels en direction financière d’Air France, elle n’a causé ni miracles ni catastrophes.
Après, comment savoir le véritable mot de la fin ? Emmanuel Macron n’a-t-il laissé partir Sylvie Goulard que pour les carambouilles à deux balles d’un parti alors moribond, le MoDem ? Ou l’a-t-il discrètement exfiltrée du gouvernement parce qu’objective agente d’influence ? Dans les deux cas de figure, elle ne devrait arracher de larmes à personne.
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