Dans une France meurtrie par le terrorisme qu’on sait, là où il ferait bon d’apaiser les vieilles querelles et de lécher nos plaies communes plutôt que de les fouailler, Francis Kalifat, président du CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France), choisit assez mal son moment. D’où l’interdiction faite à Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon de participer à la marche blanche commémorant le meurtre de Mireille Knoll par deux voyous dont les motifs antisémites sont évidemment secret de Polichinelle.
Pourtant, et tel que rappelé en ce site, le fils de la victime penchait plus pour une ouverture à « l’autre » et, surtout, à tous les « autres » : « Je ne suis absolument pas sur la même ligne que le CRIF. Le CRIF fait de la politique et moi, j’ouvre mon cœur à tout le monde. » À Mélenchon et Le Pen, donc, et entre autres. D’où cette manifestation d’union nationale marquée du sceau de la désunion, Le Pen et Mélenchon ayant été, tour à tour et chacun au sien, admis puis rejetés du défilé en question.
Francis Kalifat affirme ensuite que l’éviction des deux personnes concernées répond à une « cohérence de discours et d’action ». Fort bien, mais laquelle ? Explications : « Je renvoie dos à dos Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon car ils véhiculent tous deux la haine. » Il est à noter que les Verts sont mis dans le même panier, plus ou moins équitable.
L’affaire est d’autant plus ubuesque pour quiconque sait qu’à quelques exceptions près, cette « extrême droite » fut et demeure encore sioniste ; au contraire de sa sœur jumelle « d’extrême gauche », souvent plus portée sur le militantisme tiers-mondiste d’alors, avec tout ce que cela pouvait comporter de violences.
En l’intervalle, et ce, du haut de ses nuées célestes, la feuille de route du CRIF, citée par nos confrères du Monde, nous apprend encore que cette association communautaire entend lutter contre « l’antisémitisme et le racisme », tout en assurant « la solidarité avec Israël »…
Le philosophe Alain Finkielkraut, qui a parfois ses instants de grâce, tient ainsi le traditionnel dîner du CRIF pour « tribunal dînatoire » devant lequel sont sommées de s’expliquer les plus hautes autorités de la République quant à la bonne marche de la France en général, et des relations qu’elle entretient avec Israël en particulier. Ajoutez à cette salle d’audience les élucubrations d’un Bernard-Henri Lévy, affirmant que « l’anti-américanisme est un antisémitisme métaphorique », pour vous donner une petite idée du degré de surchauffe de la couscoussière…
Ensuite, et c’est là que l’affaire se tire en quenouille, de quoi parlons-nous ? De l’appartenance religieuse ou à celle d’un État tiers, pouvant se révéler un jour allié et l’autre non ? Un tout autre débat. Tout aussi passionnant que celui consistant à déterminer le rôle exact du CRIF : association strictement franco-française ou ONG s’intéressant plus aux intérêts d’une nation étrangère qu’à ceux de son adresse d’officielle résidence ?
Question qui vaut également pour le CCIF, comité citoyen tout aussi enclin à sermonner nos ministres pour manquement aux actuelles élégances antiracistes et dont le financement, assuré de longue date par le milliardaire George Soros, n’est pas non plus d’origine strictement hexagonale.