Et si le Canada perdait la guerre d'Afghanistan ?

Afghanistan - une guerre masquée




Cela n'est jamais arrivé mais, pour la première fois de son histoire, l'armée canadienne sera bientôt défaite. Ce ne sera pas seulement la sienne mais celle de l'Alliance atlantique. Il n'y aura pas de signature d'un «acte de capitulation» bien sûr. Cela se fera plus discrètement, mais tout aussi piteusement.
J'ai conscience d'écrire quelque chose de délicat, surtout au moment où ce sont surtout des Québécois qui tiennent le fort en Afghanistan. Envisager leur défaite n'est pas douter de leur bravoure, ni même de leur supériorité morale autant que militaire. Mais c'est comme cela: un jour le dernier contingent de soldats occidentaux quittera Kandahar. Et les Taliban descendront des collines alentour pour prendre leur place.
Aux exploits de Vimy, au courage de Dieppe, à la détermination de Bernières-sur-Mer - dont on dit qu'ils ont contribué à façonner le Canada moderne - il faudra désormais ajouter la résignation de Kandahar.
Quelles en seront les conséquences pour les chefs militaires? En tiendra-t-on rigueur aux chefs politiques qui ont entraîné les soldats dans ce désastre? Et comment les Canadiens verront-ils désormais leur armée? Comment accepteront-ils d'autres augmentations des dépenses militaires? Est-ce que les responsables de la politique étrangère réfléchissent au moins aux conséquences que cela aura sur la diplomatie canadienne?
Cela fait beaucoup de questions me direz-vous. Mais cette hypothèse, pour choquante qu'elle soit - surtout pour les militaires et leurs familles qui ne veulent pas que tous ces sacrifices aient été vains - est maintenant sérieusement envisagée par les observateurs militaires. Il n'y a qu'à Ottawa qu'on n'ose pas en parler.
Cette semaine, le Conseil de Senlis - un observatoire international qui gagnerait en crédibilité s'il ne militait pas aussi pour la légalisation de la culture du pavot... - annonce presque la défaite de l'OTAN et le retrait des troupes canadiennes pour la fin de l'année 2008. Il se base sur une observation effrayante de la réalité: les Taliban sont présents sur 54 % du territoire afghan. «La question n'est plus de savoir si les Taliban retourneront à Kaboul, la capitale, mais quand et dans quelles circonstances...»
La cote d'alerte est déjà atteinte avec une vingtaine de soldats de l'Alliance tués chaque mois. Le Conseil de Senlis prévoit que ce nombre sera porté à 50 par mois le printemps prochain alors que des attentats de plus en plus spectaculaires pourraient faire jusqu'à une quinzaine de victimes canadiennes d'un coup. Le débat sur un retrait immédiat des troupes fera rage à Berlin, Amsterdam et Ottawa.
Le seul moyen de renverser la situation serait de doubler le nombre de soldats alliés en Afghanistan - le contingent canadien passant de 2500 à près de 4000. Et certains suggèrent d'y incorporer quelques milliers de soldats venant de pays arabes. On n'en est pas là puisque même un appel récent du Conseil de l'Atlantique Nord à une augmentation plus modeste est resté sans succès.
Le ministre canadien de la Défense, Peter MacKay, tente de minimiser le rapport du Conseil de Senlis en disant que les Taliban ne contrôlent pas tout leur territoire, mais seulement quelques retranchements difficiles d'accès. Les troupes canadiennes non plus ne contrôlent pas le territoire de la province de Kandahar, mais seulement quelques bases fortifiées.
La situation militaire en Afghanistan accélèrera peut-être la tenue d'élections en 2008, le gouvernement conservateur ne voulant pas être tenu responsable de cette «défaite» militaire. Mais les plus graves conséquences se produiront sur le moral des simples soldats. Leur confiance en leurs chefs en prendra un sérieux coup et eux-mêmes ne seront plus perçus comme les héros des grandes guerres de libération de l'Europe. L'effet de ces développements sur le moral des troupes sera terrible. Les Américains après le Vietnam, les Français après l'Algérie, les Russes après la Tchétchénie ont connu cela. Le Canada ferait bien de s'y préparer...
- source


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé