L'armée canadienne en mission à l'étranger

Entre l'Afghanistan et le Canada, une cause commune

2006 textes seuls

Depuis la prise du commandement des forces de l'OTAN par les militaires canadiens dans la région de Kandahar, en Afghanistan, on voit venir à travers la presse l'amorce d'un débat mal placé et mal formulé qui risque de mal tourner. Les racines de ce débat à travers les sondages et les pages d'opinion portent l'odeur du jeu des politiciens amateurs ou d'un manque d'information. Si on ne fait pas attention, cela pourrait devenir ennuyeux, embarrassant et peut-être même dangereux, en particulier pour le moral des soldats canadiens sur le terrain.
Une victoire pour le monde libre
Depuis le coup d'État communiste du 27 avril 1978, l'Afghanistan est prisonnier d'un tourbillon d'événements sanglants, y compris deux invasions dévastatrices.
La première invasion fut celle de l'Armée rouge, le 27 décembre 1979. Le peuple afghan a tenu tête et s'est battu seul devant l'envahisseur soviétique. Nous étions sur la ligne de front pour défendre la liberté et l'humanité contre la menace communiste. À cette époque, les experts occidentaux et les leaders du monde libre considéraient l'Afghanistan comme étant perdu d'avance car ce pays faisait partie de la zone d'influence soviétique. Mais la volonté de notre peuple fut tellement forte que nous avons résisté pendant dix ans. L'aide du monde libre, principalement dans le domaine humanitaire, est arrivée beaucoup plus tard.
À la fin de cette guerre, le mythe de l'Armée rouge, l'armée invincible, fut brisé, provoquant véritablement la chute du mur de Berlin. On peut dire sans exagérer que les Afghans et la résistance afghane ont changé la face du monde.
Dans cette guerre inégale, nous avons gravement souffert : plus de deux millions de morts, 500 000 handicapés, un tiers de notre population exilé et un pays transformé en champ de ruines.
Avec cet immense sacrifice, nous avons aussi défendu la liberté pour le reste du monde. N'oublions pas qu'à cet époque, les Soviétiques prévoyaient d'installer leurs bases arrière dans le nord du Canada pour la conquête de l'Amérique du Nord. Pour un si grand sacrifice, nous avions le droit de demander un minimum de solidarité. Malheureusement, le monde libre a tourné le dos, laissant le pays en proie à une guerre civile et à l'ingérence des pays de la région.
Seuls à résister
Par la suite, Oussama ben Laden, extrémiste fanatique, chef terroriste et ennemi de l'Occident, donc du Canada, y retourne pour installer ses bases. Avant septembre 2001, al-Qaïda comptait plus de 5000 combattants terroristes en Afghanistan qui s'entraînaient aux techniques de combat et se battaient contre les résistants afghans. L'«Émirat des talibans» représentait à lui seul le stalinisme de Brejnev, le fascisme de Hitler et l'apartheid de l'Afrique du Sud.
Encore une fois, seuls et sans aide de quiconque, nous avons résisté contre les talibans et contre le terrorisme international. Donc, encore une fois, nous avons défendu l'humanité, la liberté, la paix et la stabilité.
En avril 2001, le commandant Ahmad Shah Massoud, musulman modéré et chef légendaire de la résistance afghane, est allé au Parlement européen à Strasbourg, à Paris et à Bruxelles pour dire au monde libre et aux démocraties que si elle ne faisaient rien, les terroristes les attaqueraient chez elles dans leurs capitales. Hélas, il n'a pas été écouté. Massoud a été victime d'un attentat suicide perpétré par al-Qaïda deux jours avant le 11 septembre 2001. Les terroristes avaient prévu d'éliminer le chef afghan avant de perpétrer les attentats à New York.
Quelques Canadiens ont trouvé la mort dans les attentats du World Trade Centre. Un terroriste membre d'al-Qaïda a été arrêté à la frontière américaine en transportant des explosifs. Au Canada, aux États-Unis, en Europe et ailleurs, il y avait des cellules terroristes et des réseaux de soutien.
Dans ce contexte, il ne faut surtout pas dire que cette guerre ne concerne pas les Canadiens. Qu'on le dise une fois pour toutes : la présence des militaires canadiens en Afghanistan n'est que dans votre propre intérêt et pour votre propre sécurité. Avant d'être obligés de vous défendre sur votre propre terrain, il vaut mieux les combattre en Afghanistan.
Les Afghans ne sont que vos amis et vos alliés. Les talibans et al-Qaïda sont nos ennemis communs. Avec une force multinationale de 35 pays, le Canada n'est heureusement pas le seul, mais il a l'honneur et le privilège de commander les forces de l'OTAN dans la région de Kandahar.
L'action militaire
Depuis plus de trois ans d'engagement, les militaires canadiens ont une longueur d'avance et commencent à bien connaître la réalité, les gens et le terrain en Afghanistan. Leur démarche et la façon dont ils mènent les opérations sont très appréciées par les Afghans. Les militaires afghans et les habitants, en particulier ceux qui habitent les quartiers ouest de Kaboul, ont gardé un bon souvenir des Canadiens, au même titre que des militaires allemands, français, turcs, etc.
Le général Rick Hillier, chef d'état-major de l'armée, un homme remarquable et exceptionnel, a réussi à établir un excellent contact avec toutes les autorités afghanes et avec les autres membres de la Force internationale d'assistance à la stabilisation (FIAS), qu'il a d'ailleurs commandée. Il sait ce qu'il dit et ce qu'il fait.
Il y a trois semaines, le général David Fraser a pris le commandement et dirige aujourd'hui une force de 6000 hommes de l'OTAN, donc 2200 Canadiens, des Britanniques, des Néerlandais, des Roumains, etc., à Kandahar et dans les quatre provinces voisines. Les militaires canadiens agissent sous le mandat des Nations unies et sous le commandement de l'OTAN.
Depuis trois années d'engagement, les pertes canadiennes ne s'élèvent fort heureusement qu'à 11 personnes, dont un tiers ont été victimes d'accidents de la circulation, presque un tiers en raison d'un bombardement américain fait par erreur et quelques autres, notamment le diplomate Glyn Berry, victimes d'attentats terroristes.
À part les terroristes, personne en Afghanistan ne considère les Canadiens comme des envahisseurs ou comme une force d'occupation. Au contraire, à l'image de la Deuxième Guerre mondiale, les militaires canadiens sont considérés comme des alliés libérateurs.
La diplomatie
Il faut que la diplomatie et les relations publiques soient renforcées dans l'intérêt de nos deux pays. Pour cela, il faut développer et encourager davantage les relations entre nos gouvernements. Le voyage courageux et remarqué du premier ministre Stephen Harper a été extrêmement positif. Il est le seul leader ami de l'Afghanistan à avoir passé plus de 48 heures dans ce pays.
Il faut renforcer le dialogue entre les hommes et les institutions. Il faut que nous arrivions à mettre en place des méthodes et des systèmes afin que la capacité de notre gouvernement ainsi que celle des autres institutions démocratiques en Afghanistan, notamment le nouveau Parlement, soient renforcées.
Il ne faut surtout pas que des individus et des cercles trop politisés profitent du terrain vide pour faire passer des messages troubles. Cela ne rend service à personne. Au contraire, cela risque de renforcer le moral des terroristes et des talibans, qui n'attendent que cela.
Le développement
L'Afghanistan est un pays du Tiers-Monde, membre du club des pays les moins avancées. Les 25 années de guerre nous ont fait reculer de presque deux siècles en arrière. Il est donc important que ce pays reprenne le chemin du développement.
Qu'on le veuille ou non, les pays riches, en particulier les pays membres du G8, ont un devoir et une grande responsabilité envers les pays pauvres. Contrairement à d'autres pays, l'Afghanistan a beaucoup de possibilités de se sortir rapidement de cette situation dramatique. Il a même la chance et la capacité de devenir un carrefour de transit et un pôle de développement.
Avec l'expérience afghane et la présence chez lui de presque 100 000 Afghans, le Canada est bien placé pour contribuer de manière exemplaire à cette aventure utile. Pour cela, il faut rendre davantage visible l'aide du Canada pour l'Afghanistan.
Malgré les 650 millions de dollars d'aide que le Canada a promis et les 400 millions qui ont déjà été dépensés, on ne voit malheureusement pas encore ni un chantier canadien ni un bâtiment déjà en place alors que le peuple afghan, en particulier les paysans, a surtout une culture visuelle. Il ne croit que ce qu'il voit. [...]
En guise de conclusion, on peut citer un proverbe afghan : «Nous sommes tous sur un même bateau. Si on réussi à sauver le bateau, on sauve tout le monde, sinon on risque de se noyer tous.»
Mehrabodin Masstan, Ancien représentant de la résistance afghane en France, l'auteur habite Ottawa.


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