L’année politique qui s’achève a été riche en rebondissements tant à Québec, à Ottawa que dans les municipalités. Zoom sur les faits marquants des 12 derniers mois.
Défaite historique du Parti québécois
C’est l’événement politique de l’année au Québec. Le 7 avril, le Parti québécois (PQ) a subi sa pire défaite depuis sa première campagne électorale en 1970. La chef péquiste Pauline Marois a démissionné le soir même après avoir remporté à peine 25 % des voix, tout juste deux points de plus qu’il y a 44 ans. Elle a perdu une campagne qui semblait pourtant gagnée d’avance. L’entrée en scène de Pierre Karl Péladeau, poing en l’air pour le « pays », de même que le projet controversé de charte de la laïcité ont anéanti tous les espoirs électoraux du PQ. Depuis, le mouvement souverainiste est plongé dans la tourmente.
L’année PKP
Une grosse pointure du monde des affaires qui monte au front pour l’indépendance du Québec : les souverainistes attendaient depuis longtemps un porte-étendard du calibre de Pierre Karl Péladeau. L’actionnaire de contrôle de l’empire Québecor remettra-t-il sur les rails un projet de pays que la majorité des électeurs rejette sans équivoque ? M. Péladeau domine outrageusement la course à la direction du PQ, reléguant dans l’ombre ses adversaires Bernard Drainville, Jean-François Lisée, Alexandre Cloutier, Martine Ouellet et Pierre Céré. Le magnat de la presse doit se méfier des conflits d’intérêts : il a été blâmé par le commissaire à l’éthique pour être intervenu en commission parlementaire et auprès du patron d’Investissement Québec pour que la société Vision Globale soit vendue à des intérêts québécois. Québecor, seule firme québécoise en lice pour acquérir l’entreprise, a conclu la transaction à la fin du mois d’octobre (voir autre texte en page A 5).
La déconfiture de la charte
Ça devait être le fer de lance du programme péquiste. La charte des valeurs, rebaptisée charte de la laïcité, a plutôt mené le PQ à la pire défaite de son histoire récente. Jusqu’au printemps 2014, une majorité de Québécois appuyait l’intention derrière la charte : confirmer la neutralité religieuse de l’État et baliser les demandes d’accommodements raisonnables par des minorités religieuses. L’initiative pilotée par Bernard Drainville, qui était alors ministre responsable des Institutions démocratiques et de la Participation citoyenne, a divisé profondément la population : des employées de l’État (ou des représentantes d’organismes subventionnés par l’État) auraient pu perdre leur emploi pour avoir porté le voile islamique. La tentative de récupération politique de la charte durant la campagne électorale a été rejetée par les électeurs.
L’austérité libérale
Le Parti libéral du Québec (PLQ) avait fait campagne en s’engageant à créer 250 000 emplois en cinq ans. Aussitôt au pouvoir, le premier ministre Philippe Couillard a créé la surprise : il a demandé au ministre Martin Coiteux de mettre en marche une vaste révision des programmes de l’État pour atteindre l’équilibre budgétaire dès l’exercice 2015-2016. Hausse des tarifs, notamment en garderie, coupes de budget et de personnel dans tous les ministères et organismes publics et parapublics, négociations serrées avec les employés de l’État : le gouvernement compte épargner 3,2 milliards dès cette année et réformer la bureaucratie de façon permanente dans l’espoir d’équilibrer les livres dans un avenir prévisible.
Québec serre la vis au monde municipal
Les employés municipaux sont passés dans le tordeur. Le gouvernement Couillard a profité de sa majorité à l’Assemblée nationale pour faire adopter le projet de loi 3, qui force les syndiqués municipaux à payer à parts égales avec l’employeur les coûts des régimes de retraite. Les syndiqués avaient pourtant tout fait pour bloquer le projet du ministre Pierre Moreau. Celui-ci s’est quand même mis à dos tout le monde municipal en dénonçant avec véhémence les maires de Laval et de Longueuil, qui ont eu le culot de dire à leurs citoyens qu’une partie de la hausse de leur « compte de taxes » était attribuable aux coupes de transferts du gouvernement (nouveau Pacte fiscal).
Les gaffes du ministre Bolduc
Yves Bolduc démontre jour après jour qu’on peut être ministre de l’Éducation et avoir d’étonnantes réflexions sur les écoles et les enfants. « Il n’y a pas un enfant qui va mourir de ça et qui va s’empêcher de lire », a-t-il lancé au Devoir en août. Le Devoir avait révélé que des commissions scolaires coupent dans l’achat de livres de bibliothèque à cause de l’austérité budgétaire. Depuis, le ministre Bolduc a été incapable d’estimer les économies à réaliser grâce aux fusions de commissions scolaires. Il a hésité au sujet de l’examen obligatoire de français pour obtenir un diplôme collégial. Et il a été embarrassé par des primes de 215 000 $ qu’il avait encaissées à titre de médecin de famille (dont il a remboursé plus de 54 000 $) pour avoir pris en charge 1500 patients alors qu’il était député de l’opposition, d’octobre 2012 à mars 2014.
Les épines du Sénat
C’est une épine après l’autre dans le pied de Stephen Harper : le Sénat ne lâche pas le premier ministre. Après une année 2013 marquée par un scandale de dépenses frauduleuses, 2014 n’a pas été beaucoup plus calme sur le front sénatorial. Des accusations criminelles (abus de confiance et fraude) ont été déposées contre Patrick Brazeau et Mac Harb. La Cour suprême a confirmé qu’Ottawa ne peut pas réformer l’institution sans obtenir l’appui d’une majorité de provinces, encore moins l’abolir sans l’appui de chacune d’entre elles. Justin Trudeau a ébranlé la Chambre haute en expulsant tous les sénateurs libéraux de son caucus, et une contestation judiciaire a été initiée pour forcer Stephen Harper à pourvoir aux 16 postes vacants au Sénat. Cerise sur un gâteau amer : le procès de Mike Duffy est prévu pour le printemps. Et il promet bien des flammèches.
Champlain, Richard, Champlain…
On savait le ministre Denis Lebel attaché à l’idée de nommer le nouveau pont Champlain du nom de Maurice Richard : il en parlait déjà en 2011. Mais quand une fuite médiatique a révélé cet automne que les conservateurs voulaient vraiment évincer l’explorateur de sa structure, la réaction a été vive. Plusieurs ont souligné qu’un joueur de hockey ne devrait pas être mis sur le même pied qu’un homme ayant fondé un pays au temps du scorbut. Après avoir expliqué qu’il est un « amateur de hockey, d’histoire, d’art et de pizza », Denis Lebel a finalement décidé que le nom de Champlain conviendrait bien au futur pont. Un grand détour pour revenir au point de départ.
Le séisme Ghomeshi
Ce fut comme une bombe à fragmentation dont l’impact a été ressenti un peu partout au Canada, révélant de nombreuses victimes à mesure que l’on mesurait les dégâts. Le congédiement de l’animateur vedette de CBC, Jian Ghomeshi, à la fin du mois d’octobre, a provoqué une onde de choc aux ramifications insoupçonnées. Au-delà des agissements allégués de Ghomeshi — il fait face à quatre chefs d’accusation d’agressions sexuelles —, c’est toute la question du harcèlement sexuel et de la difficulté de le dénoncer qui a surgi dans le débat public. Les témoignages ont déferlé, plusieurs émanant de personnalités connues. À Ottawa, Justin Trudeau a expulsé deux de ses députés faisant l’objet d’allégations restées non prouvées à ce jour. La Chambre des communes s’est demandé comment gérer de tels cas. À Québec, tous les partis ont convenu d’un processus qui permettra d’étudier largement la question de la violence sexuelle.
La Loi électorale secouée
La Loi électorale a été éprouvée en 2014. D’une part, le projet de réforme déposé par le gouvernement conservateur a suscité de nombreuses critiques (notamment par le patron d’Élections Canada), qui ont forcé le gouvernement à en adoucir les modalités — entre autres celles touchant l’identification des électeurs. Parallèlement à ce débat, deux conservateurs ont été punis par les tribunaux pour différentes entorses à la loi : l’ex-député Dean Del Mastro (dépenses électorales) et l’ancien employé Michael Sona (alias Pierre Poutine, auteur d’appels frauduleux en 2011).
La Cour suprême dérange
Jamais n’avait-on vu au Canada un premier ministre attaquer si ouvertement une juge en chef de la Cour suprême. Stephen Harper a soulevé un large débat en laissant entendre que Beverley McLachlin avait agi de façon inappropriée en tentant de prévenir le gouvernement des risques juridiques d’une nomination du juge Marc Nadon à la Cour suprême. De fait, le plus haut tribunal a par la suite invalidé la nomination de M. Nadon, une rebuffade mal acceptée à Ottawa. Le gouvernement a aussi essuyé des revers par les décisions touchant le Sénat ou la prostitution (entre autres), cela sans compter les critiques liées au processus de sélection des juges : à bien des égards, la Cour suprême dérange à Ottawa.
Harper en campagne électorale
Les conservateurs de Stephen Harper préparent déjà le terrain pour les élections fédérales prévues à l’automne 2015. Après huit années de déficit, le gouvernement prévoit un retour à l’équilibre budgétaire juste à temps pour le scrutin de l’an prochain. Le surplus, estimé à 1,9 milliard pour 2015-2016, sera cependant moindre que prévu à l’origine, parce que Stephen Harper a baissé les impôts des familles — notamment ceux des familles riches. Le fractionnement du revenu familial permettra à des conjoints qui ont des enfants de moins de 18 ans de payer moins d’impôts. Le conjoint qui a des revenus plus élevés pourra transférer jusqu’à 50 000 $ par année sur le rapport d’impôt de son partenaire. Les partis de l’opposition accusent les conservateurs de réduire les impôts des riches pour réduire la marge de manoeuvre financière de l’État, qui n’aura plus les moyens de créer de nouveaux programmes sociaux.
Les retombées des attentats
Les deux attentats en trois jours qui ont coûté la vie à des militaires canadiens, en octobre, ont ébranlé la confiance des citoyens envers les mesures antiterroristes. Le Canada n’est pas à l’abri des « loups solitaires » qui répondent à l’appel à la violence des djihadistes du monde entier, notamment le groupe État islamique, actif au Moyen-Orient. Le gouvernement Harper a donné l’impression d’utiliser le premier attentat, commis contre deux militaires à Saint-Jean-sur-Richelieu, pour justifier son ordre du jour axé sur la loi et l’ordre. Le ministre de la Sécurité publique, Steven Blaney, a annoncé un renforcement des pouvoirs des espions canadiens qui travaillent en territoire étranger. Ottawa compte aussi révoquer le passeport de ressortissants canadiens qui pourraient être partis se battre à l’étranger. Le gouvernement se trouve sous surveillance : il doit respecter le fragile équilibre entre les libertés civiles et la sécurité des Canadiens.
Montréal a un maire
On avait oublié que Montréal pouvait avoir un maire. L’hyperactif Denis Coderre a défendu sa ville avec fougue depuis son élection en novembre 2013. Ses adversaires à l’hôtel de ville ont calculé qu’il a établi pas moins de 50 priorités durant sa première année de règne, mais Denis Coderre se targue d’agir. Il a ainsi imposé une réforme du financement et des responsabilités des arrondissements qui soulève la grogne, d’Outremont au Plateau Mont-Royal en passant par le Sud-Ouest. Le maire de Montréal s’inspire peut-être de son vis-à-vis et « ami » de Québec, Régis Labeaume, reconnu pour ses méthodes autoritaires.
BILAN POLITIQUE 2014
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