L’Archevêché de Montréal s’est tourné vers une juge à la retraite pour examiner plusieurs milliers de dossiers de prêtres et ainsi déterminer le nombre et la nature d’allégations d’abus sexuel commis sur des mineurs par des membres du clergé depuis 1950, une démarche qu’un porte-parole de victimes décrit comme « une enquête bonbon ».
« L’idée, c’est que si on veut aller de l’avant du point de vue de la question des abus sexuels sur des personnes mineures, il faut pouvoir prendre autant qu’on le peut la mesure du passé, la mesure des événements », a expliqué en entrevue l’archevêque de Montréal, Mgr Christian Lépine.
Une juge à la retraite de la Cour supérieure, Anne-Marie Trahan, a accepté le mandat de diriger cette enquête qui s’étendra aux diocèses de Saint-Jérôme, Valleyfield, Saint-Jean-Longueuil et Joliette.
Dès le début des travaux du comité, en septembre prochain, l’accès à l’ensemble des dossiers sera total et sans réserve, assure l’archevêque.
« Si les dossiers sont incomplets, elle va les voir quand même, quel que soit l’état dans lequel ils sont, quelles que soient [leurs] lacunes. »
Enquête « bonbon » ?
Le directeur des communications du Comité des victimes de prêtres, Carlo Tarini, n’est toutefois pas convaincu que l’enquête favorisera les victimes et déplore que celles-ci n’aient pas été consultées.
« Mgr Lépine étant un évêque, cette juge à la retraite va enquêter sur les agissements de celui qui signe son chèque et ce n’est véritablement pas ce dont on a besoin », regrette-t-il.
« Les victimes n’ont pas été consultées, elles ne font pas partie du processus. Les représentants des victimes ne font pas partie du processus. C’est une enquête maison, une enquête bonbon, avec une juge choisie par la personne dont les agissements vont être enquêtés. Comment peut-elle arriver, cette juge à la retraite, à identifier des malversations potentielles ? » demande M. Tarini.
Mgr Lépine estime que dans son expérience de juge, Mme Trahan a été confrontée à des expériences d’abus et qu’elle s’est toujours montrée attentive ou soucieuse de l’impact de ces agressions sur les victimes. C’est l’une des raisons qui l’ont poussé à lui confier l’enquête.
« C’est une façon de dire aux victimes qu’on est là pour les entendre, qu’on est désireux de les entendre. C’est une main tendue aux victimes », a-t-il assuré.
M. Tarini préférerait voir les victimes se tourner vers la police et les organismes d’aide plutôt que de participer à l’enquête, qui devrait durer de 18 à 24 mois et dont le rapport sera ensuite rendu public.
« Si votre vie est endommagée par le traitement de motards, vous ne cognez pas au bunker des motards pour leur demander de vous aider et d’enquêter là-dessus, ce n’est pas la façon de faire », illustre-t-il.
Ce qu’il espère maintenant, c’est que l’annonce de mercredi convaincra le gouvernement caquiste de lancer une enquête publique sur les agissements de l’Église catholique.
Interrogée à ce sujet en matinée, la ministre de la Justice Sonia LeBel n’a toutefois pas semblé ouverte à cette possibilité, du moins pour le moment.
« Je pense qu’à ce stade-ci, ce n’est pas approprié. Il y a des initiatives, on va voir ce qui va se passer, ce qui va découler de ça. On verra s’il est approprié pour le gouvernement de prendre les rênes là-dedans », a-t-elle indiqué, qualifiant l’annonce de l’Archevêché de Montréal de « bonne initiative ».
« N’importe qui qui est prêt à faire la lumière sur des incidents de ce genre-là, je pense qu’on ne peut qu’applaudir. »
Examen semblable à Québec ?
Réagissant à l’annonce de l’Archevêché de Montréal, l’Église catholique de Québec a indiqué qu’elle songeait à faire un examen semblable.
« Nous envisageons également un audit dont les modalités restent encore à préciser », écrit l’Église sur sa page Facebook.
« Notre diocèse, depuis 1992, a mis en place un processus de traitement des allégations d’abus sexuels sur les personnes mineures et les adultes vulnérables. Depuis octobre 2018, le diocèse de Québec a mis en place un groupe de travail qui s’applique à mettre en œuvre les plus récentes recommandations de la Conférence des évêques catholiques du Canada. Les actions qui y sont proposées font partie de la réponse pastorale de notre Église à la souffrance vécue par tant de personnes blessées. »