Poursuite de six millions contre la petite maison d'édition

Écosociété a besoin d'argent pour se défendre contre Barrick Gold

L'Affaire Barrick Gold vs Écosociété

La maison d'édition Écosociété, dont la survie est désormais menacée par la poursuite intentée contre elle par le géant du secteur minier Barrick Gold, souhaite maintenant recueillir appuis et dons afin de pouvoir mener sa lutte devant les tribunaux. Elle n'en n'interpelle pas moins le gouvernement du Québec afin qu'il agisse au plus vite contre ce genre de poursuite-bâillon.
Signe que les procédures judiciaires entreprises contre Écosociété provoquent l'indignation de plusieurs, les appuis ont rapidement afflué au cours des derniers jours. La petite maison d'édition peut ainsi bénéficier du soutien d'une cinquantaine de personnalités québécoises, dont plusieurs sont reconnues pour leur engagement social. Parmi celles-ci, on retrouve Frédéric Back, l'avocat Julius Grey, Laure Waridel, le réalisateur Hugo Latulippe, mais aussi les deux porte-parole de Québec solidaire, Françoise David et Amir Khadir. Quatre maisons d'édition lui ont aussi manifesté leur appui, en plus de l'Union nationale des écrivains du Québec.
Écosociété doit bientôt mettre sur pied un site Internet pour recueillir des dons en argent. On prévoit en outre organiser un ou des événements afin d'avoir toutes les ressources pour mener la bataille judiciaire.
Au-delà de cette lutte, l'auteur principal du livre, Alain Deneault, a de nouveau réclamé l'intervention du gouvernement québécois hier, afin qu'il agisse pour interdire les poursuites-bâillons, ou SLAPP. «Le gouvernement ne peut pas soutenir le fait que ses institutions judiciaires soient perverties par des acteurs sociaux qui s'en servent comme une arme. Le gouvernement doit garantir le sérieux de ses institutions. Si ça devient une arme, il doit intervenir», a-t-il affirmé.
L'attachée de presse du ministre de la Justice Jacques Dupuis, Émilie Rouleau, a toutefois refusé de commenter ce cas particulier, puisqu'il se trouve désormais devant les tribunaux. Pour ce qui est du projet de loi visant à contrer les SLAPP, elle a simplement souligné que «le ministre a dit qu'il souhaitait agir dans ce dossier». Mme Rouleau a ajouté que l'on en était à l'étape de la «réflexion» au sujet de la forme que pourrait prendre ce projet de loi. Elle a refusé de préciser quelque échéancier que ce soit.
M. Deneault s'est également de nouveau défendu hier de verser dans la diffamation. «Notre livre repose exclusivement sur des sources qui sont déjà publiques au Canada ou dans d'autres pays, a-t-il expliqué. On cite par exemple des rapports d'experts mandatés par le conseil de sécurité de l'ONU. On cite des rapports d'ONG réputées, comme Human Rights Watch, mais aussi certains auteurs qui ont travaillé sur le sujet.» L'auteur et ses collaborateurs ont aussi utilisé des sources gouvernementales, dont certaines sont canadiennes, selon ce qu'a précisé M. Deneault.
Barrick Gold a mis sa menace de poursuite à exécution mercredi dernier, à la suite de la publication du livre Noir Canada, Pillage, corruption et criminalité en Afrique, un ouvrage qui fait état de nombreux abus qu'y auraient commis des sociétés minières canadiennes au fil des ans. La plus grosse société aurifère du globe -- avec des profits nets de 1,73 milliard en 2007 -- réclame plus précisément cinq millions à titre de dommages moraux et compensatoires, de même qu'un million à titre de dommages punitifs. Or, une telle somme représente 25 fois le chiffre d'affaires annuel de la maison d'édition.
Au nom de leur client, les avocats de l'entreprise demandent également une injonction permanente pour empêcher les auteurs du livre de répéter leurs allégations, que ce soit verbalement ou par écrit. Dans sa poursuite, Barrick Gold fait valoir que les auteurs de l'ouvrage ont lancé une campagne de diffamation contre l'entreprise, visant ainsi à ternir sa réputation, et ce, «sans vérifier la véracité et la crédibilité d'informations extrêmement graves qui sont faites au sujet de Barrick».


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