(Québec) ANALYSE - Il nous avait habitués à un ton plus solennel, le ton et le débit monotone du fort en thème, patient, un peu condescendant. Philippe Couillard était loin de cette zone de confort cette semaine. Plus autocrate, à la limite de l'arrogance à l'Assemblée nationale.
Pourquoi subitement gouverner au « je », dépeindre ses adversaires comme « dégoulinants de pétrole » parce qu'ils lui rappelaient que le gouvernement trahissait ses engagements dans le dossier d'Anticosti ? Comme souvent en politique, on monte le ton quand les arguments sont faibles. C'est peu dire que le gouvernement Couillard a traversé une semaine difficile.
D'abord, la controverse autour des adolescentes en fugue de Laval avait commencé comme un simple fait divers, un problème comme des dizaines d'autres qui apparaissent puis disparaissent de l'avant-scène médiatique.
C'était compter sans la capacité du gouvernement à faire des faux pas. La ministre responsable de la Protection de la jeunesse, Lucie Charlebois, d'un ton cassant, s'est enferrée à chacune de ses interventions. Le centre jeunesse « infiltré » par les gangs de rue ? Elle doit reculer, humiliée par son collègue Martin Coiteux qui a dû expliquer « ce qu'elle voulait dire ».
Il n'y a pas de rapport d'un comité interministériel sur l'exploitation sexuelle ? Le document oublié depuis deux ans est étalé dans La Presse le lendemain. Québec ne peut faire fermer les portes d'un centre jeunesse ? Elles seront pourtant vite verrouillées, contrôlées par un préposé, le lendemain.
À la fin, la ministre Charlebois en était réduite à évoquer le nombre de ses petits-enfants à l'Assemblée nationale comme preuve de sa détermination à régler le problème. Les stratèges de Philippe Couillard ont décrété un changement de gardien de but. On aligne la pugnace responsable de la Condition féminine, Lise Thériault, et la doucereuse ministre de la Justice, Stéphanie Vallée. Le duo s'indigne qu'on puisse faire de la politique sur une question aussi grave et accuse la péquiste Carole Poirier, confinée à l'opposition depuis deux ans, d'avoir fait déraper le travail du gouvernement. Sans moyens, Jean-François Lisée aura eu le dernier mot sur cette phalange de ministres appuyés par leurs fonctionnaires.
Mais la liste des problèmes ne s'arrêtait pas là. Revenu à ses anciennes amours, à la sécurité du revenu, François Blais jongle aussi maladroitement que publiquement avec les changements qu'il envisage pour sa réforme de l'aide sociale. Carlos Leitao, lui, échappe le ballon. Il doit faire amende honorable après avoir soutenu que la Société des alcools jamais ne vendra de cannabis.
Une pensée fugace a dû traverser l'esprit de la garde rapprochée de Philippe Couillard. L'équipe vient tout juste d'être remaniée, et déjà des signes de faiblesse apparaissent au grand jour. Pas question de rebrasser les cartes.
Et déjà des problèmes se profilent à l'horizon - Ottawa se fait tirer l'oreille pour renflouer Bombardier. Dans l'éventualité d'un non, Québec n'est plus lié par son engagement de 1,3 milliard - on imagine la commotion sur le marché, les secousses sur des actions qui ont plongé bien en bas de 1 $. Avec un huard qui bat de l'aile, Bombardier pourrait intéresser un compétiteur. Que ferait Québec alors ?
À l'Assemblée nationale, Pierre Karl Péladeau, plus calme, plus méthodique qu'à son habitude, a bien relevé des incohérences dans les positions récentes de Québec. Comment peut-on tout à la fois plaider que l'état de droit nous interdit d'intervenir pour bloquer la vente de Rona aux Américains et prévenir qu'on ne respectera pas le contrat signé avec Pétrolia pour l'exploitation des hydrocarbures à Anticosti ?
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