UNE CIBLE DE SUBSTITUTION
La réaction de Jean Charest à la remarque incidente de Jacques Parizeau à propos de l’idée de « crise » semble, au premier abord, une manifestation hystérique assez banale. Mais, en y regardant de plus près, on s’aperçoit qu’elle relève en fait de la compulsion de répétition ou « acting out ».
Lors du débat des chefs en 2003, l’aspirant Premier ministre Charest avait, en effet, joué le même numéro. Cette fois-ci, le retour de l’affect d’indignation n’est pas accompagné cependant de sa composante active qui avait permis à Charest de porter un coup vicieux à l’endroit de Bernard Landry en se servant de Parizeau comme cible de substitution. Certains se souviendront que l’attaque avait constitué le « tournant décisif » de la campagne électorale, ce par quoi on peut justement traduire « crise ». Fait significatif, la plupart des médias avaient par la suite docilement emboîté le pas au chef libéral. On viendra dire après que ce sont les idées qui gouvernent le monde.
RUER DANS LES BRANCARDS
Le terme de « crise » vient tout bonnement du grec. Il se rapporte à un moment où, dans des dossiers complexes, le « jugement » s’avère difficile et le temps de la délibération extrêmement limité avant d’agir. Il semble s’être appliqué d’abord à la médecine. Tout le monde connaît l’adage hippocratique : « La vie est courte, l’art est long, le kairos aigu (ou pointu), l’expérience trébuchante, la crise difficile » - confère sur ce point le livre inspirant et érudit de Jackie Pigeaud (La crise, Éditions Cécile Defaut, 2006).
S’appuyant sur Aristote, Pigeaud indique que de la médecine, le concept a trouvé de nombreuses applications dans la culture grecque, notamment dans l’art militaire, la politique, la rhétorique, l’art de gouverner en bateau, etc. On pourrait en relever la pertinence aussi dans la façon par exemple dont se nouent et se dénouent les relations affectives. Rien en somme pour se ruer dans les brancards et jouer les incendiaires offensés.
RETOUR PÉRIODIQUE DU MÊME
Je me demande ce qu’il y a de répréhensible ou d’offensant dans l’usage qu’a fait Jacques Parizeau de « crise ». Les relations Québec/Ottawa n’ont-elles pas été ponctuées par le retour périodique de tels moments ? Que l’on songe à la nuit des longs couteaux, à l’échec de Meech en juin 1990 suivi immédiatement de la « crise » d’Oka ou d’un certain soir d’octobre 1995. Comme la vie collective est assez comparable à la vie individuelle et puisque aucune solution négociée n’a été apportée au coup de force de Trudeau, on peut mettre un petit deux sur le retour inévitable d’un tel moment dans un avenir plus ou moins rapproché. Il n’y manque qu’une occasion, souvent fortuite et imprévisible.
LA MALADIE INFANTILE DES PÉQUISTES
On aurait intérêt à bien écouter l’allocution de monsieur Parizeau. Prenant acte du fait que, dans la vie publique, il est toujours avantageux de ne pas appeler les choses par leur nom, en bon « critique », il met le doigt avec humour sur la formule de compromis référendaire, symptôme de la maladie infantile des Péquistes, partagés depuis 1974 entre l’appât du pouvoir ou le consensus sur un programme électoral simple et clair axé sur l’indépendance. Ce qui manque désespérément à leur programme, ce sont des dossiers qui nous mèneraient au cœur du problème.
Ils serait peut-être temps maintenant qu’ils arrêtent de niaiser avec la puck et qu’ils se comportent enfin en adultes responsables et prévoyants.
François Deschamps
La maladie infantile des Péquistes
Du bon usage de la crise
Ce qui manque désespérément à leur programme, ce sont des dossiers qui nous mèneraient au cœur du problème
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