L’idéologie saoudienne n’a pas servi uniquement de base idéologique au terrorisme islamiste. Les promoteurs de cet islam rigoriste ont fait des victimes même parmi les « morts » en s’attaquant au patrimoine musulman.
Diffusion d’idées terroristes, financement de groupes radicaux et ingérence dans les affaires intérieures des pays. Depuis quelques années, les langues se délient et l’Arabie Saoudite, un protégé des grandes puissances qui veulent y conserver leurs intérêts, est devenue un terrain d’études pour beaucoup de spécialistes dans le monde. Des études qui montrent les ravages que provoque le terrorisme islamiste mondial.
Dans un livre sorti en France en 2016*, le chercheur français Pierre Conesa a tenté de dévoiler, documents à l’appui, de nombreuses facettes de l’aide que l’Arabie Saoudite a donnée, de manière directe ou par le biais de la diffusion d’idées obscurantistes, au terrorisme qui ravage le monde depuis une trentaine d’années. Dans Dr Saoud et Mr Djihad..., Pierre Conesa se penche sur des opérations très peu connues du grand public.
A commencer par des destructions de sites relevant du patrimoine musulman, le financement d’organisations terroristes mondiales en passant par l’érection en dogme de la vulgarisation de l’islam wahhabite, qui a notamment servi de matrice idéologique à Al Qaîda, puis à Daech.
De fil en aiguille, le chercheur, qui a notamment travaillé durant de longues années au ministère de la Défense de son pays, a tenté de démêler l’écheveau d’une toile tissée par les Al Saoud depuis les années 1960. Il raconte comment, par exemple, la propagation du wahhabisme a été érigée en stratégie diplomatique à travers, notamment, la mise en place d’un ministère de la propagande religieuse. Cela a commencé par la création de la Ligue islamique mondiale (LIM), qui a monté des filiales un peu partout dans le monde.
Les Saoudiens en font une stratégie. A l’image d’autres organismes, des bras « humanitaires » utilisés par les services secrets occidentaux pour interférer ou déstabiliser les pays, Riyad a fait de cette diplomatie religieuse un sacerdoce. Construire des mosquées, financer des organisations « islamiques », y compris dans les grandes villes occidentales où la laïcité est maîtresse des lieux, font partie de cette démarche.
L’auteur, qui s’adonne parfois à des commentaires poussés ou osés — un fait relevé par le rédacteur de la préface, l’ancien ministre français des Affaires étrangères, Hubert Védrine —, a même tenté d’estimer la valeur des fonds versés comme « aides » aux associations, mosquées et universités à travers le monde. Ce n’est pas loin de 200 milliards de dollars, répartis sur plusieurs années. Et cela sous différentes formes.
Diffuser le wahhabisme, traquer le chiisme
Aussi étonnant que cela puisse paraître, Pierre Conesa démontre que ces aides peuvent prendre des formes inattendues. C’est le cas du financement, sous le couvert du mécénat, des universités américaines les plus prestigieuses. Les autorités saoudiennes se sont engouffrées dans les brèches ouvertes par le financement de ces entités universitaires pour faire montre de générosité.
Mais à chaque opération, les bailleurs de fonds en profitent pour imposer leur vision de la vie, ne serait-ce que pour faire entrer un étudiant qui prêche le venin des Al Saoud.
Mais c’est surtout dans les universités saoudiennes, comme celles de Ibn Saoud de Médine, de Djeddah et de Riyad, que les autorités saoudiennes ont concocté leur plan diabolique de diffuser l’esprit moyenâgeux et ses référents religieux. Des milliers d’étudiants, recrutés dans des pays musulmans, viennent s’inscrire dans ces universités. Ils sont logés, nourris et, bien sûr, rémunérés. Ils y trouvent un enseignement basé exclusivement sur la religion.
A la fin du cursus — qui durait jusqu’à 5, voire 7 ans avant d’être ramené à 4 ans —, ces étudiants sont renvoyés dans leurs pays respectifs pour prêcher cet islam rigoriste qui a fini par plonger des milliers de jeunes musulmans dans le djihad. Parmi ces « diplômés » se trouvent des Algériens, dont le célèbre Mohamed-Ali Ferkous qui est devenu une des références salafistes en Algérie.
Plus qu’enseigner, ces « étudiants », qui reviennent dans leur pays « avec la réputation » d’avoir étudié dans les Lieux Saints de l’islam, reçoivent, dans leur écrasante majorité, des salaires de l’Arabie Saoudite. Des mercenaires ? L’auteur ne le dit pas. Mais les pratiques de ces porteurs d’eau du wahhabisme en disent long sur les objectifs recherchés. Certains de ces « revenus » ont même versé dans des activités terroristes. La preuve est donnée par le fait que la majorité de ceux qui ont perpétré les attentats de World Trade Center à New York sont des Saoudiens.
Parallèlement à ce travail de fond qui a pris des années pour se mettre en place à cause, notamment, de la durée plus ou moins longue des études dispensées, l’Arabie Saoudite a organisé une véritable chasse au chiisme. Pour cela, Pierre Conesa a cité quelques-uns des câbles de WikiLeaks qui révèlent comment les diplomates saoudiens sont mobilisés à travers le monde contre la présence chiite.
Que cette dernière soit symbolique ou n’est représentée que par quelques adeptes, comme c’est le cas dans certains pays du Sahel, elle est pourchassée, traquée. L’arrière-pensée de cette chasse aux sorcières est bien sûr d’empêcher le grand rival iranien de se déployer dans le monde. Mais c’est également la meilleure manière de rester comme la seule référence des musulmans.
Même le tombeau de la mère du
Prophète n’a pas été épargné
Les dégâts de l’idéologie saoudienne ne se limitent pas à servir de base idéologique au terrorisme islamiste. Les promoteurs de cet islam rigoriste ont fait des victimes même parmi les « morts » en s’attaquant au patrimoine musulman. Ainsi, la mosquée et la tombe de Hamza Abd Al Muttalib, l’oncle du Prophète, la mosquée Fatima-Zahra ont été démolies.
Le tombeau de Amina Bint Wahb, la mère de Mohammed, a été détruit et brûlé en 1998. C’est le comble du blasphème ! Les tombeaux d’autres figures de l’islam des premiers siècles, tout comme ceux de combattants de la bataille de Uhud ont également été détruits par la furie des dirigeants saoudiens.
En plus de ces facettes mortifères que donne l’Arabie Saoudite, Pierre Conesa a également mis en avant l’hypocrisie des Occidentaux qui savent tout et ne font rien pour arrêter leur « allié » saoudien. Le comble de ce cynisme a été atteint lors des attentats des tours jumelles de New York. L’administration américaine a vite désigné les pays qui ont constitué « l’axe du mal », à savoir l’Iran, l’Irak et l’Afghanistan. A l’exception de l’Iran, les autres pays ont été envahis par l’armée américaine. Mais étrangement, l’Arabie Saoudite, qui a fourni l’écrasante majorité des terroristes, est épargnée.
Elle le restera lorsque des attentats frapperont d’autres villes dans le monde. Mais derrière ce « salut » saoudien, l’auteur y voit notamment l’autre « visage » que donne cette nation, la seule au monde à porter le nom d’une famille : les discours des dirigeants saoudiens sont « modérés » et ne vendent au monde que des messages mielleux, associés aux contrats mirobolants en armement et en équipement de tous genres. C’est ce discours qui fait donner au livre une partie du titre Dr Saoud. Il est tout de suite contrebalancé par Mr Djihad, qui est en réalité le vrai visage de ce pays.
En définitive, c’est un cri du cœur que Pierre Conesa nous fait entendre. Tout en fournissant un travail fouillé, documenté et argumenté tout au long des 300 pages de l’ouvrage, l’ancien élève de l’ENA (Ecole nationale d’administration), agrégé d’histoire, met en garde contre cette dualité saoudienne qui a longtemps servi les causes de ceux qui sèment la mort aux quatre coins du monde !-