Docteur Bactérie

Commission Castonguay



Une épidémie de C.difficile dans un hôpital devrait être encore plus gênante pour la direction -et ultimement pour le ministre de la Santé- que si leurs résidences personnelles étaient envahies par les coquerelles ou si leurs enfants étaient renvoyés de l'école parce qu'ils avaient des poux.
La bactérie C. difficile fait tant de ravages en raison de l'usage massif des antibiotiques en médecine qui rendent l'organisme plus vulnérable en le privant de ses mécanismes naturels de défense. La C.difficile fleurit toutefois dans les milieux où la propreté laisse à désirer et où l'hygiène est gravement déficiente.
Or il n'y a pas d'excuses qui tiennent pour ces lacunes. Un hôpital devrait être d'une propreté irréprochable. Point. On peut comprendre que certaines failles du système de santé découlent de facteurs dont la correction nécessite patience et longueur de temps : pénuries de médecins et d'infirmières, équipements désuets, etc. Mais l'entretien ménager n'exige pas une main-d'oeuvre spécialisée. Le ramassage immédiat de la literie souillée par des patients incontinents non plus. Le nettoyage à répétition des équipements sanitaires et des poignées de porte des salles de bain partagées par plusieurs patients non plus.
Les hôpitaux québécois sont aussi parmi les rares qui permettent encore au personnel directement en contact avec des patients d'entrer et de sortir avec leurs vêtements de travail, même en milieu de journée, pour se rendre dans divers endroits publics. Ce qui serait impensable pour des employés de différents types de laboratoires ou d'entreprises tenues à des normes élevées d'hygiène, comme dans le pharmaceutique ou la transformation d'aliments, est pourtant pratique courante en santé.
La thèse des organisations syndicales à l'effet que la qualité des services tient à leur caractère public en prend aussi pour son rhume. Aucune entreprise privée de nettoyage et d'entretien ne se permettrait de fournir des services aussi bâclés que ceux observés dans certains hôpitaux de peur de perdre ses contrats. Mais l'obligation d'avoir des services publics d'hôtellerie, de restauration et d'entretien dans le milieu hospitalier fait aussi partie des vaches sacrées du réseau québécois, au même titre que l'universalité et la gratuité des soins. Comme si les deux choses allaient obligatoirement de pair.
Dure semaine
Le ministre de la Santé, Philippe Couillard, a eu une dure semaine à l'Assemblée nationale. Outre les ravages de la bactérie C. difficile à l'hôpital Saint-François d'Assise à Québec, il a vu son ballon des progrès impressionnants réalisés sous les libéraux se dégonfler. La situation n'est guère mieux qu'en 2003, selon un palmarès publié en début de semaine. Depuis, des chefs de services d'urgence démissionnent avec dépit.
Le docteur Couillard, principal aspirant à la succession de Jean Charest, s'est fait tellement brasser qu'il doit compter sur le même Jean Charest pour lui sortir la tête de l'eau. L'épisode n'est pas sans rappeler l'époque où Lucien Bouchard devait plonger au secours de Jean Rochon, qu'il présentait comme le meilleur ministre de la Santé de l'histoire du Québec, alors que le système craquait de toutes parts.
Le gouvernement du Québec a certes consacré des budgets supplémentaires au secteur de la santé, mais pour toutes les raison connues, c'est comme ajouter de l'eau dans une baignoire sans bouchon. Il a pu faire croire temporairement à une amélioration importante de la situation mais la réalité le rattrape. Les libéraux ont écrasé le PQ à la veille des élections de 2003 en leur faisant porter la responsabilité de la piètre qualité des services de santé. Les partis d'opposition se liguent maintenant pour leur servir leur propre médecine.
L'image du ministre Couillard perd en plus de son lustre à un bien mauvais moment pour lui. Il y a vingt ans, nous disions qu'être ministre des Finances disqualifiait une personne pour la fonction de premier ministre. Les risques sont maintenant beaucoup plus élevés pour un ministre de la Santé.
Dans le bottin, il y a un Docteur Baignoire, un Docteur du Pare-brise, un Docteur Piscine. Philippe Couillard pourrait commencer par être le Docteur Bactérie et faire nettoyer les hôpitaux. Ce n'est pas si sorcier.


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