Il y eut une époque, pas si lointaine, où l’immigration était un sujet relativement tabou. Les Québécois sentaient que leur nation était en train de changer dans sa fibre même, mais le malaise restait diffus et indicible. Le débat public était complètement cloisonné et soulever la moindre question sur ce sujet revenait à se présenter comme un bigot raciste, ce que personne ne voulait faire. Il y avait le camp des hommes cultivés et ouverts qui embrassaient l’immigration et ses bienfaits et ceux qui étaient bornés, non-éduqués, qui rejetaient les richesses innombrables que nous apportait l’immigration. Puis, dans les dernières années, depuis la crise des accommodements raisonnables pour être plus précis, des gens, en dehors de la sphère publique d’abord, ont commencé à se questionner sur les effets réels de ce phénomène relativement récent et non ceux fantasmés qu’on présente dans les médias.
Jacques Houle, auteur de Disparaître, fait partie de ces hommes qui abordent la question avec une honnêteté qu’on aimerait voir plus répandue. Et son essai arrive au bon moment, à l’instant où François Legault qui se fit élire grâce à sa promesse de réduire l’immigration de façon cosmétique, fit finalement faux bond sans justification pour maintenir l’immigration aux seuils imposés et voulus par Jean Charest. Car la barre de 50 000 arrivées annuelles, ce n’est pas un dogme religieux inébranlable, seulement le legs d’un parti politique qui compte uniquement sur le vote ethnique (85% des minorités l’appuient) pour pallier à son manque de popularité chez les Québécois de souche qui s’y opposent à 88%.
Alors, pour quelles raisons un tel volteface ? Surtout que seuls 6% des Québécois désirent une augmentation de l’immigration comme le rappelle Houle. L’auteur fait un bilan des effets qu’a cette immigration de masse sur la nation. Et contrairement à de nombreux auteurs comme ceux du Fraser Institute, il ne se cantonne pas au domaine économique et financier. Il aborde l’impact sur la nation, celle-là même que nos dirigeants nient.
Sous forme de courts chapitres, qui serviront à étayer l’argumentaire des opposants à l’immigration de masse, l’essai démontre que les effets sur les finances publiques, sur la cohésion et sur la criminalité sont négatifs et que l’enrichissement promis est nul. Sinon, Montréal, principale ville hôte des nouveaux arrivants, ne serait pas la ville la plus pauvre. En fait, l’immigration de masse est un fiasco complet, ce qui explique la montée des partis dits « populistes » dans le reste du monde occidental où l’on accueille moins d’immigrants que nous chaque année, au prorata de notre population. Mais au-delà de ces considérations qu’apprécieront par contre ceux qui ne voient le monde qui les entoure que sous la forme d’individus libres de toute entrave et de toute identité commune, il s’intéresse à ce que l’immigration engendre pour ce « nous » que les politiciens osent à peine mentionner. Et le constat est terrifiant, quoique ce ne soit pas une surprise pour quiconque s’intéresse à cet enjeu : les Canadiens français deviendront une minorité ethnique dans leur foyer national, le Québec. Le français recule, notre culture également et au niveau démographique, nous courront à notre perte. « C’est de notre existence en tant que peuple dont il est question, » nous avertit-il. Dès la Conquête de 1760 l’immigration fut instrumentalisée pour faire de nous une minorité éventuellement assimilée, ce qui fut un succès à travers le Canada, sauf au Québec, pour le moment. Mais, nous sommes déjà minoritaires à Montréal, le reste viendra à moins que des mesures énergiques ne soient mises en place.
Cet essai est intéressant, car il ne se cantonne pas à une critique, mais offre des alternatives, des voies de sortie que devraient bien lire les politiciens québécois qui quand vient le temps de parler d’immigration ne font qu’ânonner ce que les patrons – seuls gagnants à court terme de l’immigration de masse – leur susurrent à l’oreille.
Nous pouvons tout à fait endiguer ce flot, puis régler les problèmes auxquels nous faisons face d’une autre façon. Plusieurs des solutions mises de l’avant par l’auteur se retrouvaient d’ailleurs dans ce fameux mémoire qui fut retiré de l’Assemblée nationale avant même d’être lu, à cause de positions antiparlementaristes, comme s’il fallait être automatique pour l’immigration incontrôlée pour avoir le droit de cité à l’Assemblée des élus.
À lire et à suggérer à vos députés provinciaux et fédéraux, ainsi qu’à quiconque qui parle d’immigration sans en connaître les réels impacts.
Jacques Houle, Disparaître, Afflux migratoires et avenir du Québec, Éditions Liber, 2019, 143 p.