Paul Journet et Fabrice De Pierrebourg La Presse (Québec) Sans réclamer ouvertement sa démission, l'opposition croit que le commissaire de l'Unité permanente anticorruption (UPAC), Robert Lafrenière, ferait mieux de partir de sa propre initiative. «Il est très important qu'il n'y ait pas apparence de conflit d'intérêts. Or, il y en a une en ce moment. Des fois, même si on n'a rien fait de mal, il vaut mieux s'effacer», croit Sylvie Roy, leader parlementaire de l'Action démocratique du Québec.
Le Parti québécois ne réclame pas «pour l'instant» la démission de M. Lafrenière. Mais c'est seulement pour ne pas retarder les enquêtes. «On ne veut pas ajouter aux difficultés de l'UPAC. Mais à un moment donné, il faudra se poser la question. Pour le bien de l'UPAC, est-ce qu'il ne faudra pas en venir là? Nous devons maintenant nous poser cette question», a lancé son porte-parole en matière de sécurité publique, Stéphane Bergeron.
La Presse a révélé hier que l'UPAC veut placer une dizaine de ses enquêteurs-analystes et agents de liaison au sein de la commission Charbonneau. Une incongruité pour les sources proches du dossier puisque la commission doit être totalement étanche par rapport au pouvoir politique. Or, l'UPAC relève du ministre de la Sécurité publique.
Mme Roy rappelle que le président de la Fraternité des policiers de Montréal, Yves Francoeur, a aussi remis en question l'indépendance de l'UPAC. «Est-ce que sa structure hiérarchique et sa ligne d'autorité démontrent une indépendance sur le plan des enquêtes? La réponse est non», a-t-il confié à La Presse le mois dernier. Dans une lettre anonyme à l'en-tête de la Sûreté du Québec, des policiers se sont aussi plaints à La Presse d'ingérence politique dans leurs enquêtes.
Commissaires piqués au vif
M. Lafrenière n'a pas accordé d'entrevue hier. Il s'est plutôt expliqué dans un communiqué laconique. Il ne nie pas les tensions internes, mais rappelle que son organisation est jeune et qu'il faut du temps pour que la chimie s'opère entre tous ces «spécialistes provenant de différents milieux [...] avec leur culture organisationnelle respective et leurs références légales et règlementaires».
En ce qui concerne les risques de contestation d'éventuelles accusations portées à la suite d'échanges d'informations avec Revenu Québec, il explique que ses équipes «veillent au respect des règles et des lois existantes tout en cherchant à obtenir des résultats probants pour bâtir des preuves plus solides».
Quant à ceux qui pourraient douter de son indépendance parce que sa fille est la conjointe du sous-ministre en titre, M. Lafrenière réplique ceci: «L'intégrité a toujours été au coeur de mon parcours professionnel, en tant que policier, sous-ministre ou commissaire. Qu'aujourd'hui on vienne mettre en doute ma capacité à départager ma vie privée de mes fonctions m'interpelle et m'amène à vous assurer encore une fois de mon engagement à lutter contre la corruption d'abord et avant tout.»
Par ailleurs, France Charbonneau a fait une mise en garde à l'UPAC et à tous ceux qui voudraient empiéter sur ses prérogatives. «Ce sont les enquêteurs de la commission qui prendront la décision de s'adjoindre, selon leurs besoins, les personnes ressources nécessaires à l'accomplissement de leurs tâches», a-t-elle indiqué hier par voie de communiqué.
Elle ajoute que «les procureurs et les enquêteurs de la commission vont décider de la pertinence des enquêtes de l'UPAC eu égard aux travaux de la commission. Ils décideront aussi quelles enquêtes devront être initiées ou continuées pour mener à bien le mandat qui a été confié à la commission».
De son côté, M. Lafrenière a assuré que «cette collaboration se fera dans le respect total de l'indépendance conférée à cette commission».
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