Au moment où Pauline Marois et son caucus serrent les rangs et se disent déjà rendus «ailleurs» à peine 48 heures après la démission choc de quatre de ses députés les plus en vue - Louise Beaudoin, Pierre Curzi. Lisette Lapointe et Jean-Martin Aussant... dont ce dernier est même allé jusqu'à demander la démission de Mme Marois...
Au moment où la chef péquiste se dit prête à réintégrer sans condition trois des députés démissionnaires - qu'elle appelle tous par leurs prénoms seulement (Louise, Pierre & Jean-Martin) -, elle pose toutefois comme condition au retour de Lisette Lapointe - qu'elle appelle «madame Lapointe) -l'acceptation de la «gouvernance souverainiste» proposée par Mme Marois et entérinée par le congrès du mois d'avril.
Cela révèle quelques petites choses importantes à noter pour mieux comprendre la suite des choses.
Primo: Mme Marois doit sûrement se douter que Mme Lapointe ne reviendra pas. Et elle ne reviendra pas parce qu'elle demeure en désaccord avec la «gouvernance souverainiste». Mais aussi parce que son mari, Jacques Parizeau, en accompagnant son épouse publiquement le jour de sa démission, signifiait tout aussi clairement sa désapprobation.
Bref, un des dommages collatéraux de cette semaine est ce «divorce» politique entre Mme Marois et M. Parizeau. Certains auront sûrement tendance, dans un premier temps, à voir la chose comme un «beau-père» de moins...
Or, à moyen terme, ce «divorce» d'un ancien chef aussi respecté dans les rangs souverainistes - et non seulement péquistes - que M. Parizeau, ne sera pas sans contribuer, sourdement, à renforcer certains des propos des quatre démissionnaires.
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Dans cette lente retombée de poussières, laquelle ne sera pas sans laisser des cicatrices au sein du caucus péquiste, chez les mlitants et l'électorat, deux voix (et deux voies) aux antipodes se sont exprimées.
Hier, l'ex-président du PQ et proche de Mme Marois, Jonathan Valois, accordait une entrevue à Guy Simard du 98.5 FM dans laquelle il qualifiait deux des démissionnaires de «gros égos» difficiles à gérer. Un bel exemple de ce vieux classique de petite politique où l'on discrédite personnellement un «messager» pour mieux discréditer son message: http://www.985fm.ca/audioplayer.php?mp3=103136
La seconde voix est celle de l'ex-député péquiste Camil Bouchard en entrevue au 95.1 FM à la nouvelle émission de Franco Nuovo.
Autant sur le ton que sur le fond, Camille Bouchard y fait un diagnostic tout autre.
Sans attaques personnelles, il y pointe, entre autres, un phénomène qu'il décrit comme étant une «intoxication massive d'électoralisme au Parti québécois qui ressemble étrangement, et qui a été contaminé par le Parti libéral. Il faut éventuellement et très rapidement se démarquer de cela.» Ajoutant que le résultat est celui-ci: «on n'est plus à droite, on n'est plus à gauche, on est nulle part parce qu'on ne s'exprime pas clairement»...
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Addendum:
Fait à noter: dans la saga du projet de loi privé Labeaume-Maltais - celui par qui la crise est venue -, Mme Marois a critiqué aujourd'hui la décision de Jean Charest d'en remettre l'adoption à l'automne - voir même de le modifier. La chef péquiste lui reprochait aussi de ne pas l'avoir fait adopter tout de suite, quitte à recourir au bâillon.
Et pourtant, ce projet de loi divise encore son caucus (sans oublier celui des libéraux); vient de lui coûter quatre députés; a miné son leadership et la perception publique de celui-ci et est rejeté par une majorité de Québécois à l'extérieur de Québec....
Le fond des choses
Il arrive parfois qu'une crise politique, aussi spectaculaire soit-elle, en cache une autre. Un peu à la manière des poupées russes.
Il en va ainsi de l'onde de choc déclenchée par la démission des députés péquistes Lisette Lapointe, Pierre Curzi et Louise Beaudoin.
À première vue, la faute revenait à la décision de Pauline Marois d'imposer à son caucus un projet de loi privé donnant le bon Dieu sans confession au maire Régis Labeaume et son entente avec Quebecor pour la gestion d'un nouvel amphithéâtre.
Le tout, au détriment des exigences de transparence les plus élémentaires.
Se voyant obligés de brader leurs principes pour une poignée de votes à Québec, bien des députés ont avalé de travers.
Puis, les démissionnaires ont invoqué le "malaise démocratique" ambiant et leur goût de faire de la politique "autrement". Appelons-ça l'"effet Amir Khadir".
C'était couru d'avance. Le député de Québec solidaire est partout et s'attire l'admiration pour ses confrontations avec des élites gloutonnes et des lobbyistes profiteurs du bien public. Le contraste avec un PQ soudé à son projet de loi labeaumisé était dévastateur.
Et maintenant, Jean Charest rayonne de joie d'avoir reporté à l'automne le projet de loi privé. Mme Marois en aura pour des mois à nettoyer les dommages collatéraux.
Sans oublier le tsunami orange, l'anéantissement du Bloc et le retour possible de François Legault déjà venus s'ajouter à cette marmite bouillonnante...
Le désaveu
Mais attention. Derrière le tout se cache une autre crise. L'ultime et la plus significative pour le PQ. Celle de sa raison d'être.
Et là, nous arrivons au fond des choses: à quoi doit servir le pouvoir?
Le PQ veut-il le pouvoir pour le pouvoir? Ou le veut-il comme outil premier de promotion et de réalisation de son option?
Pour les démissionnaires, Mme Marois pencherait plus vers le premier scénario. D'où la présence très publique de Jacques Parizeau, venu appuyer son épouse, Lisette Lapointe, le jour de sa démission.
Ce geste, il est à marquer d'une pierre blanche. Car il constituait un désaveu final de la "gouvernance souverainiste" proposée par Mme Marois. Une approche, dans les faits, plus autonomiste que souverainiste.
M. Parizeau avait pourtant laissé tomber quelques indices quant à son désaccord sur cette question centrale. En juin 2010, en entrevue avec le Globe and Mail, il avait dénoncé cette même "obsession" du pouvoir dont parlaient les députés démissionnaires.
Ce faisant, l'ex-premier ministre disait tout haut ce que bien des gens pensent tout bas.
En attendant...
C'est que depuis le référendum de 1995, les Québécois ont pris l'habitude d'entendre les chefs péquistes parler du "pays" tout en refusant de lever le petit doigt pour le préparer concrètement.
À l'instar de l'"affirmation nationale" de Pierre Marc Johnson, les "conditions gagnantes" de Lucien Bouchard, l'"assurance morale de gagner" de Bernard Landry et la "gouvernance souverainiste" sont toutes des formules servant à reporter à plus tard la promotion active de l'option souverainiste.
Quant au jeune député démissionnaire Jean-Martin Aussant, son constat est sans pardon. Mme Marois, dit-il, devrait partir parce qu'elle ne fera jamais partie de la courte "liste des libérateurs de peuples".
De fait, le vrai problème réside dans la profonde contradiction dans laquelle le PQ et ses chefs s'enferment de plus en plus en jurant dur comme fer que pour réaliser l'indépendance, il faut commencer par prendre le pouvoir...
Or, depuis 1996, les chefs ont nettement préféré "être au pouvoir". Point. Résultat: de moins en moins de Québécois, même parmi les 40% qui en souhaitent l'avènement, pensent que l'indépendance se fera un jour.
Mais rien n'y fait. Mme Marois martèle ce même mantra du "il faut prendre le pouvoir pour faire la souveraineté". De toute évidence, elle ne voit pas le scepticisme que cela soulève dans la population et ses propres rangs.
Certes, les démissions de cette semaine sont le révélateur d'une crise de leadership au PQ. Mais aussi d'une confiance vacillante en sa volonté de prendre le pouvoir pour autre chose que de gouverner pour gouverner.
Du moment où le PQ, dès qu'il hume le parfum du pouvoir, se met lui-même à traiter son option comme un "boulet", comment peut-il blâmer les autres de le penser aussi?
N'est-ce pas là, en fait, ce que les démissionnaires sont venus dire dans l'espoir que leur démission servira de thérapie de choc à leur parti?
Or, pour que la thérapie fonctionne, il faudrait que le patient commence par reconnaître qu'il a un problème. Ce qui semble loin d'être fait.
À preuve, ces mots de Mme Marois tirés de son autobiographie: "chaque fois que nous demandons au peuple québécois de faire le dernier pas pour que nous soyons enfin responsables de tout, il prend peur et recule".
Et si ce n'était pas le "peuple" qui prend peur, mais plutôt ceux qui ne veulent plus vraiment se préparer à lui poser la question?
Deux voix (et deux voies) fort différentes...
Le fond des choses
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