Des islamistes radicaux ont manifesté le 12 octobre au Pakistan sous le slogan «Il faut pendre Asia Bibi». La peine de cette chrétienne accusée de blasphème il y a neuf ans est actuellement en cours de ré-examen par les juges de la Cour suprême.
Menaces contre les juges, manifestations, les islamistes radicaux pakistanais membres du parti Tehreek-e-Labaik Pakistan (TLP), se déchaînent pour demander l'exécution d'une femme chrétienne, condamnée pour blasphème en 2010. Comme le rapporte notamment l'AFP, plusieurs milliers de manifestants ont ainsi défilé dans les rues du pays, à Lahore, à Karachi et à Rawalpindi, appelant à l'exécution d'Asia Bibi, accusée d'avoir insulté l'islam. Si son appel échouait et que la peine de mort était appliquée, elle deviendrait la première personne exécutée pour blasphème au Pakistan.
Ces manifestations ont eu lieu alors que la Cour suprême du Pakistan a statué sur le dernier recours en appel d'Asia Bibi, cette ouvrière chrétienne, accusée de blasphème contre le prophète Mahomet en 2009 par des femmes musulmanes avec lesquelles elle travaillait. Elle clame son innocence et a déposé un ultime recours qui a été examiné le 8 octobre par la plus haute instance judiciaire du pays, après plusieurs années de procédure. La Cour, qui a rendu son verdict, a déclaré que celui-ci n'avait pas encore été rendu public pour «des raisons qui seraient révélées plus tard».
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Un partisan de Tehreek-e-Labaik Pakistan (TLP), un parti politique religieux radical, tient une pancarte lors d'une manifestation à Rawalpindi le 12 octobre 2018, exigeant la mise à mort d'Asia Bibi, femme chrétienne condamnée pour blasphème,
Paysanne et mère de cinq enfants, Asia Bibi avait eu une dispute avec une musulmane au sujet d'un verre d'eau. L’incident aurait commencé quand elle est allée chercher une tasse d’eau dans un puits pendant une chaude journée de cueillette de fruits. Selon son récit transcrit dans son autobiographie intitulée Blasphème, quand une femme musulmane l'a vue s'approcher de l'eau, elle aurait crié: «Ne bois pas cette eau, c'est haram [interdit] !» Elle s'est ensuite tournée vers les autres femmes présentes dans le champ, leur disant qu'Asia Bibi avait souillé l'eau du puits en en buvant. Plusieurs femmes l'ont ensuite qualifiée de «chrétienne immonde» et lui ont dit de se convertir à l'islam. «Je ne vais pas me convertir», aurait répondu Asia Bibi, avant d'ajouter : «Je crois en ma religion et en Jésus-Christ, qui est mort sur la croix pour les péchés de l'humanité. Qu'a fait votre prophète Mahomet pour sauver l'humanité ? Et pourquoi est-ce que ce devrait être à moi de me convertir et pas à vous ?» A ce moment-là, une femme lui aurait craché dessus et une autre l'aurait poussée. Quelques jours plus tard, Asia Bibi a été accusée de blasphème.
Le 4 janvier 2011, le gouverneur du Pendjab, Salman Taseer, qui avait publiquement défendu Asia Bibi, avait été assassiné par son garde du corps. Ce dernier a été condamné à mort et exécuté mais est devenu un héros pour les extrémistes. Son tombeau s'est même transformé en un lieu de pèlerinage. Le 2 mars de la même année, le ministre fédéral des Minorités religieuses, Shahbaz Bhatti, de confession catholique, qui l'avait lui aussi publiquement soutenue, et avait appelé à un amendement de la loi sur le blasphème, a lui aussi été assassiné, par des hommes se réclamant d'une mouvance islamiste.
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Les partisans de Tehreek-e-Labaik Pakistan (TLP), un parti politique religieux extrémiste, manifestent à Lahore le 12 octobre 2018 pour demander la mise à mort d'Asia Bibi, une mère de famille chrétienne, condamnée pour insulte à l'islam.
Le cas d'Asia Bibi a suscité de nombreuses mobilisations internationales en faveur de sa libération. Les défenseurs des droits de l'homme voient en cette femme un emblème des dérives de la loi réprimant le blasphème au Pakistan, souvent instrumentalisée, selon ses détracteurs, pour régler des conflits personnels.
Le cas d'Asia Bibi a même attiré l'attention des papes Benoît XVI et François. Ce dernier avait rencontré Esham, l'une des filles d'Asia Bibi en 2015. «Il nous a bénis, et a dit : "Dites à votre mère que je prie pour elle"», a-t-elle rapporté.
Bien que la loi pakistanaise prenne très au sérieux l'accusation de blasphème et que des personnes aient déjà été condamnées à mort, personne n'a encore jamais été exécuté pour cette raison.