Des Etats-Généraux de Wallonie

Chronique de José Fontaine

L'ancien Délégué de la Wallonie au Québec, Jules Gheude, organise à Liège le 9 mai prochain des Etats Généraux de Wallonie qui devront débattre de trois options possibles: 1) La Wallonie indépendante, 2) une Fédération Wallonie-Bruxelles, 3) la réunion de la Wallonie à la France. Une motion commune sera votée à la fin des débats.
Une réunion bien préparée
Il faut dire que cette réunion a été préparée par le travail de commissions, chargées chacune de plancher sur les trois options . Ces rapports sont documentés. Ils ont été enrichis de longues discussions avec des économistes, des sociologues, des professeurs d'université, des experts (dont, cependant, la plupart ne seront pas présents à Liège).
Objections sur l'ordre du jour de celle-ci
Il y a des objections à faire sur l'ordre du jour de la réunion. Personnellement, j'appartiens à un groupe d'autonomistes wallons dont aucun n'a participé au travail. Dans la mesure où ils estiment qu'il n'est pas réaliste de penser que la Belgique va imploser à l'automne. Dans la mesure où les institutions régionales possèdent une autonomie très étendue, avec des compétences exclusives pouvant s'exercer sans veto ni réserves sur la scène internationale. En ce cas, l'option de la réunion à la France, par exemple, pose problème. Certes, un haut fonctionnaire français viendra à Liège proposer une intégration progressive de la Wallonie en France, avec même, au départ, la promesse d'augmenter les compétences de la Wallonie. Mais d'après ce que j'ai lu dans la presse, la Wallonie perdrait cependant la capacité d'exercer ses compétences sur le plan international alors que c'est juridiquement l'une des singularités et l'une des forces de son autonomie (les ministres wallons siègent au Conseil des ministres européens, certes, tour à tour avec les ministres flamands ou bruxellois, en se mettant d'accord avec eux et en apparaissant officiellement comme représentants du Royaume de Belgique, mais c'est une procédure confédérale).
J'aurais bien volontiers assisté à cette réunion, mais une raison familiale m'empêche de m'y rendre. J'estime aussi qu'il vaut la peine d'y aller, que l'événement devra être discuté, qu'il faudrait aussi qu'au lendemain de la réunion on continue à se parler entre ceux qui auront été présents au débat et ceux qui n'auront pas voulu y aller.
Il faut dire que s'y exprimeront des partisans de la Wallonie indépendante ou d'une Fédération Wallonie-Bruxelles également indépendante.
Le Livre blanc que le Mouvement du Manifeste wallon (MMW) va faire paraître
Dans le groupe auquel j'appartiens, le Mouvement du Manifeste wallon, présidé par l'écrivain Jean Louvet, constitué d'intellectuels, de syndicalistes, de politiques, de hauts fonctionnaires, il y a le partage d'une conviction commune : l'existence du peuple wallon et le fait qu'il doive garder en toute hypothèse la maîtrise de son destin avec les compétences actuelles et celles qui s'y joindront par la suite qui peuvent s'étendre au-delà des 50% de compétences déjà gérées souverainement par les entités fédérées. A la dernière réunion, lundi passé, un échange à bâtons rompus a eu lieu où je me suis permis de rappeler les idées de C.Traisnel que j'évoquais le 25 avril dernier dans VIGILE. Il m'a toujours semblé que le mouvement wallon, depuis qu'il a en quelque sorte pris en charge le mouvement ouvrier en 1960-1961 (ou été pris en charge par lui), est un mouvement d'émancipation. Comme le dit encore Traisnel dans sa thèse sur la Wallonie et le Québec, l'erreur des sciences politiques, c'est d'aborder les mouvements nationalistes à partir de l'idée de nation qu'ils véhiculent. Et de ne pas les traiter comme un mouvement social. L'un des syndicalistes présents a abondé dans mon sens, expliquant la façon dont il avait compris personnellement et expérimenté la façon dont les différents syndicats québécois s'impliquent, très normalement à ses yeux, dans la lutte d'émancipation québécoise. Ce qui ne correspond pas à la définition courante - exclusivement idéologique - que l'on donne au mot nationalisme.
Je ne dirais pas que l'option en faveur de la réunion de la Wallonie à la France ne serait pas émancipatrice. Mais il me paraît qu'elle néglige tout ce qui se travaille dans notre société, la collaboration sans illusions, mais aussi sans a priori, que les grandes forces organisées de Wallonie pratiquent: syndicats d'employés et d'ouvriers, agriculteurs, PME, patronat. L'un des aspects essentiels du Livre blanc que nous avons rédigé et qui paraîtra dans les prochains jours, c'est de repenser les institutions actuelles en Wallonie qui séparent malencontreusement les compétences en matière culturelle, d'enseignement et même parfois sociales! (exercées par un gouvernement distinct regroupant les Bruxellois francophones et les Wallons), et les matières économiques. Cette séparation est vraiment malencontreuse. Les Bruxellois s'en plaignent de plus en plus. Il y a trois Régions en Belgique, la Flandre, la Wallonie et Bruxelles. Il faut s'en tenir à ces trois Régions et supprimer au maximum les Communautés (*) qui les concernent parce qu'elles viennent compliquer le système fédéral belge qui a vocation d'amplifier ses traits de confédéralisme déjà largement présents et qui vont encore se développer.
Une partie des organisateurs des Etats Généraux de Liège nient qu'il y ait une identité wallonne. La notion de culture wallonne est très mal étudiée dans les commissions qui ont préparé les EG. Elle y est abondamment mise en cause par des pétitions de principe et du fait de la la finalité même de la réunion dont, je crois, plusieurs organisateurs souhaitent qu'elle se prononce en faveur de la réunion à la France. Par conséquent, il ne se peut pas qu'il y ait une culture wallonne ou une identité wallonne. Mais n'est-ce pas un peu gênant pour ceux qui vivent en Wallonie, de leur dire qu'ils n'existent pas, pas vraiment en tout cas? Que leur véritable nationalité est ailleurs? Si le nationalisme, c'est un mouvement social, qu'est-ce que les Wallons f... en Wallonie, hors de France (durant toute la période avant 1795-1815, nous n'avons jamais fait partie de la France) et après (après 1815, les wallons n'ont jamais été non plus français, et même ils ont construit une Belgique où ils se sont développés différemment, prémices de la wallonie autonome actuelle)? Il y a des réunionistes ultras qui répondent que nous vivons comme la Princesse endormie qu'un baiser du Prince charmant (l'Etat français), viendra réveiller, un jour, peut-être!
Enfin, les régionalistes bruxellois ne sont pas invités comme tels à ces Etats-Généraux.
La Wallonie existe, cela va de soi
Les auteurs du Livre blanc sur la Wallonie ne tentent pas d'y prouver que la Wallonie existe. Ils se situent dans le mouvement actuel, institutionnel, syndical, politique, culturel, économique et syndical. On pourrait les comparer à des ouvriers construisant une maison dont certaines pièces sont déjà occupées, mais dont il faut parfaire l'ensemble. Pour eux, la question de l'identité de ce qu'ils font (donc de ce qu'ils sont) - identité de la Wallonie et identité de sa culture, de la maison qui se construit -, n'a même pas à se poser d'une certaine façon. Ils travaillent. Ils avancent. Ils ont des projets et des préoccupations pour l'avenir, notamment celle-ci pour leurs prochains travaux. l
L'emprise des partis sur le Parlement wallon empêche cette Assemblée d'être vraiment le Parlement de la Wallonie, le Gouvernement de la Wallonie étant dans un cas similaire. Si les même partis politiques francophones sont dans la campagne électorale, quasi identiquement, que ce soit pour les élections au Parlement wallon ou au Parlement belge (avec un mélange absurde des candidatures, certaines ajoutant encore à cela le Parlement européen!!!), cela ne va pas.
Le Bloc québécois et le Parti québécois ont l'un et l'autre le même objectif. Mais selon qu'ils siègent au fédéral ou au Québec, ils ne font pas la même chose, ce n'est pas la même organisation. Chez nous, les partis sont au four et au moulin. Et on y ajoute en plus un deuxième four, très différent de l'autre: l'Europe (UE). C'est cet exemple québécois qui a été donné par d'autres participants à la fin de la réunion de lundi passé du Livre blanc. Pour déplorer que les mêmes partis en Wallonie courent deux lièvres à la fois (trois en réalité avec l'Europe), de telle façon qu'on ne peut jamais dire dans quelle institution vont se situer ceux qui sollicitent nos suffrages. Soit au Parlement wallon. Soit au Parlement belge. Soit à Namur. Soit à Bruxelles. Soit au Parlement européen (qui siège soit à Bruxelles soit à Strasbourg, pour ne rien simplifier).
Si, dans ces conditions, on nous dit, en plus, que ce serait peut-être mieux d'être représentés essentiellement à Paris...
José Fontaine
(*) Sauf la Communauté germanophone, inclue dans la Région wallonne, mais qui y jouit de son autonomie culturelle.

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José Fontaine355 articles

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Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur et Mirwart) et directeur de la revue TOUDI (fondée en 1986), revue annuelle de 1987 à 1995 (huit numéros parus), puis mensuelle de 1997 à 2004, aujourd'hui trimestrielle (en tout 71 numéros parus). A paru aussi de 1992 à 1996 le mensuel République que j'ai également dirigé et qui a finalement fusionné avec TOUDI en 1997.

Esprit et insoumission ne font qu'un, et dès lors, j'essaye de dire avec Marie dans le "Magnificat", qui veut dire " impatience de la liberté": Mon âme magnifie le Seigneur, car il dépose les Puissants de leur trône. J'essaye...





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5 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    3 mai 2009

    Je ne vois vraiment pas ce que votre référence au nationalisme et à la bataille de la lys(1940) viennent faire dans notre discussion sur votre façon d'être indépendantiste sans souhaiter l'indépendance de votre pays !
    Cela fait la seconde fois que vous me discréditez ici par vos rappels péjoratifs à ma germanité (puisque issu d'une mère allemande, d'un père wallon mais lui même fils d'un Flamand émigré)!
    Vos arguments en deviennent vraiment "surprenants" et je demande à la modération que cette réponse soit publiée ou alors que votre dernier message soit radié.
    Merci,
    Herman

  • José Fontaine Répondre

    3 mai 2009

    On peut être nationaliste, mais on ne doit pas oublier la fraternité.

  • Archives de Vigile Répondre

    2 mai 2009

    Mes excuses pour avoir posté une nouvelle fois anonymement, par habitude sans doute de la plupart des forums et où vous devez impérativement entrer nom et adresse courriel pour valider votre message.
    Juste encore une remarque à M Fontaine si la modération le permet : Toujours le même ton compliqué pour expliquer, justifier tout et son contraire et lorsque vous écrivez "tant en Flandre qu’en Wallonie" vous rêvez éveillé là car aux Flamands il n'y a plus rien à leur expliquer et eux sont clairement pour l'indépendance de la Flandre point.
    Bon Dimanche,
    Herman

  • José Fontaine Répondre

    2 mai 2009

    Lisez Charles-Etienne Lagasse Les nouvelles institutions politiques de la Belgique et de l'Europe, Erasme, Namur, 2003. Lorsque des compétences sont dévolues aux entités fédérées, elles «sont attribuées en bloc : dès lors qu’une matière est confiée à une entité fédérée, l’échelon fédéral n’a plus à en connaître», ce qui veut dire que lorsque la Belgique voit se détacher une compétence qu'elle exerçait, elle se la voit retrancher aussi radicalement que lorsque naît un nouvel être humain par séparation d'avec sa mère. Or 50% de ces compétences se sont détachées ainsi de l'Etat belge pour être exercées par la Wallonie ou la Communauté Wallonie-Bruxelles.
    Dès lors, je préfère ne pas utiliser les grands mots puisque nous sommes bien, dans ce processus, semi-indépendants. La moitié du chemin reste à faire. Il me semble qu'il faut convaincre nos compatriotes wallons que la première moitié a déjà été parcourue. D'où mon souci de travailler sur la représentation qu'on a des choses par la diffusion de ce savoir sur nos réalités. Et d'autant plus que le reste du chemin à parcourir est déjà envisagé comme tel tant en Flandre qu'en Wallonie voire à Bruxelles. D'où aussi l'importance d'un combat culturel et surtout social (qu'allons nous faire de cette souveraineté?).
    Ceux qui croiraient que c'est par crainte que je m'exprime comme cela se trompent. S'ils ne me croient pas, qu'ils lisent ce que je disais récemment à la radio. Il me semble qu'il faut tenir un langage rationnel, prudent avec les grands mots par humilité et surtout rationalité et bon sens. Je ne tiens pas à la Belgique, je crois qu'elle sera remplacée par la Wallonie, la Flandre et Bruxelles, voilà. Mais par contre le rattachisme est une démarche qui nous nie et je préfère m'en distinguer parce que je lui suis fort hostile. Je suis profondément persuadé avec quelqu'un comme le sénateur Humblet, que beaucoup de Wallons disent Belgique en pensant en fait Wallonie. Le processus d'indépendance progressive que j'approuve leur permettra de se nommer un jour en toute clarté. Cela ne sert à rien de les heurter ni surtout de les tromper sur ce que l'on veut. J'ai constaté souvent que lorsque l'on est radicalement wallon, on croit que vous voulez vous réunir à la France c'est-à-dire supprimer la Wallonie. Donc je fais attention. Parce que les rattachistes font du bruit: la France est une valeur sûre et cela attire une attention - superficielle - des médias. Je ne fais pas attention pour cacher mon jeu, mais pour qu'on puisse le voir clairement.

  • Archives de Vigile Répondre

    2 mai 2009

    Cher Monsieur Fontaine,
    Vous êtes toujours en train d'excuser et de vous excuser de devoir accuser la mauvaise politique des autres ce que vous faites à merveilles " sans en avoir l'air d'y toucher " par vos pirouettes intellectuelles dont vous seul avez le secret.
    Par exemple et ce pour mieux éclairer nos amis Québecois sur " l'indépendantiste " que vous êtes, n'avez-vous pas encore dernièrement déclaré sur votre forum de Toudi n'être ni en faveur de l'indépendance de la Wallonie ... ni en faveur d'une fédération Wallonie-Bruxelles ... ce qui ne laisse que l'option de continuer l'aventure belge puisque chacun sait que vous êtes aussi un farouche opposant au rattachement de la Wallonie à la France !
    Cela me fait mal de devoir vous le dire mais une certaine chanson de Jacques Dutronc me rappelle votre personnage !