Par cette lettre je souhaite me retirer officiellement du jury du Prix annuel 2008 de la Fondation Alex et Ruth Dworkin pour la promotion de la tolérance à travers le cinéma, décerné par les Rendez-vous du cinéma québécois.
Ce prix est accompagné d’une bourse de 5000$ « remise au producteur pour le travail de l’équipe ayant démontré l’intention de transmettre, à travers l’oeuvre gagnante, un message de compréhension et de tolérance. »
J’ai accepté de bonne foi l’invitation des Rendez-vous du cinéma québécois de me joindre au jury cette année. Mais après avoir examiné de plus près les origines financières et politiques du prix, je dois refuser d’y associer mon nom. Derrière ce qui semble une noble cause se cache une histoire d’intolérance, de division et de discrimination.
Premièrement, je quitte ce jury parce que le Prix annuel de la Fondation Alex et Ruth Dworkin est une initiative du Congrès juif canadien, région du Québec, une organisation que je considère être un véhicule de la propagande israélienne et fondamentalement intolérante de la différence et de la dissidence, particulièrement quand il est question des politiques du gouvernement israélien. En témoigne le refus du comité national du Congrès juif canadien (CJC) d’accepter en son sein l’Alliance des Canadien/nes juif/ves concerné/es (Alliance of Concerned Jewish Canadians – ACJC).
Les membres de l’ACJC ont formé « une alliance pan-canadienne de groupes juifs contre l’occupation […] dont le point de vue n’est pas représenté par le gouvernement israélien ni par les positions rangées de la majorité des organisations juives au Canada. »
Dans une lettre ouverte aux communautés juives du Canada endossée par plus de 100 membres et partisans, l’ACJC déclare : « Israël continue de mener une stratégie essentiellement militaire tout en prétendant parler au nom des Juifs à travers le monde. […] Les Canadiens, et particulièrement les Juifs canadiens qui cherchent une résolution pacifique au conflit en apparence sans fin entre Israël et la Palestine, ne doivent plus rester silencieux devant les actions d’Israël dans les territoires occupés. »
Deuxièmement, je me retire de ce jury parce que j’ai découvert qu’Alex et Ruth Dworkin sont au nombre des « grands donateurs » du Fonds national juif (FNJ). Sur le site du FNJ, leurs noms apparaissent avec d’autres ayant comme eux « démontré un engagement soutenu envers Israël et le FNJ » en donnant un million de dollars ou plus à cette organisation sioniste.
On a beaucoup écrit sur le rôle du FNJ, mais je me contenterai ici de rappeler que cette organisation, sous couvert de reforestation et d’achat de terres, a été utilisée par le gouvernement israélien pour masquer et légitimer le déplacement massif du peuple palestinien et l’occupation de leurs terres, dont certaines ont servi à l’érection du Canada Park, près de Jérusalem. Dans un documentaire largement diffusé à la télévision canadienne, Park with no Peace, on révélait que ce parc, financé par le FNJ grâce à des fonds déductibles d’impôts amassés au Canada, a été construit sur les ruines des villages palestiniens de Imwas, Yalu et Beit Nuba.
L’émission The Fifth Estate, diffusée à CBC, révélait que 10 000 Palestiniens ont été arrachés de leurs terres par l’armée israélienne, terres qui deviendraient éventuellement le Canada Park. Un ex-député du parlement israélien déclarait en entrevue que « les Canadiens ont été utilisés pour camoufler un crime de guerre. »
Je ne peux pas être associé à des gens qui financent de telles formes d’intolérance et d’oppression alors même que les troupes israéliennes assiègent Gaza, causant d’intolérables pénuries d’électricité, d’essence, de nourriture et d’autres nécessités de base – une situation contre laquelle j’ai manifesté avec des centaines d’autres Montréalais samedi dernier.
Je crois que les Rendez-vous du cinéma québécois doivent se désaffilier de la Fondation Alex et Ruth Dworkin et du Congrès juif canadien. Ce prix et cet argent entachent le festival.
Mon désir de me retirer de ce jury n’est pas une prise de position sur les films qui sont en nomination pour le Prix pour la promotion de la tolérance de cette année. Je suis convaincu que les films sélectionnés reflètent ce que le cinéma québécois a de mieux à offrir et que leurs réalisateurs et producteurs étaient animés d’un réel sentiment de justice et de tolérance. Mais j’ose espérer qu’ils prendront en considération les arguments que je défends dans cette lettre et sauront écouter leur conscience.
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Malcolm Guy->http://www.pmm.qc.ca/francais/spip.php?article19]
Cinéaste / Producteur
Montréal, le mardi 12 février 2008
Derrière le prix de la tolérance, l’intolérance
Lettre ouverte de Malcolm Guy aux Rendez-vous du cinéma québécois
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