Dans son autobiographie publiée en 1998, Jean Charest raconte l'expérience «inoubliable» qu'il a vécue au Sommet de la Terre, à Rio, alors qu'il était ministre de l'Environnement dans le gouvernement Mulroney.
Il est vrai qu'à le lire, l'événement a parfois pris des allures de carnaval. Son récit de la conférence de presse finale, où Shirley Maclaine et les Beach Boys avaient volé la vedette, est particulièrement coloré.
À l'époque, M. Charest s'était surtout réjoui de constater l'harmonie entre le gouvernement fédéral et les provinces, qui avaient toutes adopté sans rechigner les dispositions de ce premier traité sur les changements climatiques, même si celui-ci touchait directement à des domaines qui relevaient de leurs compétences.
«L'entente signée reflétait véritablement un consensus auquel les provinces avaient directement contribué. Je retiens cette expérience parce qu'elle est significative pour l'avenir du fédéralisme», peut-on lire sous la plume de M. Charest.
«Le gouvernement canadien ne se conduisait pas de façon paternaliste en disant: "Voilà, j'ai signé une entente parce que c'est moi qui suis responsable de la signature des ententes internationales, et voilà ce qu'on a décidé."»
Si Thomas Mulcair avait trouvé méprisante l'attitude de Stéphane Dion l'an dernier, comment doit-on qualifier celle de Rona Ambrose, qui a levé le nez sur le plan de lutte contre les changements climatiques du gouvernement Charest, que tout le monde avait applaudi au Québec?
Le ministre de l'Environnement, Claude Béchard, se rendra la semaine prochaine à la conférence de Nairobi, au Kenya, pour exprimer devant la communauté internationale le profond désaccord du Québec avec la position du gouvernement fédéral, qui exige maintenant une révision en profondeur du protocole de Kyoto.
Selon les critères énoncés par M. Charest à l'époque, cette nouvelle expérience, 14 ans après celle de Rio, devrait être tout aussi «significative pour l'avenir du fédéralisme».
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Curieusement, son gouvernement ne semble pas vouloir prendre tous les moyens à sa disposition pour manifester la dissidence du Québec. Jeudi à l'Assemblée nationale, les libéraux ont refusé de mettre aux voix la motion de la ministre des Relations internationales, Monique Gagnon-Tremblay, sans laquelle l'adhésion du Québec au protocole de Kyoto n'a aucun caractère officiel.
Mme Gagnon-Tremblay a elle-même expliqué que sa motion sera adoptée «d'ici la fin de la session». Pourquoi pas le jour de l'ajournement des travaux parlementaires pour les Fêtes? Avec un peu de chance, Stephen Harper n'en saura rien!
«De toute manière, ce n'est pas une discussion à l'Assemblée nationale qui changera quoi que ce soit», a ajouté la ministre, dont les réflexions sont parfois surprenantes. Pourquoi perdre tout ce temps? Ajournons dès maintenant!
Au sommet de Rio, M. Charest parlait au nom du Canada. Bien emmailloté dans la délégation canadienne, M. Béchard risque d'avoir du mal à se faire entendre à Nairobi. Mme Ambrose, qui sera accueillie là-bas comme une pestiférée, n'aura peut-être pas très envie de lui donner l'occasion d'ajouter sa voix au choeur de ses détracteurs. M. Béchard pourrait bien vivre à son tour une expérience «inoubliable». Au retour, il pourra échanger ses impressions avec le premier ministre.
Remarquez, le PQ est bien mal placé pour faire des reproches au gouvernement Charest. En refusant sous des prétextes fallacieux de se joindre à la coalition réunie par M. Béchard pour forcer la main d'Ottawa, il a démontré qu'il préférait empêcher les libéraux de marquer des points que de renforcer le rapport de force du Québec.
De toute évidence, l'environnement sera un thème dominant de la prochaine campagne électorale au Québec. Il n'est surtout pas question de permettre au gouvernement Charest de se présenter comme le champion du développement durable. Il est vrai qu'après le Suroît et le mont Orford, cela prend un certain culot.
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Le litige sur le protocole de Kyoto n'est évidemment pas la première querelle entre Québec et Ottawa sur une question environnementale. Dans son autobiographie, Jean Charest rappelle le bras de fer au sujet de l'évaluation du projet Grande-Baleine. Il en avait d'ailleurs tiré une conclusion très intéressante: «Il ne faut jamais sous-estimer la capacité des gouvernements de se tromper [...]. Il ne faut jamais présumer qu'ils savent ce qu'ils font.»
Le débat sur l'évaluation de Grande-Baleine était cependant d'une autre nature. Pour la population, il s'agissait d'une énième chicane de compétences, comme il y en avait dans tous les domaines. Cette fois-ci, il s'agit plus que jamais d'un véritable conflit de valeurs.
Pendant longtemps, l'opinion publique a surtout réagi aux accidents environnementaux, par exemple les déversements de pétrole, ou au saccage de sites naturels exceptionnels. La conscience d'une responsabilité planétaire est plus récente. Aujourd'hui, il apparaît clairement que le gouvernement Harper fait preuve d'une irresponsabilité dangereuse pour l'avenir de tous.
Il serait malhonnête de présenter sa position sur le protocole de Kyoto comme une tare congénitale du fédéralisme. La protection de l'environnement fait partie des valeurs que Québécois et Canadiens partagent largement. Il n'en demeure pas moins que les conservateurs ont remporté seulement dix sièges sur 75 au Québec.
D'un point de vue fédéraliste, on pourrait plaider que la présence du Québec dans la fédération canadienne ne peut que renforcer, au profit de tous, le camp favorable à l'application du protocole de Kyoto. Un Québec souverain aurait peut-être la satisfaction d'atteindre ses propres objectifs en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais en quoi la planète s'en porterait-elle mieux si c'était pour permettre au Canada d'augmenter les siennes?
À ce compte-là, on pourrait aussi dire que l'annexion du Canada par les États-Unis permettrait de renforcer le camp anti-Bush. Encore faut-il faire le poids, et celui du Québec pèse de moins en moins lourd au sein de la fédération. Claude Béchard aura tout le loisir de vérifier cela à Nairobi.
mdavid@ledevoir.com
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