Bien davantage que le recul du Parti québécois et de la souveraineté, la montée de l'ADQ aux élections québécoises de 2007 a été accueillie comme un événement historique par les stratèges conservateurs fédéraux. Leur rêve d'un Canada où la droite aurait ses entrées assurées au pouvoir passe par l'aménagement d'une fondation conservatrice bétonnée au Québec. À leurs yeux, le score électoral adéquiste constituait une preuve éclatante de ce que les éléments de cette fondation étaient à portée de la main.
Cette conviction explique l'empressement presque indécent que le premier ministre Stephen Harper avait mis à prendre ses distances de Jean Charest pour s'afficher avec Mario Dumont dans la foulée du scrutin de 2007. Après tout, M. Charest était toujours premier ministre et toujours fédéraliste. Pour autant, ce n'est pas sa base électorale que convoitaient désormais les conservateurs, mais bien celle de son adversaire adéquiste.
Cette même conviction a joué dans l'ascension accélérée de Maxime Bernier au sein du cabinet. À l'évidence, le premier ministre était prêt à aller très loin pour le placer dans un poste ministériel de premier plan. Les partis d'opposition le soupçonnent même d'avoir passé outre à des avertissements de ses services de sécurité au sujet de Julie Couillard pour maintenir M. Bernier aux affaires étrangères, une supposition qu'ils tenteront de vérifier auprès de la GRC dans le cadre d'une enquête parlementaire cette semaine.
Chose certaine, Stephen Harper avait brûlé plusieurs feux rouges pour élever Maxime Bernier à un des postes les plus visibles de son cabinet l'été dernier. À l'interne, le jugement du ministre était loin de faire l'unanimité. Dans les circonstances, la nécessité d'avoir un titulaire québécois aux Affaires étrangères au moment où un détachement de Valcartier était déployé en Afghanistan n'explique pas tout. D'ailleurs, les déplacements internationaux inhérents à sa fonction aidant, on a finalement peu vu le ministre Bernier sur les tribunes médiatiques québécoises au cours de cette période.
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À la raison d'État, il faut encore ajouter la raison conservatrice. Sans la percée adéquiste de 2007, Stephen Harper n'aurait peut-être pas fait le pari d'une promotion aussi risquée. Mais avant d'être la vedette montante québécoise en titre du cabinet, le député de Beauce était déjà l'adéquiste le plus en vue au sein de son gouvernement.
Du jour où Mario Dumont s'est retrouvé dans l'antichambre du pouvoir à Québec, Maxime Bernier a commencé à valoir son pesant d'or pour le Parti conservateur. À défaut d'être le chouchou québécois du premier ministre, il est devenu la coqueluche des stratèges conservateurs et un élément important de leur plan de match.
Si des élections avaient eu lieu ce printemps, M. Bernier aurait été le personnage central de la campagne conservatrice au Québec. Au moment de sa démission, il était le député québécois le plus sollicité pour les activités de financement du parti. Plus conservateur et s'exprimant mieux que la moyenne de ses collègues ministériels québécois, M. Bernier était vu dans les cercles de droite du reste du Canada, dont sont issus les stratèges de Stephen Harper, comme un prototype du conservateur québécois idéal, un modèle dont la progression de l'ADQ permettait de croire qu'il pourrait être reproduit en série.
En attendant, Maxime Bernier était la charnière entre la clientèle adéquiste et le Parti conservateur fédéral. Dans un article publié cette semaine dans le magazine Macleans, mon collègue Paul Wells raconte que des conservateurs québécois rêvaient même de voir Mario Dumont les rejoindre comme ministre fédéral... pendant que Maxime Bernier lui succéderait à la tête de l'ADQ, le raisonnement étant qu'ils étaient tous les deux plafonnés dans leurs fonctions respectives.
Après avoir vu Jean Charest quitter la direction du Parti progressiste-conservateur pour devenir chef libéral à Québec et Lucien Bouchard faire le saut de chef bloquiste à premier ministre péquiste, la pratique de réorganiser le paysage politique canado-québécois selon les fantaisies du moment est apparemment inscrite dans les moeurs d'Ottawa! Plus sérieusement, la recherche tous azimuts d'un lien de filiation avec l'ADQ tient au désir conservateur de cesser de faire figure d'orphelin fédéral dans le paysage québécois.
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S'il y a une constante dans la vision politique de Stephen Harper, c'est sa volonté de substituer sa formation au PLC comme parti naturel de gouvernement. Mais la dernière tentative du genre a échoué quand les tensions générées par les efforts de Brian Mulroney pour cimenter l'adhésion du Québec ont fait éclater sa coalition.
Stephen Harper -- qui a entrepris de rebâtir la coalition Alberta-Québec de son prédécesseur -- tente de le faire sur des bases différentes, en pariant que la droite québécoise va trouver sa voix plutôt qu'en forçant l'oreille de sa base canadienne en adoptant des refrains plus centristes.
Jusqu'à présent, son gouvernement a préféré faire des concessions au nationalisme québécois plutôt qu'à l'aile progressiste du mouvement conservateur et le premier ministre -- au dire même de ses organisateurs -- se contenterait d'une victoire électorale plus courte pour la remporter sans dénaturer son credo.
Dans ce plan de match, la perte de Maxime Bernier constitue un coup plus dur pour le Parti conservateur que pour le gouvernement Harper, et la remontée de Jean Charest au détriment de l'ADQ n'est pas une bonne nouvelle. D'ailleurs, s'ils conviennent que l'ancien ministre des Affaires étrangères ne sera pas sortable de sitôt, les stratèges conservateurs espèrent encore que l'ADQ redeviendra la pierre sur laquelle le parti fédéral pourra bâtir son église québécoise.
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Chantal Hébert est columnist politique au Toronto Star.
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