Le déploiement du privé dans le secteur de la santé se fait à de tels petits pas que la progression nous échappe. Mais progression il y a, au point où certains y vont de prédictions qui, il y a encore peu, auraient paru hallucinantes : dans cinq ou dix ans, la majorité des médecins de famille auront déserté le secteur public au profit du privé, lisait-on samedi dans Le Devoir.
Il importe moins que cette projection, faite tant par des tenants du privé que du régime public, soit réaliste ou pas que de constater un mouvement en cours depuis des années et qui, comme le signalait dans le même article la Dre Yun Jen, présidente de l’Association médicale du Québec, amène des changements fondamentaux « sans qu’il y ait de débat public ».
Dans les faits, une banalisation de l’effritement du secteur public est à l’oeuvre. Entre les principes et les économies à réaliser, les gouvernements ne choisissent même plus : l’argument économique est le seul qui tienne, qu’on justifiera de mille manières.
À l’origine de notre système de santé public, pourtant, les très publics CLSC devaient servir de porte d’entrée. Mais l’instance n’a jamais rallié les médecins. Ils ont préféré développer leurs propres cliniques associées au système public, ce que l’on appelle les cliniques privées subventionnées.
Cette brèche dans la philosophie de départ a fini par mener à une brèche concrète : la gamme des services offerts en clinique s’est étendue, avec les coûts qui l’accompagnent, plusieurs de ceux-ci étant non remboursés par Québec et dès lors facturés aux patients. Ces frais dits accessoires avaient beau être illégaux, le patient payait quand même. Comment faire autrement : on va voir un médecin pour être soigné, pas pour entrer en guerre. Et qui rappelait aux patients leurs droits ? Certainement pas les gouvernements !
L’habitude prise de sortir son portefeuille vient de se retourner pour de bon contre les citoyens. Le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, a décidé en juin que les frais ne seraient plus interdits, mais encadrés. Québec n’a pas d’argent pour les prendre en charge et cet encadrement évitera les abus, a expliqué le ministre. Qui ne dit toutefois pas que c’est là un retournement majeur en matière de politiques de santé publique.
De même, des lobbys interviennent de plus en plus auprès du gouvernement pour une plus grande intégration des cliniques privées subventionnées au système de santé. Par ailleurs, les médecins qui se désaffilient du régime public sont encore marginaux, certes, mais se multiplient, lassés des contraintes du public… ou de la réputation qu’on lui fait. Ce désamour s’infiltre tellement dans les esprits que même des étudiants en médecine en sont atteints. Quelle dérive ! Se réveillera-t-on trop tard ?
LE PRIVÉ EN SANTÉ
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