De Blair, à Bush, à Harper...

Kyoto


Il y a peu de choses qui sont totalement fortuites en politique. Aussi, ce ne peut pas être un hasard si le gouvernement britannique de Tony Blair, a publié, à quelques jours des élections de mi-mandat aux États-unis, un document impitoyable sur les changements climatiques, le Stern Review.
Le premier ministre Blair est en fin de mandat, tout comme George W. Bush. Et comme son homologue américain, il arrive au moment où un politicien pense surtout à ce que les livres d'histoire diront de lui.
Comme Bush, Tony Blair a beaucoup à se faire pardonner. Les Britanniques ne lui ont jamais pardonné l'appui inconditionnel donné à l'administration Bush à propos de la guerre en Irak. Encore cette semaine, M. Blair a échappé au désaveu des Communes, en défaisant par 25 voix seulement (sur près de 600) une motion visant à créer une commission d'enquête sur la participation britannique à la guerre en Irak.
Mais s'il est un dossier sur lequel M. Blair a de quoi être fier, c'est bien l'environnement. Selon la Fondation David Suzuki, le Royaume-Uni est l'un des rares pays a avoir déjà dépassé ses cibles de réduction des gaz à effet de serre prévues dans l'accord de Kyoto et a déjà fait baisser ses émissions de gaz de 12,5 pour cent. Ce qui est, soit dit en passant, deux fois mieux que le Canada.
Le rapport de Sir Nicholas Stern se situe dans la stratégie de M. Blair d'amener le sommet du G-8, qui aura lieu l'an prochain en Allemagne, d'adopter des cibles encore plus contraignantes sur les gaz à effet de serre pour l'après 2012, quand expirera l'actuel accord de Kyoto. Le premier ministre britannique peut déjà compter sur un appui solide des autres pays de la Communauté européenne.
M. Blair a été un allié fidèle - peut-être même trop fidèle - des Etats-Unis sur l'Irak. Il a beaucoup donné, alors, avant de partir, il voudrait recevoir quelque chose.
Personne ne se fera d'illusions sur sa capacité d'infléchir l'administration Bush, qui ne croit même pas aux fondements scientifiques du réchauffement planétaire. Mais il pourrait, tout au moins, obtenir la chance de se faire entendre par les démocrates, qui devraient avoir le contrôle d'une des deux chambres du Congrès.
Ça ne ferait pas bouger l'administration Bush, mais ça replacerait l'enjeu du réchauffement planétaire dans le débat politique américain, alors qu'il en est aujourd'hui totalement absent. Absent chez les politiciens, mais pas dans l'opinion publique, où l'environnement demeure une des grandes préoccupations de l'électorat.
C'est pourquoi le rapport Stern insiste beaucoup sur les conséquences économiques désastreuses du réchauffement planétaire. Puisque si on ne peut faire appel aux bons sentiments des politiciens américains sur l'environnement, on peut au moins penser qu'on pourrait leur faire peur.
Après tout, ce n'est pas un scénario d'apocalypse venant d'un environnementaliste barbu et qui porte des bas dans ses sandales. C'est le rapport du très sérieux ancien économiste en chef de la Banque mondiale, préparé à la demande du nom moins sérieux Tony Blair, allié impeccable des Etats-Unis.
À défaut de convaincre Bush, on peut aussi penser obtenir des promesses des démocrates au cas où ils pendraient le pouvoir en 2008. On peut aussi penser que les enjeux environnementaux feront partie du marchandage continuel de la politique américaine : à défaut de convaincre l'administration d'approuver Kyoto, cela pourrait faire en sorte qu'elle ne nuise pas trop d'ici la fin de son mandat.
Ce qui nous mène à Stephen Harper.
Jusqu'ici, même s'il ne le dit pas, la principale justification de sa prise de position contre Kyoto reste que les Etats-Unis, nos amis, voisins, concurrents et principal client, n'ont pas ratifié l'accord. Dans ces circonstances, il est bien illusoire, croit-il, d'être plus vert que vert dans la moitié nord du continent, si la moitié sud ne suit pas.
C'est dans ce contexte que le gouvernement Harper s'apprête à aller à la conférence de Nairobi, la semaine prochaine, pour demander une révision complète non seulement des cibles de Kyoto, mais aussi de «l'architecture des engagements».
Le problème c'est que, de plus en plus, le Canada mène un combat d'arrière garde sur ces questions, Il y a peu d'autres pays qui voudront suivre le Canada sur ce terrain et le gouvernement Harper pourrait se retrouver bien isolé dans des forum internationaux, que ce soit à Nairobi, la semaine prochaine, ou à la prochaine rencontre du G-8.
Le président Bush, en fin de mandat et qui sera sans doute affaibli politiquement par les élections de mardi prochain, ne pourra plus être le grand soutien du Canada dans ces forums internationaux.
Si le Canada veut continuer dans cette voie, il se rendra vite compte qu'il sera bien seul. Même à la table du G-8, à la condition, évidemment, que ce soit encore M. Harper qui y occupe le siège du Canada, en juin prochain.


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