Le Sénat italien a remis au 20 août une solution à la crise politique déclenchée par le chef de la Ligue (extrême droite), Matteo Salvini, lui infligeant un camouflet en rejetant mardi tout projet de motion de censure contre le gouvernement de Giuseppe Conte. Le ministre de l’Intérieur, qui a fait exploser la majorité formée avec le Mouvement 5 étoiles (M5S) le 8 août, avait réclamé le vote dès cette semaine d’une résolution de défiance contre l’exécutif, en place depuis seulement 14 mois.
Une majorité des sénateurs, convoqués en urgence en plein été, s’est prononcée contre la motion de M. Salvini qui, pour l’occasion, avait renoué avec ses vieux alliés de la droite traditionnelle, Forza Italia (FI) et Frères d’Italie (FDI). En parallèle, ils ont demandé, dans une autre motion, à M. Conte de venir s’exprimer au parlement le 20 août pour tenter de dénouer la crise. Les spécialistes ont immédiatement interprété le scrutin au Sénat, qui a vu le M5S voter aux côtés du Parti démocrate (PD), comme ouvrant la voie à une majorité autre que celle qui a gouverné le pays jusqu’à présent.
L’ancien premier ministre déchu Matteo Renzi (2014-2016), toujours poids lourd du PD, a fait un retour au premier plan, en proposant au M5S d’unir leurs forces derrière un « gouvernement institutionnel » et « anti-impôts », qui taillerait drastiquement dans le nombre de parlementaires (345 de moins sur un total de 950) et adopterait le budget 2020. Des élections anticipées dès l’automne, comme l’exige M. Salvini depuis sa rupture avec le M5S, « seraient une catastrophe », car elles rendraient impossible l’adoption de mesures budgétaires pour éviter la hausse de la TVA, a argué M. Renzi lors d’une conférence de presse au Sénat, juste avant le vote. Selon lui, dans ce cas, la TVA, très pénalisante pour les consommateurs, pourrait « monter à 25 % », et « il est certain que l’Italie tombera en récession ». « Nous avons la possibilité de tourner la page », a commenté M. Renzi, en tendant la main aux 5 étoiles, tout en reconnaissant que « cela lui en coûte sur le plan humain », car il a subi son lot « d’insultes et accusations » de leur part. Le « capitaine Fracasse Salvini a raté son rendez-vous et a créé une crise inattendue même pour les siens », a attaqué M. Renzi, affirmant que sa « réputation d’homme invincible s’effondre de façon spectaculaire dans les sondages ».
Dès l’ouverture de la séance au Sénat, M. Salvini a tenté le tout pour le tout, alors qu’il était désormais clair que, même en s’unissant à FI et à FDI, il n’avait pas de majorité. Dans un revirement inattendu, il a proposé à ses anciens « amis » du M5S de voter ensemble la réduction du nombre de parlementaires avant de retourner immédiatement aux urnes. « J’ai entendu l’appel de Luigi Di Maio (chef du M5S) pour supprimer 345 postes. Affaire conclue, nous sommes d’accord. Votons la semaine prochaine à la Chambre des députés », a lancé M. Salvini, en proposant d’aller, « juste après, aux élections ».
Jeudi, le ministre de l’Intérieur avait pourtant brutalement rompu son mariage avec le M5S, l’accusant de faire obstruction à tous ses projets, sur les baisses d’impôts ou les grands chantiers d’infrastructures. La balle est désormais dans le camp de M. Di Maio, qui a entretenu le flou sur ses intentions. « Supprimer 345 parlementaires, faisons-le tout de suite. Il suffit de quelques heures, pas besoin de convoquer le Parlement », a-t-il écrit sur Facebook. Mais le chef du M5S a lancé au passage une pique à M. Salvini : « Pour moi, l’amitié est une chose sérieuse […]. Et surtout, les vrais amis sont loyaux. »
D’ici au 20 août, le jeu reste donc très ouvert. L’ébauche, mardi, d’une alliance PD-M5S pourrait déboucher sur un nouveau gouvernement, soit de courte durée avec des techniciens pour adopter le budget et préparer de nouvelles élections, soit avec un exécutif remanié, formé de ministres M5S, appuyé par le PD et d’autres formations. En l’absence d’une majorité solide, des élections redeviendraient inéluctables.