Les producteurs laitiers québécois et ontariens n’ont pas eu d’autre choix que de jeter du lait à la fosse cette semaine en raison d’un effondrement sans précédent du marché des produits laitiers lié à la crise de la COVID-19. Et la semaine à venir s’annonce plus difficile encore.
Après une hausse sans précédent de la demande pour le lait de consommation dans les deux premières semaines de la crise du coronavirus, la situation est maintenant tout autre. C’est 35 % du marché des produits laitiers qui s’effondre au Québec, résultat de la baisse dramatique de la demande dans les hôtels, les restaurants et les établissements privés et publics, comme les écoles et les garderies, ce que l’on appelle dans le milieu agroalimentaire le secteur HRI [hôtels, restaurants et institutions]
.
C’est donc à contrecœur que l'organisation des Producteurs de lait du Québec a annoncé cette semaine dans un mémo envoyé à ses membres devoir se résoudre à jeter 1 % du lait produit à la ferme, soit quelque 650 000 litres.
Malheureusement, compte tenu de l’impossibilité de trouver un acheteur pour tout le lait, des volumes de lait devront être disposés faute de marché et de capacité de transformation. Les Producteurs de lait du Québec ont déterminé les circuits de ramassage visés par cette mesure exceptionnelle en fonction de l’optimisation des coûts de transport
, a écrit la fédération.
Dons de lait importants
Le directeur des communications des Producteurs de lait du Québec, François Dumontier, ajoute que pour gérer les surplus, des dons de lait importants ont été faits aux banques alimentaires de la province au cours des deux dernières semaines. Ainsi, 3 millions de litres de lait ont été transformés en lait de consommation et en fromage, puis distribués aux banques alimentaires.
Les producteurs de lait, les transporteurs et les transformateurs ont assumé conjointement les pertes. Mais il y a une limite aux pertes que la filière peut assumer, ajoute François Dumontier, et une limite également à la capacité des banques alimentaires à recevoir et stocker les produits laitiers.
La fédération demande donc à ses producteurs de réduire autant que possible leur production. Frédéric Marcoux, un producteur de Sainte-Marguerite, affirme toutefois que cela est plus facile à dire qu’à faire.
On peut tarir quelques vaches, mais je ne peux pas empêcher la vache de donner son lait. Elle est nourrie, puis si on veut que ça reprenne, je peux pas tarir mes vaches
, explique-t-il.
La nervosité commence d’ailleurs à se faire sentir chez les producteurs laitiers. Car le prix du lait acheté à la ferme est lui aussi en chute libre depuis trois semaines, étant soumis en partie aux aléas du marché mondial.
Je m’attends qu’il baisse d’un minimum de 2 ou 3 $ l’hectolitre à la ferme, juste en conséquence de la diminution des prix du lait à la bourse.
La filière laitière n’est pas au bout de ses peines. Personne ne sait combien de temps durera la crise de la COVID-19. Et du lait risque fort de se retrouver à nouveau à la fosse la semaine prochaine. Dans les coulisses, on prévoit devoir jeter de 1 % à 3 % du lait produit dans les fermes du Québec.
Le secteur de la transformation lui aussi touché
La situation devient difficile également dans le secteur de la transformation. La coopérative Agropur vient d’annoncer l’abolition d’une soixantaine de postes et l’arrêt de travail temporaire pour quelque 200 employés. Les membres du conseil d’administration et du conseil de direction consentent également à une baisse temporaire de leur salaire de 10 %.
Agropur dit prendre ces mesures en raison notamment de la chute majeure de ses volumes de vente dans les services alimentaires et industriels et de la baisse importante des prix des produits laitiers de commodité aux États-Unis.
La situation n’est guère plus rose d’ailleurs chez nos voisins du sud. Au Wisconsin, baptisé pays laitier de l’Amérique
, des coopératives offrent maintenant des programmes pour inciter leurs membres à quitter la production laitière. Des usines de transformation ferment ou fonctionnent au ralenti. Et les surplus de lait forcent les producteurs d’État à jeter une partie de leur production.