L’ancien grand patron de la firme de génie-conseil SNC-Lavalin vient de plaider coupable d’abus de confiance dans une méga-fraude qualifiée de pire cas de corruption de l’histoire du Canada, mais il évite l’incarcération en écopant de 20 mois de prison à domicile.
«Oui», a dit Pierre Duhaime quand il s’est fait demander s’il plaidait bien coupable d’abus de confiance, ce vendredi au palais de justice de Montréal.
Duhaime, 65 ans, était le dernier accusé dans le scandale de corruption du Centre universitaire de santé McGill (CUSM). Il était accusé d’avoir participé au versement d’un pot-de-vin de 22,5 M$ à des responsables du CUSM afin de s’assurer que la firme de génie-conseil obtienne le contrat de 1,4 G$ pour la construction du mégahôpital.
«Pierre Duhaime avait l’obligation de faire respecter le code d’éthique de SNC-Lavalin, a expliqué la procureure de la Couronne Nathalie Kleber. En faisant preuve d’ignorance volontaire, il n’a pas agi comme garde-fou comme il le devait.»
Selon le résumé des faits lu à la cour, Duhaime a aidé par aveuglement volontaire Yanaï Elbaz, alors directeur-général adjoint du CUSM, à participer à des jeux d’influence illégaux afin de contourner l’intégrité du processus d’appel d’offres.
«Bien que des paiements corruptifs aient été faits, il n’a pas autorisé leur versement, il n’a pas bénéficié des paiements corruptifs, a souligné son avocat Michel Massicotte. Il n’a bénéficié d’aucune somme d’argent. Il n’a pas été l’instigateur de la situation, il n’a pas agi par appât du gain, mais pour aider l’entreprise pour laquelle il travaillait.»
Lors des audiences de la commission Charbonneau, le scandale avait été décrit comme le pire cas de corruption de l’histoire du Canada.
Prison à la maison
Le plaidoyer de culpabilité de Duhaime, plus de six ans après sa mise en accusation, survient alors que son procès devait commencer lundi. Il était prévu pour durer au moins 60 jours.
Les parties ont suggéré avec succès à la juge Dominique Joly une peine de 20 mois de prison à domicile, de 240 heures de travaux communautaires, ainsi qu’un don de 200 000 $ sans possibilité de déduction fiscale. Il lui sera également interdit d’être administrateur d’une société, sauf son entreprise familiale.
«La peine ne serait pas contre l’intérêt public», a assuré l’avocat de la défense.
Lors des six premiers mois de la sentence, Duhaime serait assigné à résidence en tout temps, sauf exception, dont des rendez-vous médicaux. Il devra ensuite respecter un couvre-feu pendant sept mois, qui sera toutefois levé à Noël et au jour de l’An.
Depuis son arrestation en 2012, Duhaime a été ostracisé par le monde des affaires, si bien qu’il n’a pas réussi à se trouver un nouvel emploi en lien avec ses compétences.
«Le plaidoyer de culpabilité créera une nouvelle embuche pour se retrouver un emploi, a ajouté l’avocat de la défense. Il fait toujours face à une poursuite civile de 40 M$ instiguée par SNC-Lavalin. Son avenir financier demeure incertain, il n’y a aucun risque de récidive.»
Dans les dernières années, trois autres personnes ont plaidé coupable dans cette affaire.
Pamela Porter, l’épouse de l’ancien grand patron du CUSM, a été condamnée à 33 mois d’incarcération. Riadh Ben Aïssa, ancien haut dirigeant de SNC-Lavalin, a pour sa part écopé de 51 mois d’incarcération.
En décembre dernier, Elbaz avait plaidé coupable de corruption, d’abus de confiance, de complot et de recyclage de produits de la criminalité. Il avait subi une peine de 39 mois d’incarcération, mais il n’a pas eu à rembourser un sou pour son crime.
Le grand patron du CUSM, le Dr Arthur Porter, était lui aussi accusé, mais il est décédé au Panama alors qu’il était emprisonné en attendant son extradition au Canada.