Malgré un message général de bonne entente entre les premiers ministres ayant participé au Conseil de la fédération, cette semaine à Saskatoon, le malaise restait palpable, jeudi après-midi, lors de la conférence de presse de clôture, au sujet du refus du Québec de laisser se concrétiser le transport de pétrole par oléoduc vers l'Est.
D’un côté, le premier ministre de l’Alberta, Jason Kenney, a martelé, comme la veille, que les oléoducs interprovinciaux relèvent de la responsabilité réglementaire fédérale, estimant qu'il en allait du respect de la Constitution canadienne.
C’est une question constitutionnelle, pas une question politique, pas une question de préférence envers les provinces par rapport au fédéral, c’est une question claire du sens de la Constitution. La loi constitutionnelle a été confirmée de façon unanime par la Cour d'appel en Colombie-Britannique, et je m'attends à ce que la Cour suprême confirme à nouveau qu'il s'agit d'un pouvoir du fédéral
, a ajouté M. Kenney.
En mai dernier, la Cour d'appel de la Colombie-Britannique a confirmé que la province ne pourra pas légiférer pour réglementer le transport du pétrole sur son territoire et bloquer ainsi le projet d'élargissement de l'oléoduc Trans Mountain. Le gouvernement néo-démocrate de la Colombie-Britannique portera la cause en Cour suprême.
À la suite de la déclaration de M. Kenney, le premier ministre du Québec, François Legault, a souligné qu'aucun politicien ne choisirait d’aller à l’encontre de la volonté des électeurs qu’il représente.
D’abord, au Québec, nous on croit que l’environnement et les évaluations environnementales relèvent des provinces. [...] Mais au-delà de la Constitution et de la légalité de certains gestes, il reste quand même qu’il y a de la politique. En bout de ligne, ce sont les citoyens qui s’expriment, que ce soit lors d’élections fédérales ou provinciales
, a affirmé le premier ministre Legault.
Une position partagée par plusieurs au Québec. Le chef intérimaire du Parti québécois, Pascal Bérubé, croit qu'il s'agit d'un chantage qui ne marchera pas
.
Ce serait bien qu'on ait des débats sur qui va avoir le meilleur plan pour répondre à l'urgence climatique qui est la nôtre, plutôt que de s'enfarger ou s'enliser dans d'éternels débats constitutionnels.
Questionné au sujet des paiements de péréquation que reçoit le Québec, M. Legault a affirmé qu’il n’en était pas fier
et que son engagement politique à la tête de la Coalition avenir Québec visait, entre autres, à enrichir suffisamment la province pour que, à terme, elle n’en ait plus besoin.
En fin de conférence de presse, M. Kenney a évoqué les sentiments de frustration et d'aliénation
ressentis par l'Alberta vis-à-vis du gouvernement fédéral et du reste de la fédération. L'Alberta est un puissant moteur de la prospérité et, très souvent, on nous montre du doigt et on nous bloque en nous empêchant de développer les ressources qui permettent de payer les factures partout au Canada
, a-t-il lancé.
Higgs veut convaincre Legault
Pour sa part, le premier ministre du Nouveau-Brunswick, Blaine Higgs, a affirmé vouloir convaincre le Québec d'accepter un nouveau projet de pipeline. Prenons le temps d'expliquer que d'accepter un pipeline ne revient pas à accepter des combustibles fossiles pendant 40 ou 50 ans, a-t-il dit. C'est d'offrir le meilleur moyen de transport qui existe aujourd'hui, le plus sécuritaire et le plus fiable […] Et puis, l'industrie peut financer l'innovation.
Invité à commenter cette escarmouche à saveur constitutionnelle, lors de l'émission 24/60, Jean-Yves Duclos, ministre canadien de la Famille, des Enfants et du Développement social, a évité de prendre parti. En 2019, l'évaluation des grands projets, y compris les pipelines, doit être soumise à des évaluations économiques, sociales et environnementales rigoureuses
, a-t-il répondu.
Il a ensuite ajouté que si un projet comme Énergie Est revient sur la table, il serait totalement inacceptable d'avoir l'attitude de M. Scheer et de dire que le projet, avant même qu'il ne soit proposé, va aller de l'avant
.
Par ailleurs, François Legault a confirmé que le prochain Conseil de la fédération aura lieu au Château Frontenac, à Québec, du 22 au 24 juillet 2020.