« Comportements racistes » : un cégep montréalais exige la destruction de tracts faits par des étudiants

L’administration a été piquée au vif alors que ces dépliants qu’elle estime « diffamatoires » ont été distribués en pleine journée de portes ouvertes

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Des fanatiques victimaires cherchent à nous imposer des interdits alimentaires antiscientifiques

PHOTO OLIVIER FAUCHER


Julie Briand, membre de l’exécutif de la Société générale des étudiantes et étudiants du Collège de Maisonneuve (SOGÉÉCOM), tenant la mise en demeure envoyée par l’administration et une copie des tracts distribués la journée des portes ouvertes.




Des étudiants d’un cégep de Montréal se disent muselés après avoir reçu une mise en demeure et des menaces de sanction de l’administration, qu’ils ont entre autres accusée «d’ignorer les comportements racistes» de membres du personnel.


«C’est comme un patron qui interdirait à son syndicat de le critiquer. C’est absurde», dénonce Julie Briand, adjointe aux affaires externes de la Société générale des étudiantes et étudiants du Collège de Maisonneuve (SOGÉÉCOM).


Le 31 janvier dernier, elle et six autres étudiants, dont cinq sont sur l’exécutif de la SOGÉÉCOM, ont décidé de distribuer des tracts aux gens qui visitaient leur cégep durant la journée portes ouvertes.


Sur ces tracts, intitulés Le vrai visage de l’administration, l’association étudiante étale ses griefs contre la direction du cégep, comme le «maintien d’un climat toxique» qui pousserait des employés à démissionner et «des comportements racistes» de membres du personnel et d’enseignants qui seraient «ignorés».



«Ça fait plusieurs mois qu’il y a ces enjeux qu’on essaie de travailler avec l’administration, mais ils refusent de faire ça. On se disait qu’il fallait mettre de la pression [...]», explique Mme Briand, en ajoutant que le dépliant visait à «informer» les visiteurs du cégep des «risques» dans l’établissement.


Mise en demeure et convocations


Piquée au vif par cette initiative, la direction du cégep a envoyé le 6 février une mise en demeure à la SOGÉÉCOM dont Le Journal a obtenu copie. Elle demande à l’association étudiante de s’excuser et de détruire tous les tracts qu’elle a en sa possession ou qu’elle a déposés dans le cégep dans un délai de 48 heures.


«Ces messages visent à pervertir les actions du Collège qui vise à soutenir la réussite de tous les étudiant(e)s et à créer un milieu d’études et de vie toujours plus stimulant», peut-on lire dans cette lettre qui qualifie les tracts de «diffamatoires».


La mise en demeure envoyée par le cégep le 6 février.


La mise en demeure envoyée par le cégep le 6 février.


Le cégep ne précise pas si les étudiants s’exposent à une poursuite si ses demandes ne sont pas satisfaites. Quoi qu’il en soit, l’exécutif de la SOGÉÉCOM a refusé d’obtempérer.


Mais l’histoire ne s’arrête pas là, puisque sept étudiants qui ont distribué ces tracts sont convoqués cette semaine par les services de sécurité du Collège.


Les trois premiers convoqués hier ont été informés qu’ils avaient contrevenu à une politique qui leur interdirait de diffuser des tracts dans le cégep. Leur dossier doit être évalué par la direction pour déterminer s’ils seront sanctionnés, selon Mme Briand.


«D’un point de vue syndical, cette politique voudrait dire qu’ils peuvent nous interdire de diffuser n’importe quoi qui les dérange, qui les critique», déplore Mme Briand, qui y voit une tactique d’intimidation «antisyndicale».


Elle ajoute que la SOGÉÉCOM distribue régulièrement des tracts à saveur politique contre l’administration et que ce règlement ne leur avait «jamais» été imposé auparavant.


Moment mal choisi, selon le cégep


En réponse aux questions du Journal, le cégep a défendu les mesures prises contre ces étudiants et a confirmé avoir «rencontré ces personnes» pour leur rappeler le règlement qui interdit une distribution «sans autorisation».


«Les soirées portes ouvertes font partie des événements du Collège auxquels collaborent des centaines de membres du personnel et d’étudiants, a déclaré Emilie Laramée, conseillère en communication. Par respect pour ces personnes, cette soirée n’était ni le moment ni le lieu pour distribuer des tracts ou des messages qui auraient dû être adressés à l’attention de la direction.»


«En tout temps, les membres du personnel et les étudiants peuvent porter plainte par le biais des différents canaux de communication mis en place pour assurer le bien-être et la sécurité des personnes fréquentant les campus du Collège ou participant à ses activités», a ajouté Mme Laramée.


«T’es ici, mange comme nous»


Questionnée spécifiquement sur les allégations de racisme, la représentante de la SOGÉÉCOM soutient avoir accompagné des étudiantes de confession musulmane à porter plainte au cégep en décembre dernier. Celles-ci auraient reçu des commentaires offensants de la part du personnel de la cafétéria.


«Il y a des étudiantes qui demandaient de changer de gants pour le repas halal [pour ne pas qu’il soit contaminé par du bacon] et elles se sont fait dire essentiellement : “t’es ici, mange comme nous et si j’étais dans ton pays, je mangerais comme toi”», raconte Mme Briand, qui soutient que cela est arrivé «à plusieurs reprises».


Le Collège de Maisonneuve affirme pour sa part avoir proposé deux dates de rencontre aux étudiantes concernées, dont une hier, auxquelles elles «ne se sont pas présentées».


«Nous les avons relancées hier pour trouver une troisième date de rencontre. Cette rencontre initiale nous permettra de contextualiser et de documenter la plainte pour ensuite faire les suivis appropriés auprès de notre fournisseur alimentaire», a fait savoir Mme Laramée.


«Il est entendu que toutes les personnes qui fréquentent les campus du Collège sont tenues de respecter nos politiques et règlements», a ajouté la porte-parole du Collège.


La SOGÉÉCOM qui n’avait jamais eu de suivi depuis le dépôt de la plainte, a appris du représentant du Journal que ces rencontres avaient été proposées et déplore être «exclue» du processus, même si sa présence avait été «explicitement demandée» par les étudiantes.