Deux mois après les élections parlementaires, les négociations ont abouti et un gouvernement a été formé. Le gouvernement de coalition entre les conservateurs de l’ÖVP et les nationaux-libéraux du FPÖ pourrait avoir de grandes conséquences sur la politique en Europe.
Il aura fallu deux mois de négociations pour que se forme le gouvernement autrichien. Comme il est d’usage, le parti arrivé en tête s’entend avec le deuxième et/ou le troisième parti pour former un gouvernement de coalition. Et pour la première fois depuis début 2007, le FPÖ est de nouveau membre de la coalition. Le jeune Sebastian Kurz, 31 ans – et plus jeune chef de gouvernement de la planète en exercice -, a choisi de rompre l’habituelle alliance avec les socio-démocrates du SPÖ. Heinz-Christian Strache, le patron du FPÖ, est vice-chancelier. Et le FPÖ récupère notamment les ministères de l’Intérieur, de la Défense et des Affaires étrangères.
Après son 18 brumaire printanier au sein du parti conservateur ÖVP, Kurz a clairement durci le ton sur l’immigration et l’Islam politique. Représentatif d’une génération, stratégie sincère ou coup nécessaire pour gagner face à la montée en puissance du FPÖ, champion sur ces thématiques ? La question peut se poser, naturellement. Mais les faits sont là : Sebastian Kurz a permis à l’ÖVP de revenir dans la course et de gagner la chancellerie. Le voilà maintenant à la tête d’un gouvernement anti-immigration, voulant réduire les aides sociales aux étrangers, protéger les frontières et favoriser les entreprises, principalement autrichiennes.
Suite et conséquences de la crise des migrants de 2015
L’été 2015 aura été pour l’Europe une période charnière. Ca aura été le réveil de l’Europe centrale et du groupe de Visegrád (V4), portant une vision opposée à la “société ouverte”. Mais aussi le début d’une nouvelle ère politique en Autriche, dont ces élections ne sont qu’une conséquence directe et le véritable acte fondateur. La calamiteuse gestion de la crise migratoire par le gouvernement du chancelier Faymann aura conduit à sa démission en mai 2016 et à la quasi-victoire du FPÖ aux élections présidentielles la même année – reportées deux fois à cause de graves irrégularités. Le chancelier SPÖ Kern qui suivit tenta de ramener un peu de contrôle sur l’immigration. Mais c’est le jeune ministre des Affaires étrangères, Sebastian Kurz, qui réussi à en tirer le plus grand bénéfice. Il durcit le ton face à la Turquie – qui a une importante communauté organisée en Autriche – et fit quelques sorties bien mesurées contre l’Islam politique. Il a ensuite, dans le sillon de Viktor Orbán et du V4, pesé de tout son poids pour fermer la Route des Balkans, et s’en ai attribué tout le mérite durant la campagne législative.
Entre temps, le FPÖ n’a eu de cesse de se renforcer, jusqu’à arriver en tête dans les sondages pour les élections parlementaires à un certain moment. Le coup de maître de Sebastian Kurz lui permit toutefois de ne pas se faire damer le pion. Nous voilà donc, après deux ans de crise du fait de la grande vague migratoire de l’été 2015, avec une donne politique totalement différente.
Et la balance se mit à pencher…
Malgré les pressions morales quasi-unanimes de la presse contre l’acceptation du FPÖ, les thématiques et les cadres du FPÖ sont aujourd’hui au gouvernement. Cette même presse avait, il faut s’en souvenir, soutenu la politique d’ouverture des frontières devant les masses de clandestins – parmi lesquels de nombreux terroristes.
Lorsque les faits violents surviennent, la propagande idéologique de temps de paix s’effondre. Kurz appartient à une génération qui n’a pas connu la guerre froide, et encore moins les guerres précédentes. Il n’a pas connu non plus l’opulence paisible et naïve des Trente Glorieuses. Il connaît en revanche les attentes et les craintes de sa génération, tout en ayant bénéficié, au contact des vieux barbons du parti conservateur, d’une compréhension de l’opinion publique conservatrice, toutes générations confondues. Il n’est pas dupe devant le politiquement correct et son ambition lui a permis de rapidement grimper en apportant les changements nécessaires au parti conservateur pour rester en lice.
Victoire technique des conservateurs, donc. Mais au fond, le FPÖ a un pied sur la première marche du podium : ses thématiques se sont imposées, le plafond de verre “extrême-droite” a volé en éclats, et son actuelle génération de cadres participe à gouverner le pays.
Voilà pour l’échelon national. Mais sur le plan européen, cela va encore plus loin. Alors que le V4 commence à être incontournable à Bruxelles, où la violence à son égard n’est qu’un grotesque aveu d’impuissance d’une petite caste au sommet de l’UE, avide de société ouverte et de néolibéralisme, l’Autriche vient chambouler la donne. En rejoignant de facto le bloc rebelle du groupe de Visegrád sur la principale question politique du moment, à savoir l’immigration de masse, l’Autriche et son gouvernement Kurz I, pourrait bien être le poids qui fera pencher la balance du côté du conservatisme centre-européen, au détriment des libéraux-libertaires occidentalistes.