Combines électorales

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Le double discours de Mulcair exposé






Comme s’il n’existait pas suffisamment de raisons de se méfier de Stephen Harper, le chef conservateur enfonce encore une fois le bouchon. Non seulement faut-il une invitation aux événements de campagne du PCC, ceux-ci désormais se dérouleront sous la loi du bâillon. Interdiction formelle de divulguer sur les réseaux sociaux où ailleurs le contenu des rencontres, incluant les photos d’événements. Vous devez également vous soumettre à une fouille avant d’entrer. Après tout, même les paranos ont de véritables ennemis. Le parti conservateur dément aujourd’hui que ces mesures seront mises en vigueur, mais, vérification faite, la clause antidiffusion semble toujours en vigueur pour le rallye conservateur qui doit avoir lieu mercredi à Edmonton.


 

Cowboy solitaire de la politique canadienne, Stephen Harper ne fait rien comme les autres. Ça crève les yeux cet été alors que la rivalité de ses adversaires libéraux et néodémocrates lui permettrait, disent les sondeurs, de se faufiler entre les deux (ou les trois, si on ajoute le Bloc ou le Parti vert). Si tous ceux qui se disent conservateurs votent pour lui, et que ceux qui veulent du changement s’éparpillent un peu partout ailleurs, la réélection de Stephen Harper semble assurée le 19 octobre prochain. Faut dire que la base électorale conservatrice est la plus fidèle, la moins sujette à flirter avec d’autres partis politiques. Plus que jamais, M. Harper se concentre donc sur les seuls électeurs qui l’intéressent, les conservateurs de sa trempe. Du jamais vu dans la politique canadienne. Ces électeurs-là ne voient pas d’inconvénient à restreindre certains droits fondamentaux au nom de la sécurité, pas plus qu’à se retrouver dans des événements sur invitation seulement.


 

Comparez maintenant cette approche avec celle que pratique le chef néodémocrate, Thomas Mulcair, dont la popularité inespérée des derniers mois lui a plaqué un sourire permanent au visage. Alors que Stephen Harper n’a d’yeux que pour ceux qui boivent de son eau, M. Mulcair, lui, a les yeux tout le tour de la tête. Déjà, l’idée du double prénom — l’un en anglais (Tom), l’autre en français (Thomas) — indique un certain penchant à vouloir plaire à la galerie. (Plus tirée à quatre épingles pour les francophones au balcon, plus relax pour les anglophones au parterre). Ensuite, l’homme s’est mis à faire la fine bouche devant les questions des journalistes et la participation aux débats. Celui qui a le mieux dénoncé les combines et cachotteries des conservateurs ces dernières années s’est mis à furieusement calculer à son tour. Dans le but, toujours, de ne déplaire à personne et de conserver ses acquis.


 

Rien n’illustre mieux ce nouveau souci de plaire de la part de M. Mulcair que l’incident Linda McQuaig, la candidate néodémocrate qui s’est fait rabrouer, cette semaine, après s’être exprimée sur les sables bitumineux. Précisons, d’abord, que Mme McQuaig est une sommité canadienne. Intellectuelle de gauche bien connue, auteure de nombreux ouvrages sur la fiscalité, le pétrole, la mondialisation et le rôle du gouvernement, elle est précisément le genre de candidate dont rêve le NPD. Ou rêvait ? L’ex-journaliste et commentatrice, qui essaie pour la deuxième fois de se faire élire dans Toronto-Centre, n’a pas la langue dans sa poche, c’est sûr. Le National Post l’a déjà décrite comme la « Michael Moore canadienne ». Mais ses arguments sont solides et sa recherche, irréprochable.


 

Qu’a donc dit Linda McQuaig pour mériter une correction du chef ? Simplement que « beaucoup des sables bitumineux devront probablement rester dans le sol ». Tous les scientifiques inquiets des changements climatiques le disent : on ne peut prétendre sauver la planète sans renoncer à déterrer et à exploiter 80 % des combustibles fossiles existants. Ah ! Mais ce n’est pas dans la plateforme néodémocrate, s’est empressé de corriger Tom Mulcair, de peur d’offusquer les Albertains qui craignent pour leurs emplois. Le spectacle n’est pas sans rappeler le veto de René Lévesque après qu’un congrès péquiste eut voté en faveur de l’avortement en 1977. Là aussi, un parti de gauche s’était hissé, contre toute attente, au pouvoir, et essayait fort de rassurer le commun des zouaves.


 

Le spectacle n’en demeure pas moins désolant pour autant. Bien sûr, le pari est difficile pour le NPD, comme pour le PQ avant lui. Mais l’homme qui se targue d’avoir « le courage de ses convictions » — c’est le titre de l’autobiographie de Thomas Mulcair lancée cette semaine — devrait plutôt remercier sa candidate vedette de le forcer à ne pas renier ses principes au moment où ça compte le plus.







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