Choix de la langue d'enseignement : une nouvelle bataille à la Cour suprême

Loi 104 - Les écoles passerelles - réplique à la Cour suprême



Olivier, Fannie - Ottawa - Le débat sur la langue d'enseignement au Québec a ressurgi en force à la Cour suprême du Canada, hier, quand l'avocat de familles allophones a accusé le gouvernement du Québec de mettre en péril la survie des commissions scolaires anglaises de la province.
Au cours des audiences tenues par plus haut tribunal du pays, l'avocat Brent Tyler s'est attaqué à la constitutionnalité d'une loi québécoise visant à colmater une brèche de la loi 101.
Selon celui qui représente 26 familles, cette loi -adoptée alors que le péquiste Bernard Landry était premier ministre- brimerait les droits des minorités linguistiques anglophones au Québec.
Elle mettrait même en péril la viabilité du réseau scolaire anglophone dans la province en le privant d'élèves potentiels. À son avis, Québec a réduit "à zéro" la possibilité pour les écoles anglaises de "se regarnir" grâce à l'apport de l'immigration.
L'affaire, opposant le gouvernement du Québec à des familles allophones, soulève d'importantes questions à l'égard des droits des minorités linguistiques de part et d'autre du pays.
Menace pour le français
Adoptée en 2002 par l'Assemblée nationale, la loi 104 visait à empêcher un stratagème qui permettait aux élèves allophones de fréquenter l'école anglaise publique s'ils avaient fréquenté, ne serait-ce qu'une année, l'école anglaise privée non subventionnée.
Cette loi, qui a hérissé bon nombre de parents allophones, a été déclarée inconstitutionnelle par la Cour d'appel du Québec. Le jugement a néanmoins été suspendu jusqu'à ce que le plus haut tribunal du pays tranche la question, pour éviter que les enfants soient "ballottés d'un régime scolaire à un autre" au gré des décisions des tribunaux.
Dans leur plaidoyer, les avocats du ministère québécois de l'Éducation ont fait valoir que la force d'attraction de l'anglais sur les nouveaux arrivants constituait une situation particulière au Québec. Selon eux, le caractère menacé de la langue française au pays devait être pris en compte.
Ils ont d'ailleurs rappelé que, dans les années 70, avant l'adoption de la loi 101, plus des trois quarts des immigrants choisissaient l'anglais comme langue d'instruction.
L'avocat des familles, Me Tyler, a affirmé qu'il fallait également respecter les droits des communautés linguistiques anglophones au Québec, mises sur la corde raide avec l'arrivée de la loi 104.
C'est également l'avis de la présidente de l'Association des commissions scolaires anglophones du Québec, Debbie Horrocks.
"Nos écoles anglaises sont vraiment le centre de nos communautés dans plusieurs coins de la province, et la survie d'une école anglaise dans une communauté donnée signifie souvent la survie de cette communauté", a-t-elle indiqué à la sortie des audiences.
La cause, qui a déjà fait couler beaucoup d'encre, a aussi éveillé l'attention de nombreux groupes de défense des droits des minorités francophones hors Québec.
Devant les juges, plusieurs de ces groupes ont exprimé la crainte qu'une nouvelle interprétation de la Charte canadienne des droits et libertés en ce qui a trait aux droits linguistiques des minorités vienne miner la santé de leur propre communauté.
"Toute décision de la Cour suprême quant à l'article 23 (de la Charte) peut avoir des répercussions pour nous, c'est important que nous soyons là pour protéger nos acquis", a expliqué Robert Tremblay, président de l'Association franco-ontarienne des conseils scolaires catholiques.
C'est justement pour empêcher de désavantager les minorités dans les autres provinces que le gouvernement plaide notamment pour une "interprétation asymétrique" de la Charte qui prendrait en compte le caractère particulier du Québec.
"On invite la Cour à donner une interprétation qui ne va pas affaiblir l'étendue des droits que revendiquent les communautés francophones hors Québec", a indiqué l'avocat Benoît Belleau après les audiences.
On estime que près de 8000 enfants au total auraient pu s'inscrire à l'école anglaise grâce au stratagème, par la suite interdit par la loi 104.
Mais comme cela fait six ans que les 26 familles directement concernées par la loi québécoise ont intenté les premières actions, la plupart des enfants touchés ont depuis quitté l'école primaire et ont fait leur entrée au secondaire, pour lequel un système différent prévaut.
Ces familles devront encore faire preuve de patience, puisque les juges de la Cour suprême pourraient prendre de nombreux mois avant de faire connaître leur point de vue.


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