Québec -- Pour éviter de se retrouver isolé au sein de la fédération, Québec veut discuter de l'encadrement du pouvoir fédéral de dépenser avec Ottawa seulement, et non avec les autres provinces. C'est ce qu'a fait savoir hier le premier ministre Jean Charest. Il a souligné que l'encadrement du pouvoir fédéral de dépenser était maintenant sa priorité dans le domaine des relations fédérales-provinciales et qu'il souhaitait faire pression sur le gouvernement Harper «dans les prochains mois».
Mais puisqu'il est clair qu'en ces matières «les intérêts sont les mêmes pour tout le monde au Canada», a affirmé le premier ministre, il est préférable pour le Québec de «commencer sur une base bilatérale». «Ce que le Québec veut, ce n'est pas nécessairement ce qu'une autre province veut», a-t-il fait remarquer à la veille de la réunion, à Moncton, du Conseil de la fédération, qui réunit les chefs de gouvernement des provinces et des territoires. Ce désaccord prévisible explique que le gouvernement Charest n'ait pas demandé que ce sujet soit à l'ordre du jour de la rencontre de Moncton. Au reste, le fait de discuter avec le fédéral de ce sujet «n'affectera pas les autres» provinces, a tenu à préciser M. Charest.
Chose certaine, la solution à ce vieux problème du pouvoir fédéral de dépenser -- une disposition du défunt accord du Lac-Meech de 1987 y était consacrée -- n'a pas à être constitutionnalisé dans un premier temps, a précisé M. Charest, qui a répété que le fruit n'était pas mûr pour rouvrir la loi fondamentale.
Lundi, dans un entretien avec la Presse canadienne, le ministre des Affaires intergouvernementales, Benoît Pelletier, avait exhumé la promesse conservatrice de M. Harper d'adopter une «Charte du fédéralisme d'ouverture», laquelle comprendrait un encadrement du pouvoir fédéral de dépenser. M. Pelletier disait espérer qu'un jour la chose soit constitutionnalisée.
En matinée hier, le chef de l'opposition Mario Dumont a traité les propos du ministre Pelletier de «ballon d'essai» vide: «Je n'ai vu aucun document là-dessus, je n'ai vu aucun écrit là-dessus», a-t-il dit. M. Dumont a soutenu qu'il appuierait toute constitutionnalisation d'un encadrement au pouvoir fédéral de dépenser et a ajouté qu'une entente administrative n'était pas suffisante. Compte tenu de l'importance conférée à l'idée par le gouvernement Charest, le chef adéquiste s'est dit surpris que Québec n'ait pas insisté pour qu'on mette ce sujet à l'ordre du jour du Conseil de la fédération.
En après-midi, le premier ministre Charest a rétorqué que M. Dumont n'était pas crédible lorsqu'il parlait du Conseil de la fédération puisqu'il avait réclamé l'abolition de cet organisme ce printemps.
M. Charest a rappelé que la notion de Charte du fédéralisme d'ouverture avait été présentée lors du discours marquant de Stephen Harper à Québec du 19 décembre 2005, en pleine campagne électorale fédérale. Le gouvernement Harper en a reparlé dans chacun de ses discours du budget. «Ce n'est pas sorti de nulle part, cette idée», a insisté M. Charest.
Quelle forme pourrait prendre un tel encadrement? Le premier ministre l'ignorait hier: «Ça peut être une loi, ça peut être une entente administrative; la forme, c'est à déterminer», a-t-il dit.
Pas facile
Au cabinet du premier ministre Harper, même flou quant à la forme. Dans les faits, «on respecte déjà le principe conservateur qui consiste à limiter le pouvoir fédéral de dépenser», a fait remarquer l'attaché de presse Dimitri Soudas. Ce dernier a insisté pour dire que le gouvernement allait honorer sa promesse et qu'il allait formaliser «l'encadrement du pouvoir fédéral de dépenser», mais sans plus de précision sur la manière. Dans la Constitution? C'est exclu, a répondu M. Soudas, ajoutant une autre métaphore agricole à celle du «fruit non mûr»: «Le terrain n'est pas fertile pour l'instant.» Et quand pourrait-il y avoir entente? «Le premier ministre espère que l'année prochaine nous allons faire des progrès sur cet objectif», a répondu M. Soudas, qui reprenait ainsi les paroles prononcées par M. Harper la semaine dernière à Charlottetown. Ce dernier avait aussi souligné que «certaines provinces s'y intéressaient plus que d'autres».
Des rencontres à ce sujet ont-elles eu lieu? M. Soudas a refusé de répondre hier. Au cabinet de la ministre fédérale des Affaires intergouvernementales, Rona Ambrose, on n'a même pas voulu fournir la liste des vis-à-vis provinciaux que celle-ci aurait ou non rencontrés jusqu'à présent à ce sujet. Un porte-parole, Jonah Mozeson, a plutôt invité Le Devoir à consulter la «divulgation proactive» des dépenses de voyage de la ministre pour découvrir où elle s'était rendue depuis sa nomination afin de dresser la liste des personnes qu'elle aurait pu avoir rencontrées!
Chose certaine, ce printemps, la ministre a discuté de ce sujet avec le ministre Pelletier. En avril, ce dernier avait d'ailleurs confié au Soleil ressentir une sorte de découragement à la suite de ces pourparlers. Il estimait qu'on était loin d'entreprendre des négociations formelles: «La compréhension même de ce que doit être l'encadrement ne semble pas être identique dans les deux cas», avait-il dit.
Jeunes libéraux
Par ailleurs, fait rare, M. Charest accompagnait hier la présidente de la Commission jeunesse du Parti libéral du Québec (PLQ), Stéphanie Doyon, pour présenter les grands thèmes du congrès annuel de cette branche du PLQ, la fin de semaine prochaine, à La Pocatière. Quelque 500 jeunes libéraux discuteront de différentes résolutions, dont l'idée que le gouvernement libéral réclame au Conseil de la fédération, en 2008, la «reconnaissance des francophones comme peuple cofondateur de notre pays».
Les libéraux en herbe, qui ont fait de l'identité québécoise un des thèmes centraux de leur congrès, exploreront aussi l'idée de mettre en place un «cours d'initiation à la réalité nationale» pour mieux intégrer les immigrants, dont, au reste, il souhaite doubler le nombre d'ici cinq ans. Le but: soutenir la démographie québécoise et le développement économique.
Une autre série de leurs résolutions porte sur l'environnement. On y trouve, entre autres choses, l'idée de bannir les sacs de plastique non biodégradables d'ici 2012 et de favoriser la culture du chanvre industriel, notamment pour produire des biocarburants. Ce produit n'est pas hallucinogène contrairement au chanvre indien, a précisé Mme Doyon.
Avec la collaboration d'Hélène Buzzetti
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