Le concepteur du Conseil de la fédération, l'ancien ministre des Affaires intergouvernementales, Benoît Pelletier, qui s'était lui-même inspiré du Livre beige de Claude Ryan, en attendait de grandes choses.
Dans son rapport de 2001, il y voyait non seulement le «symbole du fédéralisme coopératif», mais aussi «l'élément clé d'une toute nouvelle dynamique fédérative au Canada, fondée sur la concertation, la cogestion, la codécision».
Dès sa création, le PQ s'en est méfié comme de la peste. L'ancien député de Mercier Daniel Turp, constitutionnaliste lui aussi, le considérait déjà comme «un organe constitutionnel» qui pourrait éventuellement remettre en question la compétence exclusive du Québec dans des domaines comme la santé, l'éducation et les affaires sociales.
Il est vrai que M. Pelletier n'excluait pas l'éventualité de le constitutionnaliser formellement et d'y faire entrer des représentants fédéraux, à commencer par le premier ministre du Canada. Il envisageait également la possibilité qu'à terme il entraîne la disparition du Sénat.
Bien entendu, rien de tout cela ne s'est encore produit. Le Conseil n'a encore que cinq ans d'existence et personne ne peut savoir exactement comment il évoluera. Il n'est pas certain non plus que les choses se passeraient très différemment si le Conseil n'existait pas.
L'ancienne Conférence des premiers ministres était peut-être moins structurée, mais on y voyait les fronts communs des provinces s'y faire et s'y défaire sensiblement de la même façon au gré des intérêts de chacun.
Tous les prédécesseurs de Jean Charest ont éprouvé un jour ou l'autre la même déconvenue que lui, quand ses homologues provinciaux réunis à Ottawa jeudi dernier n'ont pas levé le petit doigt pour appuyer ses revendications au sujet de la péréquation. La «nouvelle dynamique fédérative» que souhaitait M. Pelletier ressemble étrangement à l'ancienne.
Soit, M. Charest n'a peut-être pas aidé sa cause en faisant l'autruche durant la campagne électorale, mais une indignation plus précoce n'aurait sans doute rien changé. En matière de péréquation, les intérêts des provinces sont trop divergents pour qu'un consensus soit possible, et Stephen Harper n'a aucune raison de faire une fleur au Québec, bien au contraire.
Il ne faut évidemment pas se surprendre d'entendre Pauline Marois réclamer l'abolition du Conseil ou le retrait du Québec, ce qui reviendrait au même. D'un point de vue souverainiste, il ne présente aucun intérêt.
Dès la parution du rapport Pelletier, Mario Dumont s'était également opposé à l'idée d'institutionnaliser la Conférence des premiers ministres provinciaux. Il y voyait une reconnaissance implicite du principe de l'égalité des provinces, auquel le Québec s'est toujours opposé. Dans son esprit, on cherchait simplement à aménager un «terrain de jeu» pour un premier ministre qui se plaisait visiblement au Canada anglais. Un des premiers gestes d'un gouvernement adéquiste aurait été de s'en retirer.
Bien entendu, Jean Charest, qui demeure le premier ministre le plus canadien de l'histoire du Québec moderne, ne s'y résoudra jamais. C'est lui qui a convaincu ses homologues provinciaux de l'utilité d'un tel organisme. Son désistement serait interprété comme une véritable trahison dans le reste du pays. Sil entretient encore l'espoir d'un retour sur la scène fédérale, c'est bien la dernière chose à faire.
Au-delà du plan de carrière de M. Charest, la question est de savoir si, dans une perspective québécoise du fédéralisme, qui suppose la reconnaissance concrète de besoins différents de ceux des autres provinces, il demeure avantageux de faire partie du Conseil de la fédération ou si cela affaiblit le rapport de force du Québec, comme le prétend Mme Marois, et risque d'avoir éventuellement pour effet de diluer son caractère distinct.
Tout n'est pas négatif dans le bilan du Conseil. Ainsi, en septembre 2004, il avait puissamment contribué à la conclusion d'une entente qui augmentait la participation fédérale au financement des services de santé, tout en prévoyant spécifiquement le respect des compétences du Québec.
Au cours des dernières années, il n'a cependant rien eu à voir avec les diverses manifestations du «fédéralisme d'ouverture», qu'il s'agisse de l'entente sur la représentation du Québec à l'Unesco, du règlement du litige sur les congés parentaux ou encore de la reconnaissance de la nation québécoise par la Chambre des communes.
On a fait grand cas de son rôle dans le prétendu règlement du déséquilibre fiscal à l'occasion du budget fédéral de mars 2007. Quatre mois plus tard, un rapport du Conseil avait cependant sonné le glas du transfert de points d'impôt aux provinces, lequel aurait pu rétablir un équilibre réel et surtout plus durable.
Le gouvernement Harper s'apprête maintenant à modifier unilatéralement la formule de péréquation adoptée en 2007, ce qui pourrait coûter jusqu'à un milliard au Québec, et le Conseil demeure muet. Sans parler du projet d'une commission des valeurs mobilières pancanadienne.
Le plus ironique est que M. Charest est présentement président du Conseil. À l'issue de la réunion de jeudi dernier, un communiqué émanant de son bureau se félicitait des résultats. Pourtant, à le voir à la télévision, il n'avait pas l'air content du tout.
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mdavid@ledevoir.com
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