Par Richard Le Hir
(Tous droits réservés – Septembre 2010)
Toute reproduction, traduction ou adaptation, en tout ou en partie, par quelque procédé que ce soit, est strictement interdite sans l’autorisation écrite préalable de l’auteur.
----
CHAPITRE 1 – LA VICTOIRE
23 juin 201… « À 21h47, Radio-Canada annonce que, si la tendance du vote se maintient, le camp du Oui remportera la victoire à l’occasion de ce quatrième référendum de l’histoire sur l’avenir constitutionnel du Québec. »
En fait, cela faisait déjà une bonne vingtaine de minutes que l’on connaissait l’issue du scrutin dans les studios de Radio-Canada, et les téléspectateurs les plus attentifs avaient déjà eu l’occasion de prendre conscience du degré anormalement élevé de tension que laissaient apparaître les expressions faciales de l’animatrice de la soirée, des correspondants les plus chevronnés de la maison, et des diverses personnalités appelées à commenter les résultats. Parmi ces dernières, on avait même pu en voir certaines, en provenance des deux camps, se lever précipitamment et quitter le plateau.
Et vu la portée que cette annonce allait nécessairement avoir, il avait d’abord fallu s’assurer une dernière fois de la solidité du modèle prévisionnel utilisé par Radio-Canada et, précaution supplémentaire, attendre le décompte d’un nombre suffisant de votes de la région de Québec pour réduire au minimum les possibilités d’un retournement de la situation, compte tenu de ce qui s’était passé en 1995.
Pourtant, à 55 % contre 45 % le camp du Oui jouissait d’une avance confortable depuis le début de la soirée, mais, bien au-delà du studio de Radio-Canada, le Québec tout entier semblait pris d’un doute devant ces résultats qui apparaissaient trop beaux pour être vrais. Que se passerait-il à Montréal ? Et l’Outaouais ?
Justement, à Montréal, au quartier-général des forces du Oui établi pour cette soirée historique au Palais des Congrès, veille de la Fête nationale, une foule incrédule mais ravie hurlait son enthousiasme à l’apparition de tout nouveau résultat confirmant la solidité du soutien à son option sur les écrans géants dispersés à travers le hall des expositions.
Vers vingt-deux heures commencèrent à se faire sentir les effets du vote de l’ouest de Montréal et de l’Outaouais, et l’avance du Oui commença à réduire de quelques fractions de pourcentage pour se stabiliser vers 22h30 autour de 53 %. Le décrochage tant redouté ne s’était pas produit.
Puis, premier signe de l’ordre nouveau issu du vote historique qui venait de se tenir, les écrans géants s’éteignirent un moment pour laisser place à une émission spéciale diffusée simultanément sur les ondes de Télé-Québec et de TVA. La retransmission des résultats se poursuivait, à la québécoise, et on apprenait des correspondants répartis sur tout le territoire que les cloches s’étaient mises à sonner à travers le Québec, que des rassemblements populaires et des défilés spontanés s’étaient formés partout dans l’euphorie, que les bûchers de la St-Jean avaient été allumés, et que la nuit promettait d’être mouvementée sans qu’on n’ait pour le moment à déplorer quelque événement fâcheux.
Au Palais des congrès à Montréal, l’animateur de la soirée, Denis Bouchard, un comédien très apprécié, venait de gravir les marches de l’estrade et se dirigeait d’un pas rapide et léger vers le lutrin en invitant du geste la foule au silence. Quand celle-ci parvint enfin à se calmer suffisamment pour qu’il puisse enfin parler, il prit la parole :
« Donnez-moi une chance… Donnez-moi une chance… j’ai un message important à vous communiquer… Le premier ministre a dû prendre un appel de son homologue canadien et il a été retardé… »
À l’évocation du premier ministre canadien, des « shous » fusèrent de toutes parts. Il faut dire qu’Allan Fogarty, originaire de Terre-Neuve, était particulièrement détesté au Québec en raison des manoeuvres qu’il avait tentées pour assujettir Hydro-Québec au contrôle fédéral en invoquant l’intérêt supérieur du Canada.
Il fallut toute l’expérience de scène de l’animateur pour que la foule lui permette de terminer son annonce :
« Le premier ministre me prie de l’excuser auprès de vous. Il avait prévu vous dire quelques mots avant de se rendre au Parc Maisonneuve où des dizaines de milliers de Québécois enthousiastes l’acclament depuis déjà une heure. On me dit que l’avenue du Parc et le Mont-Royal sont recouverts de monde et que toutes les rues avoisinantes ont été bloquées à toute circulation. Nous vous invitons donc à rester ici et à profiter des écrans géants sur lesquels les événements de la soirée vous seront retransmis en direct. En attendant que le premier ministre parvienne à destination, il y a ici près de moi toute une série d’invités pressés de partager leur joie avec vous. »
Pendant que se déroulaient ces événements, le premier ministre du Québec, Jean-Jacques Cardinal, guidé par une escorte de gardes du corps soudainement devenus beaucoup plus nombreux et accompagné de ses trois ou quatre collaborateurs les plus proches et de ses deux adolescents, ravis de participer aux premières loges à ces instants historiques, se hâtait dans les couloirs du Palais des Congrès pour rejoindre le cortège de voitures qui les mèneraient au Parc Maisonneuve.
Âgé de 58 ans, Jean-Jacques Cardinal, surnommé affectueusement Éminence par ses intimes à cause de son patronyme, était originaire de Rimouski. Son père, Émile, avait été pilote sur le Saint-Laurent, et avait insisté pour que son fils étudie quelques années à l’étranger. Parti en Europe au début de la vingtaine sans être trop fixé sur son avenir, il avait traîné ses souliers dans deux trois facultés, en France, en Angleterre et en Espagne, avant de se découvrir finalement une vocation pour le droit alors qu’il occupait un emploi à temps partiel dans une officine d’import-export à Barcelone, où l’on valorisait grandement ses capacités linguistiques. Il parlait en effet couramment le français, l’anglais et l’espagnol qu’il avait d’ailleurs appris en cinq ou six mois, en même temps qu’il se faisait l’oreille au catalan. Dans ce dernier cas, l’effort n’était pas trop grand pour un Québécois. Ne dit-on pas en catalan « Fa fret » pour dire qu’il « fait froid » ?
De retour au Québec à la fin des années 70, il s’était inscrit à la Faculté de droit de l’Université de Montréal, et c’est de ce point de vue qu’il avait vécu le référendum de 1980. Son adhésion à la cause indépendantiste avait été toute naturelle. Comme Obélix, il était tombé dans la marmite quand il était petit, dans une famille de « rouges » qui avait suivi René Lévesque lorsqu’il avait quitté le PLQ. Il avait donc participé activement à la campagne référendaire, ce qui avait bien failli avoir des répercussions néfastes sur ses études cette année-là. Il était parvenu à s’en sortir avec une seule reprise.
Le soir du 20 mai 1980, il était présent au Centre Paul-Sauvé, et comme des milliers d’autres Québécois ce soir-là, il avait versé des larmes devant l’échec du rêve de pays. Mais, à cet âge, on panse rapidement ses blessures, et les mots de René Lévesque « Si je vous ai bien compris, vous venez de dire à la prochaine fois » l’avaient vite convaincu que ce n’était que partie remise.
Il reprit donc ses études pour sortir quelques années plus tard avec une maîtrise en droit, du travail en poche, et, après avoir passé les examens du Barreau, c’est tout naturellement qu’il s’était retrouvé au contentieux d’un grand syndicat. Au bout de quelques années, après avoir acquis une solide expérience de plaideur et de négociateur, il était passé au service d’un grand cabinet où il oeuvrait encore au début des années 2010.
Après la démission de Jean Charest dans la disgrâce la plus totale et des élections générales qui avaient porté le PQ au pouvoir, il avait été invité à présider la commission d’enquête qui allait mettre au jour tous les liens incestueux que son gouvernement avait entretenus avec les bailleurs de fonds du PLQ. Dix-huit mois de présence quasi quotidienne à la télévision et en première page des journaux lui avaient valu une notoriété exceptionnelle qui allait faire de lui l’homme tout désigné pour négocier le réalignement des forces politiques au Québec à la suite de l’effondrement du PLQ.
À l’issue du processus, Jean-Jacques Cardinal avait proposé la réunion de toutes les forces progressistes sous la bannière d’un nouveau parti, le Parti du Renouveau du Québec, le PRQ, dont il deviendrait rapidement le chef après qu’il fut devenu évident que personne d’autre que lui n’avait l’autorité nécessaire pour tenir en main cette nouvelle coalition.
Il faut dire que, parallèlement à ce qui se passait au Québec, le monde entier vivait à l’heure des réalignements. Au cours du premier trimestre de 2011, une nouvelle crise financière avait éclaté lorsque les États-Unis avaient annoncé qu’ils devaient rajuster à la baisse les chiffres de leur PIB depuis 2008. Pour être courante dans le secteur privé, c’était la première fois que la pratique du retraitement était appliquée aux comptes d’un État. L’effet de cette annonce sur les marchés avait été désastreux, et le dollar américain avait perdu plus de 20 % de sa valeur en quelques jours.
En raison de l’importance de ses liens économiques avec les États-Unis, les effets de cette crise s’étaient propagés à la vitesse d’un feu de brousse à l’économie canadienne, et plus particulièrement à celle de l’Ontario. La chute brutale de la demande américaine avait entraîné de nombreuses fermetures d’usines chez nos voisins, tandis que l’Alberta, et à un moindre degré Terre-Neuve, avaient rapidement été touchées par la chute de la demande de pétrole et une baisse correspondante des prix de cette ressource dont ils tiraient toutes les deux le gros de leurs revenus.
N’ayant pas tous ses œufs dans le même panier, le Québec s’en était tiré relativement moins mal que les autres provinces. Mais, moins mal ne veut pas dire bien, et les choix étaient devenus difficiles. C’est alors que l’indépendance était apparue, pour la première fois de l’histoire, non plus seulement comme un choix politique légitime, mais également comme un choix économique valable, dans la mesure où le rapatriement par le Québec de toutes les recettes fiscales et de tous les pouvoirs lui permettrait de réduire rapidement le niveau de ses dépenses sur une base consolidée.
En effet, sur un horizon d’au moins dix ans, et peut-être de quinze, le Québec ne parviendrait pas à dépenser ce que le fédéral dépensait en son nom au Québec ni ailleurs au Canada. En effet, le Canada est un pays immense, et il est faiblement peuplé. Les dépenses publiques reflètent cette réalité, et les coûts associés à l’immensité et à la diversité du territoire pèsent d’un poids anormalement élevé si on les compare avec ceux des pays où géographie et population sont en meilleur équilibre. Sur un territoire plus concentré, moins diversifié, comme l’est le Québec par rapport au Canada, les coûts associés à la géographie sont moins élevés.
De plus, tous les services offerts par le gouvernement canadien et les dépenses qu’il effectue ne profitent pas également à toutes les provinces pour toutes sortes de raisons valables dans l’optique du pays tout entier, mais pas dans celle d’une de ses composantes dont la position géographique et la diversité des ressources lui confèrent un avantage stratégique sur les autres. Or c’est justement le cas du Québec, et il suffit de regarder une carte et quelques statistiques pour s’en convaincre.
Les économies que le gouvernement d’un Québec serait en mesure de réaliser du fait de sa plus grande concentration géographique, de l’élimination d’une série d’activités qui ne le concernent pas, et de la réduction du niveau de nombreuses autres activités en raison du temps nécessaire à les intégrer, offraient au Québec une marge de manœuvre budgétaire inespérée dans le contexte, et lui permettrait de maintenir et peut-être même développer les services à sa population, tant sur le plan de la qualité que de la quantité.
Les événements des deux trois dernières années avaient largement contribué à éveiller la conscience des Québécois à ces réalités, et il faut dire que les divers mouvements indépendantistes, par toutes sortes d’initiatives de mobilisation, d’animation et de communication avaient participé à la cristallisation de l’opinion.
***
Et c’est ce soir du 23 juin 201…, choisi justement pour sa portée symbolique, qu’on allait enfin cueillir les résultats. C’est ce soir que Jean-Jacques Cardinal, choisi par le destin pour ouvrir toute grande la porte du Québec à son avenir de pays indépendant, allait se présenter aux Québécois et au monde entier pour leur confirmer la bonne nouvelle.
Dans la voiture dans laquelle il s’était engouffré avec ses deux principaux adjoints et son garde du corps pour se rendre au Parc Maisonneuve, le premier ministre Cardinal, tout en sachant assez précisément depuis quelques semaines quelle serait l’issue du vote et ayant donc eu l’occasion de se préparer mentalement au résultat, n’en était pas moins soudainement saisi par l’énormité de l’événement et le poids des responsabilités qui lui échoyaient.
Retranché depuis son départ du Palais des Congrès dans sa bulle personnelle que n’étaient pas parvenus à percer les cris de joie, félicitations, encouragements et autres manifestations d’exubérance qui fusaient de toutes parts, il était entièrement concentré sur le message qu’il livrerait tout à l’heure. Il avait entre les mains le discours qu’on lui avait préparé pour l’occasion et auquel ses proches lui avaient bien recommandé de se tenir, mais il savait qu’il ne s’en servirait pas. Il fallait qu’il se montre à la hauteur de la situation et trouve ses mots, ceux que lui inspirerait la réaction de la foule devant laquelle il allait se présenter, et ceux que lui inspirait déjà le bref échange téléphonique qu’il venait d’avoir avec le premier ministre canadien.
Contrairement aux autres Terre-Neuviens, Allan Fogarty n’était pas porté sur le langage fleuri. Il parlait peu, et toujours droit au but. Il lui avait dit ceci :
« Jean-Jacques, dans la position que j’occupe, je ne peux pas vous féliciter. Personnellement, je suis très malheureux et choqué par la tournure des événements, mais l’intérêt supérieur de mes concitoyens me commande de régler ce divorce le plus rapidement possible, avec un minimum d’éclats. J’imagine que vous êtes également dans la même situation. Je vous propose donc que nous nous réunissions rapidement dans les jours qui viennent, le plus tôt possible après le 24 juin et avant le 1er juillet, pour convenir de l’agenda de nos discussions au cours des prochains mois. »
Cette attitude tranchait singulièrement avec le ton belliqueux que Fogarty avait entretenu à l’endroit du Québec ces deux dernières années. Il faut dire qu’au cours des dernières semaines, au fur et à mesure que se confirmait l’hypothèse d’une victoire des forces du Oui, le premier ministre canadien avait eu plusieurs entretiens avec ses principaux conseillers économiques et le gouverneur de la Banque du Canada. Le consensus s’était rapidement établi sur la nécessité d’éviter à tout prix un décrochage du dollar canadien d’une ampleur de celui que les États-Unis avaient connu il y a quelques années.
Avec ou sans le Québec, le Canada devait pouvoir continuer, dans l’intérêt même de sa population et pour assurer son avenir, d’accéder aux marchés financiers internationaux pour financer sa dette et ses opérations courantes, déficitaires depuis la crise financière de 2008. Sa politique devrait donc être guidée par ses intérêts et non pas par ses émotions.
Jean-Jacques Cardinal avait tout aussi rapidement convenu de la nécessité d’une rencontre à très brève échéance, et avait précisé que ses collaborateurs reprendraient contact avec le cabinet de Fogarty dès qu’un moment aurait été libéré sur son agenda des prochains jours, déjà fort encombré. Même s’il était soulagé de la réaction canadienne, Cardinal n’en était pas surpris. C’était le bon sens même.
Cela dit, dans l’allocution qu’il prononcerait dans quelques minutes, il faudrait qu’il tienne à l’endroit du Canada des propos très mesurés, conciliants même, alors qu’il savait que ses compatriotes, exacerbés par les provocations des dernières années, et excités par leur victoire de ce soir, s’attendaient plutôt à un discours triomphaliste. Il allait devoir se dépasser.
Pendant qu’il se faisait ses réflexions, ses collaborateurs lui multipliaient les consignes, et lui confirmaient que les résultats du scrutin se maintenaient très solidement au même niveau alors que le dépouillement s’achevait un peu partout. Tout au long du parcours depuis le palais de Congrès, une foule dense, bruyante, et bon enfant, s’était pressée sur le chemin emprunté par l’impressionnant cortège de voitures qui prenait à chaque minute qui passait une allure de plus en plus présidentielle.
***
Dans un concert de gyrophares, de motocyclettes pétaradantes, de coups de sifflets péremptoires et d’applaudissements frénétiques, le cortège était enfin parvenu à destination, et tout le personnel de sécurité s’était mis en place pour former une haie solide le long du court chemin qui menait à l’estrade. Alors qu’il descendait de voiture, le principal conseiller de Cardinal lui glissa à l’oreille :
« Éminence (il préférait l’emploi de son surnom à son titre de Monsieur le Premier Ministre qu’il trouvait trop solennel et qui le rendait mal à l’aise, ce qui n’avait pas manqué d’éberluer certains diplomates habitués à un protocole plus rigide qu’il avait rencontrés ces derniers temps à la perspective de ce qui s’en venait), les autorités policières me confirment qu’il n’y a toujours aucun incident regrettable à signaler nulle part sur le territoire. »
C’était ce qu’il redoutait le plus, qu’un événement quelconque vienne ternir le lustre de cette soirée de la Saint-Jean que le Québec attendait depuis la conquête. Mais ce soir, les cieux souriaient au Québec. Il avait fait un temps superbe toute la semaine, et l’air était doux partout.
***
Les seuls à ne pas partager l’euphorie du moment étaient les Canadiens anglais qui, rivés à leur téléviseurs, assistaient incrédules au démantèlement de leur pays. En déni depuis quarante-cinq ans, c’est à peine s’ils comprenaient ce qui était en train de se passer. Déjà une série de commentateurs s’étaient succédés à l’écran pour dire que cette soirée constituait l’aboutissement logique d’un processus amorcé depuis longtemps et n’avait donc rien de surprenant. On avait eu beau leur dire à quelques reprises, ils n’y avaient jamais cru. Il faut dire que les événements au fil du temps les avaient confortés dans leur scepticisme.
Mais là, ce soir, la réalité les rattrapait d’un coup, et c’est les yeux tout écarquillés par la surprise et avec un sentiment mélangé de peine sincère, de trahison, et d’indignation, qu’ils assistaient au spectacle du déchirement de leur pays en deux parties, désormais entrecoupées par un Québec qui décidait de faire cavalier seul. Une vision d’apocalypse !
Pour les anglophones du Québec, la situation était encore pire. Ils savaient que la nouvelle donne allait nécessairement se traduire par la perte de leurs privilèges, très nombreux, et la perte d’influence de leurs institutions. Ils seraient très rapidement confrontés à des choix déchirants que l’absence de solutions de rechange dans un contexte économique difficile partout en Amérique du Nord rendait encore plus redoutables.
***
C’est dans ce contexte que le premier ministre Jean-Jacques Cardinal s’apprêtait à prendre la parole. Parvenu sur l’estrade, il avait été accueilli par une cinquantaine de députés de son parti et du Bloc Québécois qui cherchaient tous à le féliciter, à se faire reconnaître, à lui dire en quelques mots rapides leur joie de la victoire, en espérant que son aura rejaillirait sur eux. Quelques soient les circonstances, l’humain ne cesse jamais d’être humain.
Au milieu des hurlements et des applaudissements de la foule en liesse, il fut littéralement transporté au lutrin. La première chose qui le frappa fut la présence d’un écran pare-balles translucide devant lui. Il n’y avait pas pensé, mais d’autres l’avaient apparemment fait pour lui. C’était une toute nouvelle « game ».
Il leva tranquillement les bras en l’air, davantage pour inviter la foule à le laisser parler qu’en signe de victoire. Ce n’est qu’au bout de dix minutes d’applaudissements nourris qu’il parvint à obtenir le semblant de silence dont il avait besoin pour se lancer à l’eau. Il cala fermement ses mains sur les bords du lutrin, et après un geste délibérément lent destiné à laisser voir qu’il prenait le temps de reconnaître tout le monde, il déclara :
« Si je vous ai bien compris, vous venez de me dire qu’on s’est fait un pays ! »
FIN DU PREMIER CHAPITRE
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé