L'ancien premier ministre Jean Charest a été prévenu avant Noël que la commission Charbonneau pourrait lui faire des reproches dans son rapport définitif sur le financement politique, a appris La Presse.
Ce préavis à M. Charest est jugé «incontournable» par une source près du dossier. «Sous sa gouverne, il y a eu des failles», ajoute cette personne.
Une autre source qui côtoie Jean Charest dans un cadre professionnel a souligné que l'ancien premier ministre était «en colère» après avoir reçu un préavis qui pourrait laisser présager «un rapport défavorable» ou «une conclusion de mauvaise conduite», selon les formules officielles utilisées par la Commission. C'est d'autant plus «enrageant», selon cette personne, que c'est M. Charest qui a autorisé la création de la Commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction. «Il veut répliquer, mais ses conseillers lui disent de faire le dos rond», a indiqué cette personne.
La Presse a tenté de joindre hier M. Charest par téléphone et par courriel, afin de vérifier notamment s'il entendait se prévaloir de son droit de se faire entendre. Depuis quelques jours, plusieurs messages ont également été transmis à son conseiller au sein du cabinet d'avocats McCarthy Tétrault, Grégory Larroque, mais en vain.
Dans la foulée d'un reportage de Radio-Canada, en novembre dernier, sur une opération de financement sectoriel du PLQ à laquelle s'intéresserait l'Unité permanente anticorruption (UPAC), Jean Charest avait publié un communiqué de presse. Il y soutenait n'avoir «participé à aucune forme illégale d'activité de financement politique».
Financement occulte
Dans le cadre de ses travaux dont le volet sur le financement politique a pris fin en juin dernier, la commission Charbonneau a entendu des témoignages selon lesquels le Parti libéral du Québec (PLQ), dont M. Charest était le chef, a fait du financement sectoriel. Par cette expression, on désigne les contributions obtenues par les partis politiques (le PLQ, mais aussi le Parti québécois et la défunte Action démocratique du Québec) après avoir sollicité ou reçu une offre des entreprises du secteur de la construction et des firmes de génie-conseil.
L'implication des entreprises dans le financement politique est illégale au Québec depuis 1977. Pourtant, les contributions émanant de firmes comme SNC-Lavalin, Roche, Dessau, Cima+, SM ou BPR étaient chose courante, selon les témoignages entendus à la commission Charbonneau. Des entreprises de construction, dont Infrabec, qui était dirigée par l'ex-entrepreneur Lino Zambito, ont également multiplié les dons aux caisses électorales.
Il a été démontré que le versement de ces contributions politiques s'est fait régulièrement à l'aide de prête-noms, c'est-à-dire de personnes à qui des entreprises donnaient de l'argent pour qu'il soit ensuite versé à des partis politiques. Dans le préavis de blâme envoyé au PLQ et que La Presse a révélé en décembre dernier, cette pratique illégale est soulignée, puisque les libéraux auraient fermé les yeux.
Il y est également question de la tolérance du PLQ au chapitre des «rencontres privées avec le premier ministre Jean Charest en échange de contributions politiques».
De plus, la commission Charbonneau a indiqué qu'elle pourrait conclure que le parti de M. Charest a rendu les députés et les ministres «vulnérables aux pressions indues et à la compromission» alors qu'il avait fixé des objectifs de financement élevés. Les élus étaient invités à amasser 100 000$ par année.
Le grand argentier du PLQ et ami de M. Charest, Marc Bibeau, a été très actif auprès des firmes de génie. Il a également participé aux rencontres avec les élus fixant ces objectifs. M. Bibeau a aussi été identifié dans des tractations remontant à 2003-2004 pour obtenir des informations sur les contrats à venir à Hydro-Québec.
Huis clos
Jean Charest n'a pas témoigné publiquement devant la commission Charbonneau. Une rencontre a eu lieu, tout comme pour tous les chefs de partis ainsi que les anciens premiers ministres. C'est le chef de la CAQ, François Legault, qui avait révélé cette information, en mai dernier, après avoir reçu une invitation de la Commission.
Par ailleurs, au cours de ses travaux sur le financement politique, les commissaires ont entendu à huis clos certains acteurs de la politique. Comme l'a révélé La Presse hier, Marc Bibeau a été contraint de témoigner, mais tout s'est déroulé à huis clos. Les maigres fruits récoltés lors de cet interrogatoire ont incité la Commission à ne pas appeler M. Bibeau à la barre des témoins lors des audiences publiques.
- Avec la collaboration de Daphné Cameron
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