LA PRIVATISATION D’HYDRO-QUÉBEC

Ce que révèle le bras de fer entre le PDG d'Hydro-Québec et le régime libéral

La privatisation : 40 milliards de contrats, des pertes de 10 milliards !

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Éditorial de Vigile

Depuis la prise de pouvoir de Jean Charest en 2003, les gouvernements libéraux ont entrepris la privatisation à la pièce des filières énergétiques d'Hydro-Québec : centrales au gaz, éoliennes et biomasse. Cette stratégie énergétique qui a entraîné des pertes de milliards pour l'entreprise publique ne semblait pas rencontrer de réelle résistance, jusqu'à ce que l'actuel PDG d'Hydro-Québec fasse une sortie publique dénonçant le projet éolien de Port-Cartier.


Le bras de fer


Ce conflit qui se jouait dans les officines est devenu public quand une lettre que le PDG Éric Martel a fait parvenir en copie conforme au premier ministre Couillard a fait l'objet d'un coulage dans le Journal de Montréal. On y apprend que pour ce seul projet, les pertes d’Hydro-Québec dépasseraient le milliard et que les gains pour la communauté innue seraient faibles ou inexistants :


Pour cette raison, le tarif de l’électricité achetée à Apuiat pourrait lui occasionner des pertes financières estimées « entre 1,5 milliard $ et 2 milliards $ sur la durée du contrat », qui doit être conclu de gré à gré.


[…] Au-delà des questions sur les retombées réelles du projet, M. Martel rappelle que le contrat d’une durée de 25 ans surviendrait alors qu’Hydro est « aux prises avec des surplus énergétiques importants »[1]


Malgré ces pertes financières potentielles, le gouvernement a donné un appui total au projet, comme le relate la porte-parole du ministre Moreau :


Selon la porte-parole du ministre, Catherine Poulin, le gouvernement a donné un « appui indéfectible à ce projet ».


Pour les libéraux, cette entente est donc une priorité.


D’ailleurs, au sujet du C.A. d'Hydro-Québec, le Journal de Québec nous a rappelé que le projet doit être annoncé incessamment, et que le conseil d’administration d’Hydro-Québec devra se pencher sur le projet dans les prochains jours.


On s’attendrait à ce que ses membres effectuent une réelle réflexion. C’est là son rôle, n’est-ce pas ? Ce sont les fiduciaires de la société d’État.


Mais depuis 2015, ce C.A. est présidé par l’homme d’affaires Michael Penner, qui en 2013 avait participé activement à la campagne de Philippe Couillard pour devenir chef du PLQ. C’est lui qui a choisi la plupart des administrateurs en poste acutellement.


La réaction du gouvernement à la fronde d'Éric Martel


Compte tenu des intérêts en jeu pour les amis du régime, qui sont les seuls gagnants de ce projet, on comprend que le président d'Hydro soulève l'ire du gouvernement :


« S'il n'en tenait qu'à Pierre Moreau, il y aurait un décret pour destituer Éric Martel », confie une source au sein du gouvernement.


Même lecture au sein du gouvernement :


« Jamais un président de société d'État n'aura fait une attaque aussi frontale envers le premier ministre », observe un participant aux échanges.


Un autre échange a eu lieu hier, où M. Couillard a réitéré la détermination de Québec à aller de l'avant. [2]


C'est dans le contexte de ce bras de fer avec le gouvernement que survient le coulage opportun de cette lettre d'Éric Martel dans les médias. Elle met en lumière un stratagème ruineux pour Hydro-Québec.


Or aucun observateur, que ce soit dans le monde politique ou médiatique, n'a relevé que ce stratagème «ruineux» pour Hydro-Québec, n'a cessé de se répéter depuis la prise du pouvoir par les libéraux en 2003. Depuis la mise en place de cette stratégie énergétique depuis Charest, qui n'est rien d'autre qu'un vaste stratagème de privatisation à la pièce des filières énergétiques d'Hydro-Québec, la société d’État a subi des pertes de milliards pour l'entreprise.


Seul l'analyste du secteur de l’énergie Jean-François Blain semble avoir découvert le pot-aux-roses.


M. Blain évalue la somme des contrats signés avec le privé à 40 milliards pour de l'électricité dont Hydro-Québec n'avait pas besoin, contrats signés à prix gonflés qui entraînent des pertes financières estimées à 10 milliards pour l'entreprise.


Pour les décennies 2011-2020 et 2021-2030, la division Distribution d’Hydro-Québec a, jusqu’à présent, pris des engagements d’achats à long terme auprès de producteurs privés d’une valeur cumulative d’environ 40 G$. [3]


M. Blain affirme également que :


Hydro-Québec a été complice de l’ancien gouvernement libéral en octroyant à tous les vents des contrats d’approvisionnement en électricité superflus, soupçonne l’analyste en énergie Jean-François Blain. [4]


Un précédent article du JdM révèle les pertes qu’occasionnent les énergies alternatives :


10,2 milliards $ payés en trop à cause des énergies alternatives


Les clients d’Hydro-Québec paieront près de 10,2 milliards $ en surcoût tarifaire d’ici 2026 en raison de contrats à long terme d’achat d’électricité éolienne, biomasse et autres énergies alternatives. [5]


Un ancien président de la commission sur les enjeux énergétiques du Québec, professeur à l’Université de Montréal et directeur de l’Institut de l’énergie Trottier, Normand Mousseau, souligne que « cette somme de 10 milliards $ n’a pas disparu en fumée : elle se retrouve dans les poches des producteurs privés... » [6]


Rappelons également que Thierry Vandal, ex PDG d'Hydro-Québec a confirmé en commission parlementaire en 2013 que ces achats d'électricité inutiles étaient des commandes politiques.


Sans replacer l’émoi du projet éolien d’Apuit dans un contexte plus large, il est impossible de comprendre que nous assistons à un transfert de richesse systémique des biens publics vers les poches des amis du régime libéral.


Aucun observateur du camp nationaliste ne semble avoir compris l’ampleur du phénomène qui devrait pourtant devenir un enjeu majeur des prochaines élections.


La réaction des partis d’opposition


C'est sans doute en prévision de ce bras de fer qu'Éric Martel avait rencontré il y a quelques mois les deux chefs de l'opposition, François Legault et Jean François Lisée, afin de faire barrage à cet autre projet ruineux pour Hydro-Québec. Bien que François Legault s'est engagé à y mettre fin s’il parvenait au pouvoir, il faut se poser la question des  coûts que cela entraînerait.


Il semble bien que cette prise de position par Legault n'aura pas suffi à conforter la position du PDG d'Hydro-Québec, qui semble ce jeudi avoir tempéré ses critiques :


En soirée, jeudi, Hydro-Québec avait paru mettre de l'eau dans son vin. Alors que son PDG, Éric Martel, avait jugé le projet de parc éolien difficilement recommandable, la société d'État s'est dite prête à l'étudier de nouveau. [7]


Malgré la position de Legault sur ce dossier, cela ne fait pas de lui un acteur capable de faire le ménage du régime libéral. N’oublions pas que Legault est l’homme des réseaux Bouchard-Sirois et que ces racines trempent dans les mêmes eaux que le PLQ. Vigile reviendra rapidement sur le cas Legault afin de démasquer cette imposture qu’est la CAQ.


Pour ce qui est de Jean-François Lisée, sa discrétion dans ce dossier fait rater au Parti québécois l'occasion de faire le procès du régime libéral. Plus particulièrement sur la politique énergétique du Québec depuis 2003,  qui n'est rien d'autre qu'un vaste stratagème de privatisation des filières énergétiques, menant à un immense transfert de richesse du bien public.


Il aurait suffi de rappeler qu'en 2013, son parti alors au gouvernement avait retiré ce projet privé pour le confier à Hydro-Québec, changement que les libéraux se sont empressé d'annuler en 2015.


Lisée aurait également pu ramener Daniel Breton afin qu’il attaque la politique énergétique libérale. En 2013, alors qu’il était en pleine session parlementaire, il revient sur la filière éolienne et dénonce le fait que le gouvernement ait écarté une proposition qui faisait d’Hydro-Québec le maître d'œuvre du développement de cette filière en partenariat avec un joueur majeur dans le domaine, Siemens, qui proposait de faire du Québec sa base de développement ─  4 milliards d’investissements, 2 500 emplois ─ de cette filière pour l'Amérique.


Les libéraux ont écarté cette proposition, pour ensuite, interdire à Hydro-Québec de développer la filière éolienne et l'obliger à signer ces engagements d'achat d’électricité auprès du privé. Bien entendu, auprès des amis du régime libéral qui se sont « engraissés » des 40 milliards d'engagements et des 10 milliards de pertes pour Hydro-Québec


Et certains nous parlent encore du PLQ comme le parti de l'économie !



Vidéo de l'intervention de Daniel Breton le 11 avril 2013


Conclusion


Au point où en est le Parti québécois, il a tout intérêt à abandonner les panneaux publicitaires humoristiques et à mener une campagne agressive en faisant le procès du régime libéral qui a érigé la collusion et la corruption en système depuis 2003.


Le PQ doit transformer cette élection en procès du régime libéral.


Pour l’instant, seules les Citoyennes en colère contre la corruption semblent avoir le courage et la lucidité de dénoncer le système de corruption et de collusion du  gouvernement Couillard.


Lisée osera-t-il mettre tout son poids dans cet ultime bras de fer contre Couillard ?


Vigile l'espère.





Références




  1. ^ www.journaldequebec.com/2018/08/08/hydro-quebectire-a-boulets-rouges-sur-un-projet-eolien

  2. ^ www.lapresse.ca/affaires/economie/energie-et-ressources/201808/08/01-5192430-projet-eolien-dapuiat-le-president-dhydro-souleve-lire-du-gouvernement.php

  3. ^ lautjournal.info/20130906/bloc-additionnel-de-450-mw-%C3%A0-l%E2%80%99industrie-%C3%A9olienne

  4. ^ www.ledevoir.com/economie/actualites-economiques/368455/de-l-electricite-achetee-en-pure-perte

  5. ^ www.ledevoir.com/economie/actualites-economiques/368455/de-l-electricite-achetee-en-pure-perte

  6. ^ www.journaldemontreal.com/2018/06/04/102-milliards-payes-en-trop-a-cause-des-energies-alternatives

  7. ^ www.lapresse.ca/affaires/economie/energie-et-ressources/201808/10/01-5192701-projet-eolien-dapuiat-tirs-croises-contre-hydro-quebec.php




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5 commentaires

  • Jean-Claude Pomerleau Répondre

    20 septembre 2018


    L'argument du développement régional pour justifier le projet est sans fondment :


     


    Aucune garantie avec le projet éolien Apuiat


    Le gouvernement Couillard vante pourtant ses retombées économiques



    (...)


    Le 22 août dernier, à la veille du déclenchement de la campagne électorale en cours, Hydro-Québec a annoncé qu’une entente de principe était conclue pour l’achat de la production d’Apuiat.


    Demeurée secrète jusqu’ici, notre Bureau d’enquête a toutefois pu la consulter. Sa page frontispice indique une date, 20 août 2018, et la mention «forme finale convenue entre les parties».


    Le projet de contrat de gré à gré, qui n’a pas encore été soumis à l’approbation du conseil d’administration d’Hydro-Québec, ne prévoit aucune obligation, pour la communauté innue et son associé, l’entreprise Boralex, d’acheter des composantes d’éoliennes au Québec.


    https://www.journaldemontreal.com/2018/09/20/aucune-exigence-de-contenu-dici



  • Jean-Claude Pomerleau Répondre

    7 septembre 2018

    Le gouvernement libéral, le « parti de l'économie » a forcé Hydro-Québec à acheter au privé à plus de 11 cents le KWH, ce qui l'oblige à renoncer à sa propre production (barrages) qui lui couterait moins de 3 cents ! C'est ce qu'on apprends aujourd'hui dans le JdeM :










    L’argent coule à flots des barrages d’Hydro-Québec


    La société d’État va perdre 700 M$ avec les déversements records et historiques d’eau cette année



    (...)


    Mauvaise gestion»




    En octobre dernier, Hydro-Québec disait avoir accumulé 139 térawattheures de stocks d’eau dans ses 27 immenses réservoirs situés dans le nord du Québec.




    «L’eau coule en pure perte chez Hydro-Québec. Cela témoigne d’une très mauvaise gestion des stocks d’énergie au cours des dernières années», souligne l’analyste indépendant en énergie, Jean-François Blain.




    Selon ce dernier, la capacité excédentaire de production de la société d’État liée à l’achat d’énergie éolienne ne lui permet plus de gérer efficacement ses stocks d’eau derrière ses barrages.




    «Hydro-Québec a trop acheté d’électricité de producteurs privés au cours des dernières années. Et là, on le voit, ça se traduit par des déversements. Cela lui fait perdre des millions $ chaque jour», a-t-il souligné.




    Cette année, Hydro-Québec achètera pour 11 térawattheures d’énergie éolienne à des producteurs privés pour un montant de 1,1 milliard $.




    Un térawattheure peut alimenter en électricité 50 000 maisons.


    https://www.journaldemontreal.com/2018/09/07/le-cauchemar-eolien-prend-de-lampleur



     

     



     



     


















  • Jean-Claude Pomerleau Répondre

    3 septembre 2018

    Apuiat : Lisée demande à Hydro de lever la confidentialité de l’entente de principe


    https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1121469/apuiat-lisee-hydro-quebec-confidentialite-entente-innus-pq-caq-legault

     

    En fait il faudrait que Lisée demande un audit sur tous les contrats signés sous la gouverne libérale concernant la privatisation des filières énergétiques d'HQ. Et sur les clauses cachées qui portent sur la suite, après l'expiration de ces contrats....

     

    La privatisation d'HQ devrait être un enjeu majeur de cette élections,....

     

     

     

  • Jean-Claude Pomerleau Répondre

    15 août 2018

    Le Bras de fer se transpose au sein même du CA d'HQ ....



     

    Selon cette nouvelle du Journal de Montréal (*), il devient clair que le PDG d'Hydro-Québec . Éric Martel.  n'est pas seul dans son bras de fer avec le gouvernement et qu'il a des alliés à l'intérieur même du CA.

     

    De toute évidence, ces derniers sont suffisamment en force pour avoir contrer la volonté « indéfectible » du gouvernement Couillards d'imposer ce projet avant l'élection. C'est ce qui découle de la décision du CA de « prendre plus de temps pour se prononcer » , un vote devenu « peu probable en pleine campagne électorale ».

     

    Les alliés du PDG Éric Martel sont-ils majoritaire ou minoritaire au CA  ? 

     

    Pour le moment ce qui est certain, une mauvaise nouvelle pour le régime, c'est que les délibérations du CA semble être un livre ouvert pour Québecor Média.

     


    (*) En entrevue à TVA Nouvelles, le président du conseil, Michael Penner, confiait lundi que les 15 membres prendront plus de temps avant de se prononcer. Selon des sources gouvernementales, plusieurs administrateurs se sentent pris entre l’arbre et l’écorce. (...)

     

    Le sort du projet demeure donc entre les mains du conseil d’administration d’Hydro-Québec le 7 septembre prochain. Selon des sources bien au fait des discussions, il s’avère peu probable que les administrateurs votent sur le projet en pleine campagne électorale. Le vote pourrait donc avoir lieu lors d’une rencontre déjà prévue à l’agenda au mois d’octobre.

     

     

    https://www.journaldemontreal.com/2018/08/14/projet-eolien-apuiat--un-vote-apres-les-elections-1


  • Jean-Claude Pomerleau Répondre

    14 août 2018

    Selon le ministre Moreau, Hydro-Québec est devenu la chose du parti libéral :

     

    Le ministre Moreau fait une grave erreur quand il affirme que le gouvernement (libéral) est actionnaire d'HQ. C'est l'État qui est actionnaire selon la loi et le gouvernement n'est que le fiduciaire .



    Démonstration :

     

    M. Moreau rappelait à M. Martel que diriger Hydro-Québec est un « privilège ».



    « [La prise de position de M. Martel] est contraire aux orientations et objectifs que le gouvernement du Québec a fixés à Hydro-Québec, dont il est, dois-je vous le rappeler, l'actionnaire unique. »



    - Le ministre Pierre Moreau, dans une lettre transmise jeudi au président d'Hydro-Québec



    https://vigile.quebec/articles/projet-eolien-d-apuiat-tirs-croises-contre-hydro-quebec



    Ce que la loi dit :



    L'administrateur, le dirigeant ou le contrôleur est nommé pour contribuer à la réalisation de la mission de la Société dans le meilleur intérêt du Québec. Dans ce cadre, il doit mettre à profit ses connaissances, ses aptitudes et son expérience de manière à favoriser l'accomplissement efficient, équitable et efficace des objets assignés à la Société par la loi et la bonne administration des biens qu'elle possède comme mandataire de l'État. Sa contribution doit être faite dans le respect du droit, avec honnêteté, loyauté, prudence, diligence , efficacité, assiduité et équité.

    (...)



    http://www.hydroquebec.com/data/a-propos/pdf/code-ethique-fr.pdf« moins