Aux États-Unis, le président élu Barack Obama a été proclamé homme de l'année 2008 par le magazine Time. Au Canada, le premier ministre Stephen Harper a été pour sa part désigné personnalité de l'année par La Presse canadienne. S'ils sont semblables, les deux titres n'ont pas la même valeur. Time l'attribue suivant une longue tradition de reconnaissance du mérite d'une personne. La Presse canadienne ne fait que souligner la place occupée dans l'actualité par un personnage public. Il ne faut surtout pas y voir un jugement de valeur sur notre premier ministre.
Le titre de personnalité de l'année, Stephen Harper le mérite grâce aux manchettes, aux controverses et aux crises qu'il a provoquées ces 12 derniers mois. À la différence du futur président américain, le premier ministre suscite la grogne plutôt que l'enthousiasme, divise l'opinion publique plutôt que de la rassembler. S'il est l'homme de l'année au Canada, il l'est par la négative.
Élu premier ministre en janvier 2006, Stephen Harper avait agréablement surpris. Dès les premiers mois de son mandat, il était apparu comme un homme de décision, habile à faire adopter ses projets par une opposition majoritaire. Capable d'audace aussi, comme l'a démontré la reconnaissance par la Chambre des communes de la nation québécoise. En 2008, ce sont les défauts de ses qualités qui se sont fait jour.
Homme de décision, Stephen Harper l'est. Mais on a vu qu'il ne prend pas toujours les bonnes décisions. Pis, qu'il est capable d'entêtement. Ainsi, il lui aura fallu des semaines avant d'admettre que le choix de Maxime Bernier comme ministre des Affaires étrangères était une erreur. Envers et contre tous, il a défendu son droit d'entretenir une liaison avec Julie Couillard, dont les relations passées avec le monde interlope étaient de commune renommée.
Stratège audacieux, oui, mais le premier ministre a montré cette année que tous les moyens sont bons pour parvenir à ses fins. On l'a ainsi vu autoriser des attaques disgracieuses à l'endroit du chef libéral, Stéphane Dion, pour l'entraîner par la suite, au moment où il était le plus faible, dans une bataille électorale. Il croyait l'élection gagnée d'avance, mais la majorité qu'il croyait à portée de main lui a malgré tout échappé.
Sûr de lui, Stephen Harper l'est au point d'être présomptueux. Fin novembre, il a cru pouvoir casser les reins de l'opposition et montrer à tout le pays qu'il était le plus fort. Prenant prétexte de la nécessité de réduire les dépenses de l'État, il cacha dans l'énoncé économique et financier du 27 novembre le retrait de tout financement public aux partis politiques. Il était convaincu que ceux-ci, de crainte de se retrouver de nouveau en campagne électorale, plieraient devant sa volonté. Il avait mal lu la détermination de l'opposition et surtout sa capacité de réaction en formant une coalition capable de gouverner à sa place.
Stephen Harper est un volontariste, qui une fois de trop a voulu soumettre la réalité politique à sa volonté. La réalité économique aussi. Alors que tous voyaient venir une récession, il a pendant des mois été le seul à croire que la lutte contre le déficit devait demeurer la priorité du gouvernement. Encore là, il aura fallu que les partis d'opposition conjuguent leurs forces pour le ramener à la raison.
La crise ouverte par la présentation de cet énoncé économique et financier a été le point d'orgue de l'année politique. On ne sait comment elle se terminera. Stephen Harper remportera possiblement le vote de confiance auquel il sera soumis à la fin du mois prochain. Mais il demeurera affaibli. Un doute persistera sur la qualité de son jugement politique. Un doute demeurera aussi sur son sens de l'État. On se demandera, chaque fois qu'il prendra des décisions importantes, s'il est guidé avant tout par le bien-être des Canadiens ou par des intérêts partisans.
Ce doute sera d'autant plus grave que l'année 2009 sera une année difficile. Il y aura la situation économique qui pourra exiger plusieurs interventions du gouvernement fédéral. Le Canada devra revoir sa politique environnementale de non-contrôle des émissions de gaz à effet de serre à la lumière des décisions que prendra Barack Obama, qui a promis d'engager les États-Unis dans une politique inverse. Il faudra établir des liens avec le nouveau président et le convaincre de s'intéresser au Canada.
Stephen Harper étant ce qu'il est, il fait semblant que tout va pour le mieux pour lui. Il n'est pas dans sa nature d'avouer s'être trompé. Mais quoi qu'il fasse et quoi qu'il dise, on sait maintenant qu'il n'est pas le plus fort. La personnalité de l'année 2009 au Canada pourrait bien être son adversaire libéral, Michael Ignatieff.
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