Depuis quelques mois, on assiste à l’émergence d’un étrange discours dans notre espace public : l’anglais serait menacé au Québec.
Plus encore, la communauté anglophone serait en danger et il faudrait se porter à son secours. C’est notamment ce que pense Jean-Marc Fournier, qui parle au nom du gouvernement.
Singulier retournement historique quand on pense qu’il y a peu encore, on s’inquiétait pour le sort du français au Québec et en Amérique. Cette inquiétude était ancrée dans la réalité.
Réalité
Mais nous entrons dans un monde où se soucier du réel semble optionnel. Cherchons néanmoins à en tenir compte.
Le Québec est une petite société française campée au nord du plus puissant empire de tous les temps. Et les Québécois parlent une langue étrangère à l’empire.
Dans leurs bons jours, ils se voient comme des résistants, fiers défenseurs d’un village gaulois qui mérite non seulement de survivre, mais de s’épanouir.
Dans leurs mauvais jours, et ils en ont de plus en plus, ils se croient enfermés dans une culture qui les coupe du monde. Alors ils sont tentés de s’en débarrasser, d’abandonner, de se renier.
Le peuple québécois est aussi coincé dans une fédération qui refuse de reconnaître son identité et de lui accorder les pouvoirs nécessaires à sa conservation.
Ottawa considère le Québec comme un territoire bilingue et ne voit dans la loi 101 qu’une excentricité juridique servant à rassurer symboliquement les Québécois. Mais dans les faits, il s’en moque et n’hésite pas à la combattre.
Certains s’imaginent que les questions constitutionnelles relèvent du pelletage de nuages. Dans les faits, la constitution canadienne pousse à l’anglicisation du Québec.
Les immigrés qui arrivent au Québec se retrouvent devant une société officiellement française, mais pratiquement bilingue, surtout à Montréal, où l’anglais domine. D’ailleurs, ils sont la principale source de renouvellement démographique de la minorité anglophone.
Montréal est une ville qui anglicise ses immigrants et où les francophones développent des réflexes de minoritaires.
À la grandeur du Québec, peu à peu, on en vient à accepter l’idée que Montréal devient culturellement étrangère à la nation.
Pour peu qu’on regarde les choses avec un peu de hauteur historique et géopolitique, le maintien d’une société de langue et de culture françaises en Amérique, 250 ans après sa conquête par une puissance hostile qui l’a condamnée à une forme de subordination confortable, a quelque chose de miraculeux.
Cette société ne s’est maintenue qu’en ayant une conscience forte de ses intérêts vitaux. Elle savait combattre politiquement.
Majoritaire
Une constante se dégage : là où ils étaient minoritaires, les francophones ont perdu. On l’a vu dans les provinces anglaises où le fait français est condamné au folklore et au respirateur artificiel. De là l’importance d’être clairement majoritaire chez soi.
Ceux qui présentent les Québécois francophones comme une majorité assurée de son avenir, se racontent des histoires et veulent nous endormir.
Leur optimisme relève d’une insouciance navrante. Ou plus exactement, d’une négligence coupable. Les Québécois ne doivent pas relâcher leur vigilance sur la question linguistique.