Dans un éditorial publié dans l’édition du 6 février, intitulé « An anti-terrorism bill that’s anti-everything », le Globe and Mail y va d’une charge à fond de train contre le projet de loi antiterroriste C-51 du gouvernement Harper.
Le Globe démontre que le projet de loi a des visées bien plus larges que les supposés actes terroristes de l’État islamique contre lesquels « le Canada est en guerre », comme aime à le rappeler Stephen Harper.
Le projet de loi, souligne le Globe, attribue de nouveaux pouvoirs au Service canadien de renseignement et de sécurité (SCRS) pour contrer « toute activité qui porte atteinte à la souveraineté, à la sécurité ou à l’intégrité territoriale du Canada ».
Avec raison, le Globe pose la question : Est-ce que porter atteinte à « l’intégrité territoriale du Canada » s’applique à un parti politique qui prône l’indépendance du Québec?
Au nombre des autres activités « terroristes » visées par le projet de loi, il y a le fait d’« entraver la capacité du gouvernement fédéral en matière (…) de stabilité économique ou financière du Canada ».
Cet argument de la « stabilité économique » a déjà été utilisé pour imposer – ou menacer d’imposer – des lois spéciales pour forcer le retour au travail ou empêcher le déclenchement de grèves dans le transport aérien, le transport ferroviaire et les ports du Canada.
Est-ce donc à dire que les travailleurs qui voudraient déclencher des grèves pourraient être considérés comme des « terroristes » et menacés de 5 années de prison?
Le projet de loi cible également les activités visant à « entraver le fonctionnement d’infrastructures essentielles ». Le Globe demande si des Autochtones qui bloqueraient un chemin de fer, comme cela s’est déjà fait, seraient considérés comme des « terroristes ».
On pourrait aussi évoquer le cas de militants environnementalistes qui s’opposeraient à la construction d’oléoducs.
Contre la création d’une police secrète
Pour contrer l’indépendance du Québec, empêcher le déclenchement d’une grève ou perturber une action environnementaliste, le SCRS se voit attribuer le pouvoir d’intervenir par des actions clandestines.
Selon le Globe, « si le projet de loi C-51 est adopté, le SCRS pourra perturber toute activité qui pourrait constituer une menace selon ses maîtres politiques. De la façon dont le projet de loi est rédigé, cela inclut beaucoup plus que du terrorisme ».
Le journal critique l’appui du Parti Libéral de Justin Trudeau à C-51 en disant que « c’est comme acheter un taureau en espérant que ses excréments pourront être vendus en tant que parfums ».
Déjà, le 1er février, le Globe avait écrit, dans un autre éditorial, que « le Parlement doit rejeter le projet de loi de Harper créant une police secrète », en ridiculisant la vidéo mise en ligne sur le site de Stephen Harper qui laissait croire que « les Canadiens ne se sentaient plus en sécurité dans leurs foyers à cause de l’État islamique » et qu’un « grand mal était descendu sur notre monde ».
Des éditorialistes québécois mollassons
Il aurait été rassurant que les médias québécois prennent une position aussi tranchée contre ce projet de loi qui porte atteinte à nos libertés fondamentales en tant que Québécois, syndicalistes, environnementalistes et simples citoyens.
Mais non! Dans un éditorial, intitulé « Une surveillance déficiente » (4 février), André Pratte, l’éditorialiste en chef de La Presse, ne remet pas en cause les fondements du projet de loi et se fait même rassurant.
Des « dérapages », comme nous en avons connu dans les années 1970, avec le vol des cartes de membres du Parti Québécois, les faux communiqués du FLQ, l’incendie de granges pour empêcher des réunions entre militants, et la pose de bombes par des agents du renseignement, sont « peu probables », selon lui.
Pourquoi? « Parce que le SCRS devra obtenir l’autorisation d’un juge » et qu’on « imagine mal un magistrat autoriser des opérations aussi stupides que celles menées au lendemain de la Crise d’octobre ». Faut vraiment faire preuve d’un grand manque d’imagination!
La seule critique formulée par Pratte à l’égard du projet de loi est que l’actuel Comité de surveillance des activités de renseignement – sur lequel, rappelons-le, ont siégé Arthur Porter et Philippe Couillard – n’aurait pas l’autorité et la compétence nécessaires. Il plaide plutôt pour la mise sur pied d’un comité parlementaire.
Le directeur du Devoir, Bernard Descôteaux, campe sensiblement sur les mêmes positions. Dans son éditorial du 31 janvier, il écrit que « le projet de loi n’est pas liberticide ». L’important est donc de simplement s’assurer que les « mesures d’encadrement judiciaire des pouvoirs donnés à la GRC et au SCRS » soient « suffisants ». Il plaide, lui aussi, pour la mise sur pied de « mécanismes de contrôle parlementaires ».
Plutôt que de consacrer autant de temps aux élucubrations de l’imam Chaoui, nos éditorialistes, chroniqueurs et journalistes devraient s’intéresser davantage aux politiques de celui qui constitue la véritable menace à nos droits démocratiques : Stephen Harper.
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