C’est parce que le Québec est une société distincte de relative petite taille que l’on a aperçu la goutte des salaires des hauts dirigeants de Bombardier nous affecter.
Il faut prendre conscience que toutes les sociétés ouvertes (cotées en bourse) ont déjà largement rempli le vase de notre indignation depuis 1976.
Cette année-là, un article du Journal of Financial Economics de l'Université de Rochester dans lequel l’idée suivante est avancée: rémunérer les dirigeants d’une entreprise en actions avec droit de vote aux cadres supérieurs de l'entreprise revient à harmoniser leurs intérêts avec ceux des actionnaires. Cette suggestion fut adoptée, ou plutôt appliquée, à vitesse grand V par plusieurs entreprises.
La rémunération des PDG s’est ensuite totalement emballée, une croissance de 940 % depuis 1980, reléguant bien loin derrière l’intérêt des actionnaires et de toutes les parties prenantes, par ailleurs.
Bien plus, cette politique de rémunération basée sur l’attribution d’actions et d’option d’achat d’actions n’a pas empêché les faillites retentissantes de Enron, WorldCom, Tyco et Nortel.
La crise financière de 2008-2009 n’est pas non plus étrangère à cette situation, crise provoquée par des banquiers largement bénéficiaires de ce système pervers de rémunération.
Un système largement décrié par tout le monde, y compris Warren Buffet: «Un système où les rémunérations des dirigeants n’ont plus aucun rapport avec les performances de leurs sociétés et ne cessent de s’accroître par rapport à celles des salariés est un système détestable.»
Nous pouvons changer les choses
Est-ce que notre société est suffisamment distincte pour avoir donné naissance à des administrateurs hors du commun capables de mettre fin à ce régime de rémunération et en fixer les limites?
Dans plusieurs pays, on a commencé à le faire, de manières législative et contraignante. En France, la rémunération des dirigeants de sociétés où l’État est actionnaire est limitée à 20 fois le salaire moyen des plus bas salaires de la quinzaine d’entreprises publiques visées.
Rémunération chez Bombardier
La politique de rémunération de Bombardier, rejetée par 93 % de la population du Québec, ne sera jamais acceptable, même avec le report des ajustements salariaux des dernières semaines.
Sans limites à la rémunération des hauts dirigeants sur la base d’un multiple du salaire moyen, on ne fait que reporter la reprise de l’escalade de l’iniquité.
J’en appelle à tous les partenaires financiers de Bombardier: aux actionnaires majoritaires (fiduciaires de l’immense héritage des fondateurs de cette entreprise), aux fonds publics d’investissement, aux fonds de travailleurs, tout comme aux actionnaires minoritaires à faire de cette extraordinaire société un modèle mondial de bonne gouvernance, surtout en matière de rémunération, et de rejeter la politique de rémunération actuelle.
Bombardier pourra alors être fière d’avoir contribué à mettre fin à la marche infernale d’un système totalement déréglé.
Daniel Thouin
président du conseil d’administration du MÉDAC
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