Bellemare parle, Charest pédale

Commission Bastarache


Des organisateurs et des collecteurs de fonds qui font des pressions auprès de ministres pour faire placer des amis du parti au pouvoir...
Si vous pensez vraiment qu'il s'agit d'une nouvelle, soit vous êtes d'une touchante naïveté, soit vous venez d'une autre planète.
Tous les partis ont des «listes». Et des organisateurs qui aiment bien, par pur power trip ou pour assurer les renvois d'ascenseur, montrer qu'ils sont capables de placer leur monde. Seulement, ces histoires ne sont généralement pas étalées sur la place publique, comme les petits secrets de famille dont on ne parle pas hors de la maison.
Que Marc Bellemare affirme avoir fait quelque chose qui lui répugnait (et qu'il ait attendu plus de cinq ans pour se libérer la conscience) mine évidemment sa crédibilité. Mais la commission Bastarache n'est pas un confessionnal, c'est un outil qui cherche à établir les faits et les responsabilités.
La cause de la crédibilité a déjà été entendue: les Québécois, dans une écrasante proportion, croient davantage Marc Bellemare que Jean Charest. Cela en dit plus long, d'ailleurs, sur le peu de confiance qu'ils ont envers le premier ministre que sur leur sympathie pour Me Bellemare.
M. Charest et son entourage pourront toujours dire que Marc Bellemare a dégonflé lui-même son ballon du «système» de nomination lié au financement en avouant qu'il n'était pas question d'argent sonnant contre nomination. Il reste que l'ancien ministre de la Justice a lancé un grand seau de boue dans la cour du premier ministre avec ses allégations.
Que fait-on pour nettoyer un tel dégât, surtout lorsqu'on est éclaboussé soi-même?
Quelques options s'offrent au premier ministre, mais aucune d'entre elles ne garantit un lavage plus blanc que blanc.
1. Donner du temps au temps (lire: ne rien faire). Jean Charest est assez doué pour ne rien faire (on l'a vu avec les multiples et incessantes demandes de commission d'enquête sur le monde de la construction) mais, cette fois, il n'a pas le choix, il doit réagir puisqu'il a lui-même créé la commission Bastarache.
2. La négation. C'est cette voie qu'a choisie M. Charest hier, dans un geste inusité (commenter à chaud le premier jour de témoignage devant une commission d'enquête alors qu'il aura l'occasion d'y témoigner lui aussi). C'est la stratégie «ma parole contre la sienne» et, à ce chapitre, on sait déjà que le premier ministre part avec un sérieux retard.
3. La contre-attaque violente et documentée. La deuxième option étant douteuse, Jean Charest a intérêt à avoir en main des éléments de preuve démontrant clairement les fabulations de son accusateur. Les allégations de l'ancien ministre feront mal, mais certaines de ses affirmations sont faibles, imprécises et moins crédibles. La question est de savoir si le clan Charest peut semer le doute sur les révélations et les motivations de Me Bellemare. Tout dépendra aussi du témoignage des autres acteurs clés, dont Franco Fava.
4. L'admission. Les libéraux pourraient faire le pari de la franchise et dire que, comme tous les partis, ils nomment des gens qu'ils connaissent et en qui ils ont confiance. Faute avouée est à moitié pardonnée, dit-on. Pas dans ce cas-ci. Il est trop tard. Et la confiance des Québécois est trop ébranlée pour accepter une telle explication. De plus, il ne faut pas oublier que Jean Charest poursuit Marc Bellemare et qu'il ne peut donc pas lui donner raison.
5. Trouver un bouc émissaire. Il est toujours utile d'avoir un Chuck Guité pour porter le chapeau. Il s'agit de démontrer que, s'il y a eu entorse, cela s'est passé aux étages inférieurs de la hiérarchie, par la faute de quelques acteurs intéressés ou peu scrupuleux. Cela ne suffit pas toujours, cependant. Si Jean Brault a été capable de couler Paul Martin, Marc Bellemare peut certainement en faire autant avec Jean Charest. Personne ne pouvait sincèrement croire que Paul Martin était au courant de toutes les petites magouilles des commandites mais, à la fin, c'est tout de même lui qui a casqué.
6. Faire diversion (avec des annonces et de bonnes nouvelles, par exemple). Une recette éprouvée à maintes reprises mais, dans ce cas-ci, il faudrait que Jean Charest sorte tout un lapin de son chapeau!
Tournez ça dans tous les sens, le résultat est le même: si Jean Charest espère sortir indemne de cette commission, il n'a pas le choix de miser sur la troisième option. Et d'avoir le bon numéro.


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